En Belgique, une étude trouve peu crédible une génération sans tabac d’ici 2040

27 octobre 2025

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 22 octobre 2025

Temps de lecture : 6 minutes

En Belgique, une étude trouve peu crédible une génération sans tabac d’ici 2040

Une étude de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain), réalisée en 2023-2024, publiée dans la revue internationale Tobacco Control, estime que les partis politiques belges, de gauche comme de droite, n’engagent pas d’efforts suffisants pour atteindre l’objectif d’une génération sans tabac d’ici 2040[1], alors qu’un Wallon sur six de 15 ans et plus est encore fumeur régulier, et que de nombreuses entorses à la loi antitabac sont observées au quotidien. Le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, a réagi à ces critiques en expliquant que la Belgique avait fait passer de nombreuses mesures antitabac fortes entretemps. 

Peu d’élan politique pour une génération sans tabac d’ici 2040

Réalisée par l’Institut de recherche santé et société de l’UCLouvain en collaboration avec l’Alliance pour une société sans tabac (qui comprend la Fondation contre le cancer et son pendant néerlandophone Kom op tegen Kanker), l’enquête a soumis à l’hiver 2023-2024 un questionnaire aux douze partis représentés au Parlement fédéral, dix d’entre eux ayant répondu dans les temps : PS, Vooruit, MR, Open VLD, N-VA, DéFI, Ecolo, Groen, Les Engagés et le C D&V. Les formations étaient invitées à se positionner sur quinze mesures liées à la lutte antitabac.

Certaines de ces propositions reprennent la « Stratégie interfédérale 2022-2028 pour une génération sans tabac », qui vise à ramener la consommation quotidienne à moins de 6 % chez les 15-24 ans d’ici 2028, avant d’atteindre presque 0 % de nouveaux fumeurs d’ici 2040.

D’autres mesures vont plus loin : hausse d’au moins 10 % des accises sur les produits du tabac, affectation d’une partie des recettes fiscales à la prévention, ou encore relèvement progressif de l’âge légal d’achat pour interdire à toute personne née après 2011 d’acquérir des produits du tabac, une mesure similaire à celle envisagée au Royaume-Uni ou jusque fin 2023 en Nouvelle-Zélande, où la mesure a été suspendue par l’élection d’une coalition conservatrice.

Des blocages politiques et une influence persistante de l’industrie

Les résultats montrent un consensus limité aux actions de prévention et de sevrage, tandis que les mesures les plus contraignantes, recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), suscitent des réticences transpartisanes.

Selon le professeur Vincent Lorant, responsable de l’étude, les principaux partis « bloquent les mesures les plus efficaces », telles que la hausse significative des taxes, la limitation du nombre de points de vente par licence, l’interdiction de vente aux nouvelles générations ou la transparence stricte face au lobbying.

La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), que la Belgique a ratifiée le 1er novembre 2005, comporte l’obligation générale à toute Partie au traité de limiter à ce qui est strictement nécessaire les contacts entre décideurs politiques et cigarettiers. Si les données nationales manquent, les chercheurs rappellent qu’en France, des obligations ont été imposées aux fabricants en matière de déclaration concernant leurs dépenses en lobbying, même si les montants déclarés sont largement sous-estimés par rapport à la réalité. L’étude plaide pour un registre public des échanges entre responsables politiques et représentants de l’industrie, assorti de comptes rendus détaillés.

Les chercheurs notent enfin que les arguments avancés par les partis reprennent souvent ceux de l’industrie, notamment la crainte d’une hausse de la contrebande ou la défense d’un prétendu « libre choix » éclairé et autonome des fumeurs.

Pourtant, la consommation de tabac reste soutenue avec des difficultés majeures pour les fumeurs de sortir de leur dépendance. Cette consommation est également fortement marquée par les inégalités sociales : 18 % de fumeurs chez les moins scolarisés contre 8 % chez les plus diplômés. Les mécanismes d’influence sociale sont aussi très prégnants chez les enfants et adolescents, ceux-ci ayant plus de chance de commencer à fumer ou vapoter si leur famille et/ou leurs pairs ont les mêmes pratiques.

D’ailleurs, Nora Mélard, porte-parole de l’alliance pour une société sans tabac, analyse qu’« on voit aujourd’hui que la cigarette électronique est fort consommée par les jeunes. Et les jeunes, ce ne sont pas des personnes qui fumaient avant et qui souhaitent arrêter de fumer. Ce sont des jeunes qui n’auraient potentiellement pas fumé grâce aux différentes politiques qui ont été mises en place. Et qui commencent maintenant à utiliser la cigarette électronique » : 6 % des jeunes belges vapotent quotidiennement[2].

Le rapport conclut que les décideurs privilégient encore « les intérêts économiques à court terme des fumeurs » plutôt que la protection de la santé publique, alors que la France et les Pays-Bas ont déjà adopté des politiques beaucoup plus ambitieuses.

Le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, a réagi à ces critiques. Il estime sur ces cinq dernières années avoir déjà pris une série de mesures concrètes, comme l’interdiction des cigarettes électroniques jetables depuis le 1er janvier 2025, l’interdiction d’exposer dans les étalages des points de vente les cigarettes, cigares, cigarillos, papiers à rouler, filtres, le tabac à pipe, à mâcher, à priser, les cigarettes électroniques et leurs e-liquides à partir du 1er avril 2025 ou encore l’interdiction de fumer et vapoter en terrasse à partir de 2027. Le ministre affirme qu’il n’y a pas, selon lui, de futur pour l’industrie du tabac en Belgique.

©Génération Sans Tabac

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[1]Belga, Pas de réelle volonté politique d'atteindre une génération sans tabac d'ici 2040, Le Spécialiste, publié le 17 octobre 2025, consulté le 21 octobre 2025

[2]Melinda Bilmez, Thomas Decupere, Michael Harvie, « J’ai commencé à fumer pour avoir quelque chose à faire » : la génération sans tabac prévue pour 2040 semble compromise, selon une étude, RTL info, publié le 17 octobre 2025, consulté le 21 octobre 2025

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