Philippines : Controverse autour de la nomination de Dave Gomez, chef de la communication de l’exécutif
17 juillet 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 15 juillet 2025
Temps de lecture : 6 minutes
Des organisations de santé publique, des parlementaires et des acteurs de la société civile expriment de fortes inquiétudes quant à la nomination de Dave Gomez, ancien cadre de Philip Morris, à la tête du bureau présidentiel de la communication (PCO). Cette décision soulève des questions majeures d’indépendance de la communication gouvernementale, en particulier sur les sujets liés à la santé publique et à la lutte antitabac.
Un ancien de Philip Morris nommé à la communication présidentielle
Le 11 juillet 2025, le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a annoncé la nomination de Dave Gomez en tant que nouveau secrétaire du Presidential Communications Office (PCO), organe central de la communication de l’exécutif. Ancien directeur de la communication globale pour Philip Morris Fortune Tobacco Corporation, Dave Gomez a également travaillé dans les relations publiques pour d'autres grandes entreprises privées. Cette nomination a immédiatement suscité la controverse.
Les opposants pointent du doigt ses liens étroits avec l’industrie du tabac, dénonçant un choix incompatible avec les missions de l’administration, notamment en matière de prévention des maladies non transmissibles. Le PCO est en effet chargé de coordonner la communication gouvernementale, y compris les campagnes de sensibilisation du public sur des enjeux de santé. Or, l’industrie du tabac est régulièrement accusée de stratégies visant à retarder ou affaiblir les politiques de santé publique, en particulier celles liées à la réglementation du tabac et des produits à base de nicotine.
Réquisitoire de la sénatrice Pia Cayetano et des ONG
Parmi les premières personnalités à exprimer leur opposition figure la sénatrice Pia Cayetano, engagée de longue date dans les politiques de santé publique et la lutte contre le tabagisme. Elle a vivement critiqué la nomination de Dave Gomez, qu’elle qualifie de « conflit d’intérêts dangereux », soulignant qu’un tel profil ne peut incarner de manière crédible la voix du gouvernement sur des enjeux aussi sensibles.
« Comment le gouvernement peut-il mener des campagnes crédibles contre le tabagisme et le vapotage alors que la personne en charge de sa communication a travaillé pour l'industrie que nous tentons de réglementer ? », a-t-elle déclaré à la presse locale[1].
La sénatrice a reçu le soutien de nombreuses organisations de la société civile, parmi lesquelles HealthJustice Philippines, le Medical Action Group, la Youth for Mental Health Coalition, et le réseau Child Rights Network. Toutes demandent à la Commission on Appointments de ne pas confirmer cette nomination, qu’elles estiment incompatible avec l’éthique du service public.
Dans une déclaration conjointe, une coalition de dix ONG de santé et de défense des droits appelle à un retrait immédiat de cette désignation.
« Confier les rênes de la communication gouvernementale à une personne ayant œuvré pendant des années pour une industrie aussi nocive, c’est compromettre les fondements mêmes du service public », indiquent-elles dans leur communiqué.
Elles dénoncent une menace directe pour l’indépendance du discours public et rappellent que l’industrie du tabac est reconnue, comme ayant des intérêts fondamentalement opposés à ceux de la santé publique[2]. Cette reconnaissance figure dans l’un des textes internationaux adoptés en conférence des parties du traité de l’OMS, la convention cadre pour la lutte antitabac, y compris par les Philippines.
Elles craignent que le PCO, sous cette direction, n’ait plus la capacité de porter des messages de prévention clairs et indépendants, notamment à destination des jeunes, qui constituent une cible privilégiée des stratégies marketing de l’industrie du tabac et du vapotage. Cette décision intervient alors que les Philippines ont récemment renforcé leur cadre réglementaire sur les produits de vapotage et réaffirmé leur engagement à respecter les obligations de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, notamment la nécessité de protéger les politiques publiques de toute influence de l’industrie.
Un contexte marqué par l’ingérence croissante de l’industrie du tabac
Cette controverse s’inscrit dans un climat plus large de préoccupations autour de l’influence croissante de l’industrie du tabac aux Philippines.
Des opérations de promotion de produits nicotinés, y compris des distributions gratuites dans des bars et discothèques, ont été documentées, ciblant délibérément les jeunes adultes dans un cadre festif et peu réglementé[3].
Par ailleurs, ces derniers mois, plusieurs événements ont mis en lumière les liens persistants entre des représentants de l’État et les intérêts industriels. En mai 2024, la nomination d’un représentant philippin controversé à la présidence de la 77e Assemblée mondiale de la santé[4] avait suscité de vives réactions, en raison de sa proximité supposée avec l’industrie du tabac. Enfin, des délégations philippines ont été citées parmi les acteurs ayant freiné les négociations internationales de l’OMS sur la lutte contre le tabac[5]. L’affaire Gomez vient ainsi renforcer les craintes d’un affaiblissement institutionnel dans la mise en œuvre des engagements internationaux du pays en matière de santé publique.
AE
[1] Hannah L. Torregoza, Pia Cayetano joins groups rejecting Gomez appointment as PCO secretary, Manila Bulletin, publié le 11 juillet 2025, consulté le jour-même [2] Cayetano, CSOs oppose Dave Gomez appointment at PCO, Manila Standard, publié le 11 juillet 2025, consulté le jour-même [3] Génération sans tabac, Philippines : distribution gratuite de produits de la nicotine dans les bars et discothèques, publié le 20 avril 2025, consulté le 11 juillet 2025 [4] Génération sans tabac, Controverse autour de la nomination des Philippines à la présidence de l’Assemblée mondiale de la Santé, publié le 15 avril 2025, consulté le 11 juillet 2025 [5] Génération sans tabac, Des délégations mises en cause dans le blocage des négociations internationales de l’OMS, publié le 12 mai 2025, consulté le 11 juillet 2025 Comité national contre le tabagisme |