En Chine, l’industrie du tabac et les habitudes sociales freinent la réduction du tabagisme

9 septembre 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 9 septembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes

En Chine, l’industrie du tabac et les habitudes sociales freinent la réduction du tabagisme

Très intégré socialement et encore fortement valorisé, le tabagisme régresse peu en Chine où il reste la norme, et est entretenu par le monopole d’Etat.

Bien qu’ayant signé et ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) en 2005, la Chine reste le premier producteur et consommateur de tabac au monde, et le tabagisme y régresse plus lentement qu’ailleurs. Les 300 millions fumeurs chinois représentent près du tiers des fumeurs dans le monde, et absorbent 99 % de sa production de tabac. Les motifs de cette persistance semblent autant culturels qu’économiques[1].

Un solide ancrage culturel en Chine

Apparu dans les années 1930, le tabagisme s’est répandu en Chine surtout après 1949 et l’instauration de la République Populaire. Il fut très présent dans l’iconographie des grands dirigeants du pays, Mao Zedong, Zhou Enlai et Deng Xiaoping étant souvent représentés cigarette à la main. Le président actuel Xi Jinping aurait lui-même fumé jusqu’à l’âge de 40 ans, avant d’interdire de fumer dans les bâtiments publics.

Dans les mariages, des cigarettes sont proposées sur des plateaux, et offrir des cartouches de cigarettes reste une pratique professionnelle courante. De nos jours, plus de la moitié des hommes chinois sont fumeurs et chaque année plus d’un million de décès sont attribuables au tabac.

Cette culture pro-tabac, relayée par un intense marketing des fabricants sur les réseaux sociaux, a favorisé, en parallèle, le développement rapide du marché des cigarettes électroniques. Ce secteur s’est vu régulé en octobre 2022, avec l’interdiction des arômes dans les e-liquides, les stocks de e-liquides aromatisés continuant cependant à être vendus en ligne ou sous le comptoir.

Un marché sous le contrôle de l’Etat

La vente de tabac est omniprésente et les paquets de cigarettes arborent fréquemment des symboles nationaux, tels le panda ou l’ancienne résidence impériale de Zhongnaihai. Les prix des cigarettes varient de 10 à 200 yuans (soit 1,30 à 26 euros), mais le tabac reste globalement très abordable. Les revenus liés aux taxes sur les ventes de tabac représentent 11 % des recettes publiques.

En Chine, depuis 1980, le marché du tabac est contrôlé et régulé par un organisme public, la State Tobacco Monopoly Administration (STMA). Les ventes de tabac sont quant à elles réalisées par la China National Tobacco Corporation (CNTC), une société publique qui détient 98 % des parts de marché sur le territoire national. A l’international, les ventes sont assurées par la China Tobacco International (CTI) et ses diverses filiales. Employant plus de 500 000 personnes, le secteur du tabac est d’autant plus valorisé que les salaires y sont très attractifs. Y travailler est prestigieux.

Premier contribuable du pays en termes de taxes, loin devant le premier opérateur bancaire, la CNTC est impliquée depuis 2021 dans un scandale de corruption, deux douzaines de ses dirigeants ont été arrêtés pour ce motif.

Entraves à la lutte antitabac

Malgré une volonté affichée de lutter contre le tabagisme, il n’existe pas de règlementation nationale sur le sujet. Si des lois protégeant contre l’exposition à la fumée de cigarettes existent dans les principales grandes villes du pays (Beijing, Shanghai, Guangzhou, Shenzhen), elles sont plus rares dans d’autres régions et semblent globalement peu respectées. De même, les lois interdisant de vapoter dans les lieux publics restent aussi lettre morte.

En novembre 2014, le Conseil d’Etat avait esquissé un projet national de lutte contre le tabagisme afin de remplir les obligations de la Chine vis-à-vis de la CCLAT. Ce projet a cependant été bloqué dans son processus de validation et est resté à l’état de projet. Le Dr Gan Quan, directeur de la branche chinoise de l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, estime que la STMA est la principale responsable de cette inertie : « C’est souvent le même schéma ; lorsqu’une juridiction locale tente de faire passer des lois non-fumeurs, la STMA suit les dossiers et exerce des pressions, car elle ne veut pas que cette dynamique venant de grandes villes comme Beijing ou Shanghai se répande. »

Alors que les acteurs de santé pointent la responsabilité du monopole d’Etat dans cette situation et recommandent d’y mettre fin, le Dr Gan pense que les autorités chinoises ne sont pas intéressées par cette idée, pour des raisons à la fois économiques et de volonté politique. La Chine ne semble donc pas encore prête à vivre dans un monde sans tabac, ce qui nécessiterait un important travail d’information du public et de dénormalisation du tabac.

Mots-clés : Chine, consommation, marché du tabac, lutte contre le tabagisme, SMTA, CNTC.

©Génération Sans Tabac

MF

[1] Law E, 300 million smokers and counting: Why China just can’t kick its cigarette habit, The Straits Times, publié le 28 août 2023, consulté le 29 août 2023.

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