Philippines : alertes sur la hausse de la consommation de tabac et vapotage
10 avril 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 8 avril 2025
Temps de lecture : 7 minutes
Ces dernières semaines, plusieurs signaux d’alerte ont été lancés aux Philippines face à une hausse préoccupante de la consommation de tabac et de produits de vapotage, en particulier chez les jeunes adultes. Les autorités sanitaires, les représentants du gouvernement et les organisations de la société civile multiplient les appels à la vigilance.
Par ailleurs, la consommation croissante de tabac, d’alcool et de produits de vapotage chez les jeunes Philippins a incité les experts en santé à interpeller les candidats aux élections sénatoriales. Ces derniers sont appelés à s’engager activement dans la lutte contre ces produits nocifs, souvent promus directement auprès des jeunes par des stratégies marketing agressives.
Une situation sanitaire préoccupante
Le Département de la Santé (DOH) a fait part de son inquiétude face à une augmentation significative de l’usage du tabac et des cigarettes électroniques chez les adultes, avec une prévalence passée de 19 % en 2021 à 24,4 % en 2023[1]. Cette dynamique est d’autant plus préoccupante qu’elle survient dans un pays déjà confronté à un fardeau important de maladies non transmissibles, responsables de la majorité des décès. Le DOH rappelle que les trois principales causes de mortalité aux Philippines – maladies cardiovasculaires, cancers et accidents vasculaires cérébraux – sont toutes étroitement liées à la consommation de tabac. L’augmentation de la consommation de produits du tabac et de la nicotine ne peut donc qu’aggraver les inégalités en matière de santé et alourdir les coûts pour le système public de santé.
Cette hausse préoccupante s’observe également chez les plus jeunes. Selon la dernière Enquête mondiale sur le tabagisme chez les jeunes (GYTS), 14,1 % des élèves philippins âgés de 13 à 15 ans utilisent des cigarettes électroniques et 12,5 % consomment du tabac traditionnel[2].
Une contrebande florissante et un ciblage assumé des jeunes
Le président Ferdinand Marcos Jr. a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant la prolifération des produits de vapotage de contrebande, soulignant la facilité d’accès à ces dispositifs, souvent vendus en dehors de tout cadre réglementaire et dépourvus de contrôle sanitaire[3]. Ces produits qui sortent des usines des fabricants ont des conditionnements attrayants ; ils sont proposés dans saveurs sucrées et ils sont pensés pour séduire les adolescents. Ils illustrent une stratégie de ciblage délibéré des jeunes publics.
Le chef de l’État a fermement condamné ces pratiques et s’est engagé à renforcer les contrôles aux frontières, tout en prenant des mesures concrètes pour limiter l’importation, la distribution et la vente de ces produits illicites. Cette mobilisation politique intervient dans un contexte où les autorités sanitaires rencontrent des difficultés croissantes à freiner la diffusion massive de ces dispositifs, aussi bien dans les points de vente physiques que sur les plateformes numériques.
Le ciblage des jeunes consommateurs par l’industrie du vapotage compromet les efforts de prévention déployés dans le pays et accentue le risque de normalisation de l’usage de la nicotine dès l’adolescence. Cette situation expose une nouvelle génération à un risque de dépendance précoce, avec des répercussions durables sur la santé publique.
Tabac et environnement, un problème souvent sous-estimé
La dimension environnementale liée à l’usage du tabac et du vapotage reste encore trop peu prise en compte dans le débat public. Pourtant, comme l’ont rappelé ASH Philippines et EcoWaste Coalition, les déchets générés par ces produits représentent une menace tangible pour l’environnement[4].
Les mégots de cigarettes sont la forme de déchet plastique la plus répandue au monde. Quant aux dispositifs de vape, notamment les modèles jetables, ils posent de sérieux problèmes de gestion : composés de plastiques, de batteries au lithium et de résidus chimiques, ils ne sont pas recyclables dans les filières classiques et finissent le plus souvent dans les décharges ou les milieux naturels.
Cette pollution, souvent peu visible mais massive, constitue un défi croissant pour les collectivités locales philippines, peu équipées pour la collecte et le traitement de ces produits. Elle renforce l’urgence d’une approche environnementale globale rappellent les ONG.
Une société civile mobilisée face à une industrie toujours influente
Dans ce contexte, les acteurs de la société civile philippine redoublent d’efforts pour faire pression sur les autorités. ASH Philippines et d'autres organisations plaident pour l’interdiction progressive des produits du tabac et de la vape, estimant qu’aucune politique de santé publique crédible ne peut coexister avec la commercialisation de produits à l’origine d’un tel fardeau sanitaire et environnemental.
La vigilance face à l’influence de l’industrie du tabac est un autre enjeu central. Le DOH a récemment réaffirmé sa décision de refuser systématiquement toute forme de don, partenariat ou soutien émanant de l’industrie du tabac, conformément à l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), à laquelle le pays est partie. Cette décision s’inscrit dans une volonté claire de préserver l’indépendance des politiques de santé publique face aux tentatives d’ingérence et de normalisation de l’industrie, notamment à travers des actions de mécénat ou de responsabilité sociale.
La déclaration du ministère de la santé intervient quelques jours après que l'administration Marcos a été critiquée par des groupes anti-tabac pour avoir accepté des dons de l'industrie du tabac. En particulier, le ministère de la protection sociale et du développement (DSWD) a accepté en septembre dernier, quatre cliniques mobiles offertes par PMI par l'intermédiaire du bureau de la première dame, le ministère de la santé étant également présent lors de la cérémonie qui s'est déroulée à Malacañang[5].
Le DOH a souligné que l’acceptation de telles, même indirectes, constitue une violation des engagements internationaux de l’État et compromet la crédibilité des mesures de prévention. Ces contributions ponctuelles ne constituent pas une réponse aux besoins du système de santé et elles mettent à mal les politiques fortes et efficaces de santé que les fabricants de tabac veulent ainsi bloquer. La position du ministère de la santé a été saluée par les organisations de la société civile, qui y voient une étape cruciale dans la lutte contre l’influence persistante de l’industrie du tabac dans l’élaboration des politiques publiques.
AE
[1] Gabriela Baron, DoH sounds alarm on rising tobacco use, Daily Tribune, publié le 5 avril 2025, consulté le 7 avril 2025
[2] Génération sans tabac, Philippines : Les candidats à l’élection sénatoriale appelés à agir sur la consommation de tabac et le vapotage chez les jeunes, publié le 11 mars 2025, consulté le 7 avril 2025
[3] Darryl John Esguerra, Marcos leads destruction of P3.2-B smuggled vapes, vows more seizures, Philippines News Agency, publié le 7 avril 2025, consulté le jour-même
[4] Gabriela Baron, ASH and EcoWaste Coalition: Cigarette butts and used e-smoking devices not recyclable, Mindanao Times, publié le 6 avril 2025, consulté le 7 avril 2025
[5] Génération sans tabac, Philippines : le gouvernement a accepté le don de cliniques mobiles de Philip Morris, publié le 6 septembre 2024, consulté le 7 avril 2025
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