Les sachets de nicotine au centre des débats internationaux à l’approche de la COP11

Alors que l’Irlande alerte sur le ciblage des jeunes par les fabricants de sachets de nicotine et que l’Ukraine s’apprête à interdire ces produits dans le cadre de son rapprochement avec les normes européennes, la question de leurs restrictions voire de leur interdiction s’impose dans les débats de santé publique à l’approche de la COP11 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte d’ingérence croissante de l’industrie du tabac, qui cherche à légitimer ces nouveaux produits sous couvert de « réduction des risques ».

En Irlande, l’inquiétude croissante face à la banalisation des sachets de nicotine

Lors d’une réunion du conseil du comté de Sligo[1], plusieurs élus irlandais ont alerté sur la multiplication des ventes de sachets de nicotine ciblant tout particulièrement les jeunes. Ces produits, souvent présentés comme des « alternatives » sans tabac et supposément moins nocives, sont largement disponibles dans les commerces de proximité et mis en avant à travers des arômes sucrés et des packagings colorés. Leur apparence, inspirée de confiseries, et leur accessibilité renforcent leur attractivité auprès des adolescents.

Les autorités locales ont souligné que cet engouement survient dans un contexte où la prévalence du tabagisme adolescent en Irlande est historiquement basse — seuls 2 % des adolescents déclarent fumer aujourd’hui. Cet appel à interdire la vente des sachets de nicotine vise ainsi à éviter qu’une génération presque libérée du tabac ne développe une nouvelle dépendance à la nicotine sous une autre forme.

Cette préoccupation rejoint celle exprimée au Royaume-Uni, où des enquêtes menées par l’organisation Action on Smoking and Health (ASH) montrent une augmentation rapide de la notoriété de ces produits chez les 11-17 ans. L’absence de réglementation spécifique dans certains pays européens permet encore aujourd’hui leur vente libre, y compris aux mineurs. Plusieurs parlementaires britanniques et irlandais appellent désormais à inclure explicitement les sachets de nicotine dans les textes encadrant les produits du tabac et du vapotage, afin de restreindre leur commercialisation et leur promotion auprès des jeunes.

Les associations de santé publique mettent en garde contre une banalisation de ces produits qui, derrière un discours de « réduction des risques », entretiennent la dépendance nicotinique et fragilisent les politiques de prévention. Les fabricants essaient de développer ce marché dans les différents Etats membres afin de les imposer en dépit des législations les interdisant ou profitant des vides juridiques dans d’autres pays.

En Ukraine, un projet de loi pour interdire les sachets de nicotine

En Ukraine, un groupe de députés mené par Mykhailo Radutskyi, Lada Bulakh et Maryana Bezuhla a déposé le projet de loi n° 14110[2], visant à interdire totalement la production, la distribution et la vente de sachets de nicotine sur le territoire national. Cette initiative fait suite à la multiplication de ces produits sur le marché ukrainien et à l’inquiétude croissante des autorités sanitaires face à leur consommation par les jeunes. Selon les données du ministère de la Santé, l’usage de produits nicotiniques modernes est désormais plus fréquent chez les adolescents de 13 à 15 ans que chez les adultes.

Les auteurs du texte justifient cette interdiction par la nécessité de protéger la jeunesse d’une nouvelle forme de dépendance à la nicotine et de combler un vide réglementaire exploité par l’industrie du tabac. Le projet de loi prévoit de modifier plusieurs dispositions existantes afin d’interdire toute activité commerciale liée à ces produits, ainsi que leur importation et leur promotion.

À la veille de la COP11, cette initiative envoie un signal fort en faveur d’une approche globale de la lutte contre la dépendance nicotinique, affirmant que la protection des jeunes doit primer sur les intérêts commerciaux de l’industrie.

Une intensification des activités de l’industrie du tabac à l’approche de la COP11

À quelques semaines de la 11ᵉ Conférence des Parties (COP11) à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, qui se tiendra en novembre à Genève, plusieurs signaux témoignent d’une mobilisation accrue de l’industrie du tabac et de la nicotine autour des discussions internationales. L’industrie du tabac et ses alliés multiplient les interventions publiques et les communications visant à promouvoir les produits dits « sans fumée », notamment les sachets de nicotine, présentés comme des alternatives moins risquées[3].

Cette stratégie s’inscrit dans un contexte de débats croissants sur la place de ces produits dans le champ des politiques de santé publique. En parallèle, des organisations de santé et des États Parties à la Convention appellent à renforcer la mise en œuvre de l’article 5.3, qui impose de protéger l’élaboration des politiques de santé contre les ingérences de l’industrie. Ces acteurs soulignent que la distinction proposée entre « produits du tabac » et « produits nicotiniques » pourrait fragiliser l’application du traité et créer de nouvelles zones d’exception réglementaire.

Plusieurs publications récentes ont également mis en évidence des campagnes d’influence destinées à remettre en question les mesures envisagées lors de la COP11, en particulier celles relatives à l’encadrement des nouveaux produits nicotiniques. Dans ce contexte, les négociations à venir devraient être déterminantes pour préciser la manière dont la Convention-cadre s’appliquera à ces produits émergents, et pour garantir la cohérence des politiques internationales de santé publique.

©Génération Sans Tabac

AE

[1] Philip Rooney, Young people being targeted for the sale of nicotine pouches, meeting hears, The Irish Independent, publié le 14 octobre 2025, consulté le jour-même

[2] Ukraine wants to completely ban nicotine sachets, Antikor, publié le 14 octobre 2025, consulté le jour-même

[3] Génération sans tabac, Une offensive mondiale de désinformation à l’approche de la COP11, publié le 8 octobre 2025, consulté le 14 octobre 2025