En Ukraine, l’industrie du tabac retoquée
9 février 2021
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 9 février 2021
Temps de lecture : 3 minutes

En Ukraine, l’industrie du tabac vient d’essuyer un revers juridique sans précédent. En effet, la Cour d'appel pour les affaires économiques de Pivnichny a rejeté le 2 février le recours d’Imperial Tobacco Ukraine et Imperial Tobacco Production Ukraine. Celui-ci contestait une décision du Comité Antitrust (AMCU), infligeant en octobre 2019 une amende record de 260 millions d’euros aux cigarettiers pour s’être livrés à des concertations anticoncurrentielles[1].
Les quatre plus gros fabricants multinationaux de tabac du monde, côtés en bourse, Philip Morris International, Japan Tobacco International, Imperial Tobacco, British American Tobacco, ont été condamnés par le Comité Antitrust pour s’être livrés à des « pratiques concertées », afin de garder une position dominante sur le marché du tabac en Ukraine. Les quatre majors internationaux concentrent aujourd’hui environ 80% du marché national. De la même manière, le distributeur Tedis Ukraine contrôlait en 2013 plus de 99% du marché local, malgré l’existence de 21 autres concurrents.
La menace de répercussions économiques
Dans différents communiqués, les fabricants de tabac ont dénoncé le caractère « arbitraire » des décisions, pointées du doigt car « non fondées et illégales ». Ils ont par ailleurs indiqué souhaiter faire appel devant un arbitrage international, à l’instar de Philip Morris, qui a depuis janvier déposé une réclamation auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements de la Banque mondiale à Washington D.C. En filigrane, l’industrie du tabac met en garde les pouvoirs publics contre les possibles répercussions économiques qu’une telle décision serait susceptible d’engendrer. Dans un communiqué de presse, British American Tobacco souligne que « de telles décisions sapent tout projet d'investissement dans l'économie ukrainienne et causent un préjudice injustifié à [leur] réputation d'entreprise citoyenne fiable ».
La politique volontariste de l’Ukraine
Ayant ratifié en 2006 la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT), l’Ukraine a mis en œuvre depuis 2008 un certain nombre de politiques de lutte contre le tabagisme. D’après un rapport cité par le Kyiv Post, bien qu’il demeure relativement bas (deux dollars), le prix du paquet de cigarettes a été multiplié par 27 en dix ans. Dans le même temps, les recettes fiscales liées au tabac ont été multipliées par douze, tandis que le nombre de fumeurs a reculé de 40%, pour atteindre 23% des adultes ukrainiens en 2018. Par ailleurs, en 2017, l’Ukraine a adopté un plan antitabac, impliquant d’augmenter la fiscalité sur le tabac de 20% par an jusqu’en 2025, dans l’objectif d’atteindre les standards européens.
De son côté, l’industrie du tabac a indiqué qu’une telle politique de santé entrainerait des effets pervers, comme la hausse de la contrebande en provenance de la Moldavie, où le tabac est moins cher. Cette relation de causalité entre taxation du tabac et commerce illicite n’est à ce jour pas démontrée. L’argument de la contrebande est en revanche mobilisé par l’industrie du tabac pour dissuader les pouvoirs publics pour augmenter les taxes.
Mots clés : Ukraine, concurrence, justiceCrédit photo : ©Volodymyr Petrov©Génération Sans Tabac[1] Tobacco peddlers fighting multimillion-dollar fines for market collusion, Kyiv Post, 4 février 2021, (consulté le 08/02/2021)