Le Conseil d’État valide les missions imposées à l’éco-organisme Alcome concernant les mégots de cigarettes
22 décembre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 20 décembre 2024
Temps de lecture : 5 minutes
Le 25 novembre dernier, le Conseil d’Etat a rejeté le recours de British American Tobacco et JT International qui contestaient les objectifs imposés par l'État à Alcome, l'éco-organisme de la filière, en charge des mégots, composé de représentants de l’industrie du tabac. Le tribunal a jugé que le ministère de la Transition écologique était pleinement habilité à imposer à Alcome des objectifs de réduction des déchets, tout en respectant le cadre légal. De plus, le financement des coûts de nettoyage des mégots jetés à terre a été jugé conforme à la loi.
Ces objectifs prévoyaient une réduction des mégots jetés dans la nature de 20 % en 2023, 35 % en 2025 et 40 % en 2026 par rapport à 2022. Le Conseil d'État a confirmé que ces cibles respectaient la législation française et les directives européennes, notamment la directive-cadre sur les déchets de 2008[1].
Un recours intenté par les fabricants British American Tobacco et JT International
Les spécifications contestées fixaient les objectifs définis de réduction des mégots jetés illégalement dans la nature. Ces objectifs s’appuient sur l’article L. 541-10 du Code de l’environnement, qui habilite l’État à imposer aux producteurs des mesures visant à limiter les déchets issus de leurs produits.
Les fabricants de tabac, parmi lesquels British American Tobacco (BAT) et JT International (JTI), avaient déposé un recours estimant ces objectifs excessifs et contestant leur base légale. Le Conseil d'État a rejeté ces arguments, considérant que le calendrier était raisonnable et que l’organisme avait reçu un cadre méthodologique précis pour évaluer les mégots abandonnés. Le Conseil d’Etat a par ailleurs estimé que ces mesures étaient pleinement conformes au droit européen. Il a également précisé que les responsabilités étaient partagées entre l’éco-organisme, les collectivités locales et l’État, garantissant ainsi une application équilibrée.
Alcome a déjà été sanctionné à plusieurs reprises pour non-respect de ses obligations par Le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion. En 2023 et 2024, des amendes totalisant 1,16 million d’euros lui ont été infligées pour des retards dans la mise en œuvre de dispositifs de collecte, comme les cendriers de rue. Cette mesure est contestée depuis la mise en place d’Alcome par les producteurs de tabac, comme de nombreuses autres obligations, qu’ils jugent trop coûteuses[2].
Une contribution financière encadrée
L’un des autres points litigieux portait sur les coûts estimés pour nettoyer les mégots abandonnés, évalués à 96 millions d’euros par an. Ce chiffre repose sur un indice de pollution basé sur environ 4 700 tonnes de mégots retrouvées sur le territoire français. Les producteurs de tabac ont contesté ces calculs, mais le Conseil d'État a rejeté leur argumentation, jugeant les estimations proportionnées et transparentes.
Le dispositif prévoit par ailleurs un mécanisme de réévaluation basé sur les données fournies par Alcome. En outre, les collectivités recevant un financement doivent justifier des actions entreprises et fournir des preuves concrètes des opérations réalisées. De plus, selon la loi française, les éco-organismes concernés sont censés financer « les coûts de collecte et de traitement des déchets abandonnés ». Le décret transversal de novembre 2020 prévoit qu'ils doivent financer 80 % de ces coûts.
Exclure l’industrie du tabac du mécanisme de la filière REP
Ces évolutions s'inscrivent dans un contexte international marqué par des négociations sur un traité mondial visant à lutter contre la pollution plastique et à développer la mise en place de filières de responsabilité élargie du producteur (REP). Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) souligne l'importance d'intégrer la question des déchets du tabac, notamment les filtres de cigarettes, dans ces discussions mais également d’exclure l’industrie du tabac dans la mise en place de filière REP pour les produits du tabac. Pour le CNCT, l’éco-organisme approprié devrait être indépendant des fabricants de tabac, la contribution de ces derniers devant être limitée au seul financement du dispositif, selon le principe du pollueur-payeur. La justification de l’exclusion des fabricants de tabac du dispositif réside notamment dans la particularité de cette industrie dont les intérêts sont juridiquement reconnus dans le traité de l’OMS la Convention cadre pour la lutte antitabac comme étant opposés et inconciliables avec ceux de la santé humaine et environnementale.
En France, Alcome fait reposer la responsabilité de la pollution par les mégots sur l’incivilité de ses consommateurs qu’il faudrait mieux éduquer. Ce faisant rien n’est dit sur la responsabilité directe des fabricants de tabac et de leurs produits dans cette pollution environnementale majeure. Le dispositif actuel leur offre également une opportunité de communiquer en offrant une image de respectabilité et d’acteur légitime à la participation de la prise de décision. Ils sont en situation de nouer des contrats avec les collectivités locales, ce qui est contraire aux engagements internationaux de la France qui a ratifié la Convention-Cadre pour la lutte antitabac de l’OMS (CCLAT)[3].
AE
[1] REP tabac : le Conseil d'État valide les mesures de lutte contre les mégots abandonnés, publié le 26 novembre 2024, consulté le 19 décembre 2024
[2] Génération sans tabac, L’éco-organisme Alcome condamné une nouvelle fois par l’Etat, publié le 26 juin 2024, consulté le 19 décembre 2024
[3] Communiqué, L’éco-organisme Alcome condamné une nouvelle fois par l’Etat, novembre 2024, consulté le 19 décembre 2024
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