Nouvelle-Zélande : la stratégie de la ministre de la santé pour parvenir à une génération sans tabac est un échec
15 octobre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 14 octobre 2024
Temps de lecture : 5 minutes
Le gouvernement néo-zélandais a récemment réduit de moitié les droits d'accise sur les produits du tabac à chauffer. La ministre en charge de la santé, Casey Costello, a affirmé que cette mesure permettrait à 7 200 « fumeurs invétérés » d'arrêter de fumer. Cependant, il n'existe pas de preuves solides et indépendantes permettant d'affirmer que les produits du tabac chauffés sont des outils d'aide au sevrage tabagique.
Dans une publication[1], co-écrite par des experts en santé publique dont Janet Hoek, Andrew Waa, Jude Ball, Richard Edwards et Anna Graham-DeMello, ceux-ci appellent la ministre de la santé à adopter une approche fondée sur des données probantes.
La nécessité de réintroduire des mesures plus fortes
Au début de l'année 2024, le gouvernement de coalition a abrogé les mesures de lutte contre le tabagisme, en particulier l’interdiction de vente aux personnes nées après 2009, la dénicotinisation des produits et la réduction drastique du nombre de points de vente, qui auraient permis de réduire considérablement l’accessibilité aux produits mais aussi la dépendance et du tabac[2]. La ministre actuelle de la santé, Casey Costello, a justifié cette abrogation en proposant de cibler les personnes qu'elle a décrites comme des « fumeurs invétérés ».
Les auteurs de la publication contestent cette approche ciblée sur les « gros fumeurs », expliquant que les données révèlent une baisse significative du nombre de cigarettes fumées par jour au cours des dix dernières années dans le pays et une augmentation significative du nombre de personnes qui arrêtent de fumer. Cette catégorie de « gros fumeurs » se réduit ainsi d’année en année. Pour les auteurs, toutes les mesures prises, telles que l'augmentation du prix des cigarettes et la réduction du nombre d'endroits où l'on peut fumer, augmentent la motivation des gens à arrêter de fumer.
Les auteurs rappellent également qu’il est important d'offrir des traitements de sevrages fondés sur des données probantes aux personnes qui essaient d'arrêter de fumer. En incluant les produits du tabac chauffé dans la stratégie Smokefree 2025, le gouvernement néo-zélandais a agi contre l'avis même des membres du ministère de la santé et du Trésor, contre les recommandations de l'OMS et contre les conclusions d'une étude Cochrane. Cette dernière est considérée comme la référence en la matière. Les « conseils indépendants » sur lesquels s'est appuyée la ministre associée de la santé comprennent des documents datés, issus de l’industrie du tabac et pour la plupart non pertinents[3].
Le tabac chauffé ne contribuera pas à la réalisation de l'objectif « 2025 sans tabac »
Dans leur note d'information du Centre de communication sur la santé publique, les auteurs affirment que la réduction de moitié de la taxe d'accise sur les produits de tabac chauffé menée par la ministre de la santé n'aurait qu'un effet minime sur la réalisation de l'objectif « Smokefree 2025 ». Ils affirment également que compte tenu du fait que la plupart des produits du vapotage et du tabac chauffé ne sont pas conformes aux nouvelles exigences en matière de sécurité, et donc non autorisés à la commercialisation, l’objectif affiché de la ministre de la santé ne peut être atteint.
Selon les experts, le briefing, Government struggling with evidence : Heated tobacco products, addiction levels, and Smokefree 2025, indique que le gouvernement a remplacé des « mesures fondées sur des preuves » qui auraient considérablement pu réduire la prévalence du tabagisme, par une « réduction de prix pour un produit alternatif qui n'a pas fait ses preuves et qui n'est plus disponible ».
Ainsi la note d'information souligne la référence de Costello à une modélisation du ministère de la santé suggérant qu'environ « 7200 fumeurs au cours des deux prochaines années pourraient passer à des produits du tabac chauffés ». L'un des auteurs de cette modélisation, Richard Edwards, professeur de santé publique au département de santé publique de l'université d'Otago, a souligné que le chiffre de 7 200 fourni par le ministère ne représentait qu'un faible pourcentage du total requis pour atteindre l'objectif de géné ration sans tabac.
Selon eux, il faudrait que 80 505 personnes supplémentaires arrêtent de fumer pour « atteindre une prévalence du tabagisme de 5 % dans l'ensemble de la population », sur la base des données démographiques estimées pour 2023 concernant les personnes âgées de plus de 18 ans. En outre, ce calcul ne tient pas compte des inégalités en matière de prévalence du tabagisme. En outre, l'objectif Smokefree initialement fixé prévoyait d’atteindre ce niveau de prévalence quelle que soit la catégorie sociale de la population concernée. Or la prévalence du tabagisme chez les Māori, par exemple, est plus de trois fois supérieure au plafond de 5 %.
Enfin, l'« essai » du tabac chauffé mis en avant par la ministre Casey Costello n'est plus envisageable, étant donné que presque tous les produits ont été retirés de la vente, ne répondant pas aux nouvelles règles de sécurité requises[4].
AE
[1] Janet Hoek, Andrew Waa, Jude Ball, Richard Edwards, Anna Graham-DeMello, Government struggling with evidence: HTPs, addiction levels, and Smokefree 2025, PHCC, publié le 10 octobre, consulté le 11 octobre 2024
[2] Génération sans tabac, Nouvelle-Zélande : L’offensive de Philip Morris pour obtenir une fiscalité avantageuse en faveur du tabac chauffé, publié le 27 août 2024, consulté le 11 octobre 2024
[3] Génération sans tabac, Nouvelle-Zélande : le parti travailliste demande la démission de la ministre Costello, liée à l’industrie du tabac, publié le 5 octobre, consulté le 11 octobre 2024
[4] Génération sans tabac, Nouvelle-Zélande : Philip Morris contraint de retirer son dispositif IQOS de la vente, publié le 4 octobre 2024, consulté le 11 octobre
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