Nouvelle-Zélande : le parti travailliste demande la démission de la ministre Costello, liée à l’industrie du tabac

5 octobre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 3 octobre 2024

Temps de lecture : 6 minutes

Nouvelle-Zélande : le parti travailliste demande la démission de la ministre Costello, liée à l’industrie du tabac

Le Dr Ayesha Verrall, porte-parole du parti travailliste pour les questions de santé, a demandé la démission de la ministre en charge de la santé, Casey Costello, après que son appel à intégrer les dispositifs de tabac chauffé dans la stratégie gouvernementale « Smokefree 2025 » en Nouvelle-Zélande.

Selon le Dr. Verrall, Casey Costello n'a plus aucune crédibilité en tant que ministre de la santé depuis qu’elle a supprimé des réglementations efficaces sur le tabagisme qui protégeaient la santé, et qu'elle s'est lancée dans une démarche hasardeuse en soutien aux dispositifs de tabac chauffé, conduisant à un allègement fiscal de 216 millions de dollars australiens pour le fabricant Philip Morris[1].

Des incohérences dans le discours de C.Costello

La nouvelle réglementation sur les dispositifs de vapotage en Nouvelle-Zélande est entrée en vigueur le 1er octobre 2024. Elle contraint le fabricant Philip Morris à retirer de la vente son dispositif de tabac chauffé IQOS et sa cigarette électronique VEEV One, non-conformes à la nouvelle réglementation. En effet, les nouvelles réglementations prévoient que les dispositifs de vapotage (incluant ceux de tabac chauffé)[2] doivent être équipés de batteries amovibles et avec des mécanismes de sécurité pour les enfants. Le 2 octobre, Mme Costello a déclaré au média 1News qu'elle « n'était pas au courant » que les dispositifs de tabac chauffé ne seraient pas conformes aux changements induits par la réglementation.

Interrogé à ce sujet, le premier ministre Christopher Luxon a indiqué que la ministre était au courant puisqu’elle est à l’origine du délai de mise en œuvre accordé pour cette réglementation. Des documents obtenus par le média RNZ montrent en effet que C. Costello a essayé de différer l’application de cette réglementation de deux ans. Mais le Cabinet n'a accepté que six mois de délai par rapport à la date d’entrée en vigueur initialement prévue le 21 mars 2024. Pour appuyer sa demande de report, la ministre avait indiqué que la réglementation était susceptible d’entrainer des « difficultés pour les acteurs internationaux de l'industrie de la nicotine ».

La ministre s’est appuyée sur des documents émanant de l’industrie du tabac

Pour justifier une autre décision, celle d’octroyer un allègement fiscal à Philip Morris concernant le tabac chauffé, C. Costello a affirmé qu'elle avait obtenu son propre « avis indépendant sur l'efficacité du tabac chauffé en tant qu'outil de sevrage tabagique ». Cependant, celle-ci a refusé jusqu’à présent à révéler les sources de cet avis indépendant. Elle a finalement publié cinq documents dont elle indique s’être inspirée pour justifier sa décision.

Selon le média RNZ[3], « l’avis indépendant » de la ministre est constitué de plusieurs articles, dépassés, qui portent sur des produits différents, ne soutiennent que faiblement son point de vue ou encore proviennent directement de l’industrie du tabac.

La première source, un article paru en 2020[4] (IJERPH) sur les habitudes tabagiques au Japon montre que les ventes de cigarettes ont diminué après l'introduction des produits du tabac chauffés. Cette étude s'appuie sur des données de l'Institut du tabac du Japon et de Philip Morris International. L'Institut du tabac du Japon a été créé en 1987 et compte d’ailleurs parmi ses membres fondateurs les cigarettiers Japan Tobacco et Philip Morris.

Un autre document - « A Decision-Theoretic Public Health Framework for Heated Tobacco and Nicotine Vaping Products »[5] - comprenait des sources citées dont tous les auteurs travaillaient pour Philip Morris. Il suggérait que les produits du tabac chauffés pouvaient contribuer au sevrage tabagique, mais que les avantages étaient moindres si les produits chauffés étaient utilisés en remplacement de produits de vapotage moins nocifs. Il mettait en garde contre le risque d'encourager les non-fumeurs à consommer du tabac ou d'inciter les anciens fumeurs à rechuter.

Un rapport de 190 pages du Collège royal des médecins du Royaume-Uni[6], publié en 2016, qui ne mentionne pas spécifiquement les produits du tabac à chauffer compte parmi les documents produits. Le rapport se concentre sur les produits nicotiniques autres que le tabac, tels que les e-cigarettes. Il indique qu'il est important d'examiner attentivement le rôle des produits à base de nicotine dans le sevrage tabagique afin de maximiser leurs avantages à cette fin.

L'étude « Patterns of Smoking and Snus Use in Sweden : Implications for Public Health »[7] examine les relations entre l'utilisation du snus et le tabagisme en Suède. Il ne mentionne pas du tout les produits du tabac chauffés. Enfin, le dernier article était un billet d’opinion publié dans le Lancet[8].

L'avis du Trésor public[9] à la ministre, récemment rendu public, montre également que des fonctionnaires ont indiqué à C. Costello qu'il n'y avait « aucune preuve indépendante claire que les produits du tabac chauffé soient nettement moins nocifs que les cigarettes ». Cet avis précise que « L'Organisation mondiale de la santé affirme que les produits du tabac chauffés ne doivent pas être considérés comme une aide au sevrage tabagique » et que « Philip Morris serait le principal bénéficiaire des réductions d'impôts accordées aux produits du tabac chauffés ».

Dans une interview donnée le mercredi 2 octobre 2024 à RNZ, Casey Costello continue d’affirmer n’avoir aucun lien avec l’industrie du tabac et indique « ce que nous savons, c'est que le tabac chauffé en tant qu'alternative au tabac est moins nocif que le tabac, considérablement moins nocif ».

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Daniel Perese, Labour calls for Casey Costello to quit after her HTPs push went up in smoke, Te Ao Maori News, publié le 2 octobre 2024, consulté le 3 octobre 2024

[2] En Nouvelle-Zélande, contrairement à la France, les dispositifs de tabac chauffé sont considérés comme des produits du vapotage.

[3] Russell Palmer, Casey Costello releases 'independent' advice on heated tobacco, RNZ, publié le 3 octobre 2024, consulté le jour-même

[4] Cummings KM, Nahhas GJ, Sweanor DT. What Is Accounting for the Rapid Decline in Cigarette Sales in Japan? Int J Environ Res Public Health. 2020 May 20;17(10):3570. doi: 10.3390/ijerph17103570. PMID: 32443663; PMCID: PMC7277739.

[5] Bosilkovska M, Tran CT, de La Bourdonnaye G, Taranu B, Benzimra M, Haziza C. Exposure to harmful and potentially harmful constituents decreased in smokers switching to Carbon-Heated Tobacco Product. Toxicol Lett. 2020 May 5;330:30-40. doi: 10.1016/j.toxlet.2020.04.013. Epub ahead of print. PMID: 32380119.

[6] UK Royal College of Physicians, Nicotine without smoke: tobacco harm reduction. London. RCP : 2016

[7] Ramström L, Borland R, Wikmans T. Patterns of Smoking and Snus Use in Sweden: Implications for Public Health. Int J Environ Res Public Health. 2016 Nov 9;13(11):1110. doi: 10.3390/ijerph13111110. PMID: 27834883; PMCID: PMC5129320.

[8] Harnessing tobacco harm reduction, Beaglehole, Robert et al., The Lancet, Volume 403, Issue 10426, 512 - 514

[9] Guyon Espiner, 'Most benefit' of government's tobacco tax cuts will go to tobacco company Philip Morris, officials told Casey Costello, RNZ, publié le 30 septembre 2024, consulté le 3 octobre 2024

Comité national contre le tabagisme |

Ces actualités peuvent aussi vous intéresser