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Pollution marine de l’industrie du tabac : un coût estimé à 26 milliards de dollars US par an

Une étude publiée dans Tobacco Control a estimé le coût global de la pollution marine imputable aux déchets plastiques des cigarettes. Bien qu’inférieur au coût sanitaire et humain du tabagisme, ce coût pourrait être refacturé aux industriels du tabac au titre des dommages occasionnés.

Composé d’acétate de cellulose, une forme de plastique, les filtres de cigarettes constituent le déchet le plus fréquent dans le monde. Ils représentent également une forme de pollution évitable, puisqu’il a été démontré qu’ils ne protègent nullement la santé et qu’ils ne sont présents que pour assurer une meilleure acceptation des cigarettes par les fumeurs, notamment les femmes et les plus jeunes.

Terminant le plus souvent dans les océans, ces déchets plastiques forment l’une des multiples atteintes à l’environnement commises par l’industrie du tabac. Une chercheuse philippine a tenté d’évaluer ce préjudice, qui permettrait d’exiger d’éventuels dédommagements de la part des industriels du tabac[1].

Méthodologie d’estimation du coût des déchets plastiques

La chercheuse s’est appuyée sur les données disponibles en matière de coût environnemental de la pollution. Elle s’est ainsi basée sur les publications de la Banque Mondiale sur les coûts de gestion des déchets, sur les données de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) sur le coût des déchets plastiques, et sur les estimations du World Wildlife Fund (WWF) de l’impact d’une tonne de plastique sur les écosystèmes marins. Les données de consommation de tabac provenaient du Tobacco Atlas édité par Vital Strategies. Le poids d’un filtre de cigarette a été évalué à 3,4 grammes. Le film plastique entourant les paquets de 20 cigarettes, d’un poids de 19 grammes, a été ajouté à la masse des déchets plastiques issus des cigarettes.

Une fois croisées, ces informations ont permis d’établir un coût potentiel annuel de 26 milliards de dollars US (23,9 milliards d’euros) pour les déchets plastiques provenant des cigarettes. Ce coût se ventilerait entre 20,7 milliards de dollars US (19,4 milliards d’euros) de pertes des écosystèmes marins et de 5 milliards de dollars US (4,6 milliards d’euros) de coûts de gestion des déchets assumés par les états. Sur dix ans, ce coût cumulé s’élèverait à 186 milliards de dollars US, en tenant compte de l’inflation. Le coût plus important pour les écosystèmes tient à la persistance des émissions lors de la dégradation des filtres de cigarette, estimée à environ dix ans. Les pays générant le plus de mégots de cigarettes (Chine, Indonésie, Japon, Bangladesh, Philippines) sont ceux à qui échoient les coûts les plus importants, la plupart d’entre eux étant des pays à revenu faible ou intermédiaire.

Une estimation qui n’inclut pas la toxicité des mégots

L’auteure admet que ces estimations sont probablement inférieures au coût réel des déchets de cigarettes. Alors qu’elle est fortement préjudiciable aux écosystèmes marins, la toxicité très persistante des mégots n’a notamment pas été prise en compte, l’attention portant uniquement sur les déchets plastiques. Les coûts de nettoyage des déchets du tabac sont par ailleurs plus élevés que ceux d’autres déchets, du fait de cette toxicité, de leur petite taille et de leur très grand nombre. Des études de terrain plus détaillées permettraient de mieux prendre en compte l’ensemble des coûts engendrés par les mégots et les emballages.

L’auteure souligne également que ce coût pour l’environnement marin paraît presque dérisoire, en comparaison des 1400 milliards de dollars US (1288 milliards d’euros) de coûts économiques imputables au tabagisme. L’estimation de ce coût environnemental lui semble néanmoins indispensable pour envisager d’exiger des compensations financières de la part des industriels du tabac. Ces compensations pourraient prendre la forme d’une redevance ou d’une taxe sur les paquets de cigarettes, ce qui contribuerait à augmenter le prix du tabac et jouerait un rôle dissuasif auprès des fumeurs.

Pour réduire la pollution des déchets plastiques des filtres, une autre mesure, actuellement en discussion au niveau international, consisterait à les supprimer. C’est notamment ce que réclament 130 organisations environnementales et de santé regroupées dans la Stop Tobacco Pollution Alliance (STPA) dans le cadre de l’élaboration d’un traité international contre la pollution plastique.

Pour en savoir davantage sur la question des filtres, consultez notre décryptage.

Mots-clés : déchets plastiques, cigarettes, filtre, écosystèmes marins, coûts

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Sy DK, Tobacco industry accountability for marine pollution: country and global estimates, Tobacco Control, Published Online First: 28 November 2023. doi: 10.1136/tc-2022-057795

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 4 décembre 2023