La Commission européenne soutiendrait un plan de l’OMS d’interdiction des cigarettes à filtres

26 octobre 2025

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 27 octobre 2025

Temps de lecture : 6 minutes

La Commission européenne soutiendrait un plan de l’OMS d’interdiction des cigarettes à filtres

Selon un document interne consulté par le journal autrichien Kronen Zeitung, la Commission européenne, dirigée par Ursula von der Leyen, soutiendrait un plan d’action de grande ampleur proposé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) visant à renforcer la lutte contre le tabac[1]. Ce plan s’inscrit dans la perspective de créer une « génération sans nicotine », un objectif affiché par l’OMS dans le cadre de sa stratégie mondiale de santé publique. Le document évoque plusieurs mesures, parmi lesquelles une interdiction des cigarettes à filtre, une potentielle réglementation stricte ou interdiction des produits de la nicotine sans combustion comme les cigarettes électroniques, l’interdiction de leur vente dans les commerces et un plan d’interdiction générationnelle de vente étendu à l’Union européenne.

Des mesures qui incluent une interdiction possible des cigarettes à filtre

L’une des propositions les plus marquantes soutenues par la Commission européenne concerne l’interdiction des filtres de cigarettes. Le document précise que « l’interdiction de la fabrication, de l’importation, de la distribution et de la vente de cigarettes à filtre constituerait une contribution importante à la lutte contre le tabagisme », en diminuant « le goût et l’attrait des cigarettes » mais aussi le problème du tabagisme passif. L’enjeu est d’autant plus important que l’OMS a rappelé le 6 octobre 2025 que l'Europe demeure la région du monde comptant le plus grand nombre de fumeurs : environ 173 millions d’Européens ont consommé du tabac en 2024[2]. Selon des données de l'OMS du 4 mai 2023, dans certains pays de la Région européenne de l'OMS, jusqu'à 60 % des enfants sont exposés au tabagisme passif à domicile[3].

Si la législation est introduite, cela pourrait équivaloir à une interdiction de la plupart des cigarettes actuelles dans l'UE, étant donné que plus de 90 % d'entre elles sont produites avec des filtres, comme c’est le cas en Allemagne où 95 % des cigarettes vendues ont ce dispositif[4]. Selon la publication, des représentants du gouvernement allemand auraient d’ailleurs salué l'interdiction des filtres lors d'une réunion du groupe de travail Santé du Conseil de l'UE le 9 octobre 2025, où la proposition a été initialement examinée. Un représentant du ministère allemand de la Santé a déclaré que la position commune de l'UE était encore en cours de « coordination ».[5]

Les filtres, vendus par l’industrie du tabac dès les années 1950 comme des outils supposés réduire les risques de cancer du poumon, ont ensuite été dénoncés pour leur absence totale d’efficacité pour filtrer les substances toxiques et cancérigènes (plus de 69 dans le tabac classique). Ils constituent aujourd’hui une source importante de pollution et participent toujours des stratégies de marketing utilisés par les cigarettiers pour séduire les publics jeunes et les femmes. Sur le plan environnemental, jetés dans la nature, ils libèrent des substances chimiques toxiques et représentent une forme de déchet plastique non biodégradable.

De plus, une interdiction ou une réglementation stricte des produits de la nicotine sans combustion comme les sachets de nicotine, le tabac chauffé et les cigarettes électroniques pourrait être envisagée comme "option réglementaire supplémentaire". Une attention particulière serait portée aux produits de vapotage (ENDS) aromatisés ou jetables, très polluants et populaires auprès des jeunes.

Bruxelles envisage également d’interdire la vente de ces produits dans les commerces, stations-service et kiosques. L’objectif annoncé est de réduire la consommation de produits de tabac et de la nicotine, facilement accessibles dans de nombreux points de vente, tout en protégeant les sols et les eaux souterraines, conformément aux recommandations de l’OMS.

Le plan évoque par ailleurs la possibilité d’interdire la vente de produits du tabac aux personnes nées après une certaine année, une mesure de « génération sans tabac » comparable à celle visée au Royaume-Uni ou suspendue en Nouvelle-Zélande.

Enfin, le plan souligne que pour y parvenir, il est nécessaire de protéger les mesures prévues par l’UE de l’influence de l’industrie du tabac conformément à l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT).

La mesure de l’interdiction des filtres déjà en discussion à l’échelle internationale

La mesure de l’interdiction du filtre figure dans les négociations internationales en vue de réduire la pollution plastique et elle sera également abordée lors de la 11e session de la Conférence des Parties (COP11) qui se tiendra au Centre international de conférences de Genève (CICG) du 17 au 22 novembre 2025.

La position de l’Union européenne, traditionnellement portée d’une seule voix par la Commission au nom des États membres, sera attendue. En amont, certains pays comme l’Italie, la Pologne, la Grèce, la Roumanie ou la Bulgarie pourraient s’opposer à l’interdiction des filtres en raison d’intérêts politiques ou économiques en lien avec l’industrie et la culture du tabac.

Au niveau de la société civile, les ONG de santé et de protection de l’environnement réunies à l’échelle internationale au sein de la STPA soutiennent fortement l’adoption de cette mesure. En France, le CNCT est tout particulièrement impliqué pour qu’une telle mesure soit adoptée et mise en œuvre le plus rapidement possible.

Lors de la cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique (INC-5.2), qui s’est tenue du 5 au 14 août 2025 à Genève sans qu’un accord émerge, le CNCT avait notamment rappelé que les filtres de cigarettes, qui représentent le déchet plastique toxique le plus disséminé au monde, ne présentent aucune justification sanitaire et constituent avant tout un outil marketing destiné à renforcer l’acceptabilité du produit. Leur interdiction constituerait une mesure à la fois concrète et puissante, permettant de réduire durablement la pollution plastique tout en répondant à un enjeu de santé publique.

©Génération Sans Tabac

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[1]Jean-Philippe Liabot, L’UE prévoit d’interdire les cigarettes à filtre, selon un document confidentiel, Euronews, publié le 14 octobre 2025, consulté le 20 octobre 2025

[2]Génération sans tabac, Tabac : les progrès mondiaux ralentissent, l’Europe en retard sur les objectifs de l’OMS, publié le 15 octobre 2025, consulté le 20 octobre 2025

[3]World Health Organization, Secondhand smoke: the invisible killer that continues to cause death and disease, publié le 4 mai 2023, consulté le 21 octobre 2025

[4]Marian Nadler, Fumer sera-t-il bientôt interdit? L'UE s'attaque aux cigarettes à filtres, Blick, publié le 17 octobre 2025, consulté le 20 octobre 2025

[5]Julia Shramko, L'UE envisage d'interdire les cigarettes à filtre et les produits du tabac électronique – Bild, UNN, publié le 16 octobre 2025, consulté le 20 octobre 2025

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