Sachets de nicotine : le gouvernement se tourne vers l’Europe pour en obtenir l’interdiction
27 février 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 26 février 2025
Temps de lecture : 4 minutes
Le gouvernement français a saisi la Commission européenne de son projet de décret visant à interdire les sachets de nicotine. Celle-ci aura trois mois pour répondre à ces propositions, estimées par le gouvernement « justifiées, nécessaires et proportionnées pour atteindre l’objectif de protection de la santé publique ».
L’ancienne ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, avait annoncé fin octobre 2024 son souhait d’interdire les sachets de nicotine, faisant état des stratégies marketing de ciblage des jeunes, et d’une recrudescence des appels des centres anti-poison pour des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères.
La réponse de la Commission européenne est attendue dans un délai de trois mois
Le projet de décret propose d’interdire « la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition, la distribution et l’emploi de produits à usage oral contenant de la nicotine […] sur le territoire national ». S’inscrivant dans le cadre des « obstacles techniques au commerce » (OTC), un tel projet de réglementation, notifié à la Commission européenne, introduit une période de statu quo de trois mois, au terme duquel la Commission devra rendre sa décision. En cas de feu vert des institutions européennes, le décret entrera en vigueur six mois après sa parution.
Une commercialisation déjà en dehors de tout cadre réglementaire
Dans une récente note, le Conseil d’État indique que l’interdiction des sachets de nicotine n’est pas nécessaire. Plus précisément, le Conseil d’État, rappelant que la nicotine appartient juridiquement à la catégorie des substances vénéneuses, sa délivrance « ne peut en principe s’effectuer qu’en pharmacie d’officine, au vu d’une prescription d’un médecin ou d’un professionnel de santé ». Autrement dit, le Conseil d’État, faisant état d’une commercialisation courante de sachets de nicotine contenant « entre 6 et 20 mg de nicotine », en dehors des pharmacies d’officine, appelle d’abord les pouvoirs publics à faire appliquer la réglementation en vigueur. La position du Conseil d’État rejoint ainsi celle du Comité national contre le tabagisme (CNCT), qui estime que ces produits sont commercialisés de manière illicite. Ne disposant pas d’autorisation de mise sur le marché et n’appartenant pas à la catégorie des exceptions concernant les produits à la nicotine autorisés, la commercialisation des sachets de nicotine est donc considérée comme illégale par le CNCT, qui a déposé plainte pour trafic de substances vénéneuses. Dans une étude menée avec l’Institut national de la consommation – 60 Millions de consommateurs, le CNCT avait également alerté sur la présence de métaux lourds, d’arsenic et d’édulcorants dans l’ensemble des sachets de nicotine analysés.
Les buralistes et l’industrie du tabac vent debout contre le projet d’interdiction
La réaction du secteur tabac ne s’est pas fait attendre. Face à l’interdiction des cigarettes électroniques jetables, les fabricants ont concentré une partie de leur stratégie marketing sur la commercialisation et la promotion (illégales) de sachets de nicotine. Depuis plusieurs mois, la Confédération des buralistes mène une opération de relations publiques en vue d’obtenir des pouvoirs publics le monopole de la vente de ces produits. L’annonce d’une interdiction des sachets de nicotine et la parution du projet de décret ont suscité l’hostilité des représentants de la profession. Ainsi, dans une tribune publiée dans le JDD le 22 février, Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes, dénonce la « volte-face incompréhensible et injustifiée » du gouvernement, et alerte sur la « porosité certaine des pouvoirs publics aux arguments mensongers et infondés de certaines associations qui ne cherchent que des coups d’éclat médiatiques et politiques »[1]. Comme l’indique le média Euractiv, l’industrie du tabac mène également un lobbying à l’échelle européenne, afin d’obtenir une fiscalisation des sachets de nicotine préférable à une interdiction communautaire. Si la Pologne souhaite relancer le débat de la taxation des nouveaux produits, la ministre estonienne de la Santé estime quant à elle que la lutte contre le tabagisme implique nécessairement une lutte contre la consommation de nicotine : « nous n’avons pas seulement besoin d’une génération sans tabac, nous avons besoin d’une génération sans nicotine »[2].
©Génération Sans TabacFT
[1] Journal du dimanche, Sachets de nicotine : l’absurde volte-face du gouvernement, 22/02/2025, (consulté le 26/02/2025)
[2] Euractiv, Polish EU Presidency to rekindle alternative tobacco tax debate, 25/02/2025, (consulté le 26/02/2025)
Comité national contre le tabagisme |