Revirement de la Nouvelle-Zélande sur sa politique antitabac
30 novembre 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 30 novembre 2023
Temps de lecture : 5 minutes
Tout juste élu, le nouveau gouvernement néo-zélandais a annoncé abandonner les principales mesures-phares mises en place par le gouvernement précédent : interdiction de vendre du tabac aux jeunes nés à partir de 2009, restriction du nombre de points de vente, cigarettes à teneur réduite en nicotine. Le motif invoqué est d’empêcher le développement du marché noir, un argument régulièrement avancé par l’industrie du tabac. Les acteurs de santé publique s’indignent de cette décision.
La loi antitabac adoptée fin 2022 par le précédent gouvernement travailliste devait conduire à une génération sans tabac. Elle prévoyait notamment, à partir de 2027, l’interdiction de vendre du tabac aux personnes nées à partir du 1er janvier 2009. Elle envisageait également de réduire le nombre de points de vente de tabac de 6000 à 600 à partir de 2024, et de commercialiser des cigarettes à très faible teneur en nicotine dès 2025.
Ces dispositions ont été balayées par la nouvelle coalition au pouvoir, le lundi 27 novembre 2023, dès la prise de fonction du nouveau premier ministre, Christopher Luxon. Celui-ci a en effet estimé que le plan antitabac du gouvernement précédent risquait d’entraîner un accroissement du marché noir – un argument fréquemment véhiculé par les industriels du tabac. Il a également considéré que la réduction du nombre de points de vente aurait entraîné une concentration des ventes de tabac sur quelques établissements, qui seraient alors devenus des cibles pour le crime organisé.
Une décision visant à financer une baisse des impôts
La remise en cause de la loi antitabac de 2022 ne faisait pas partie du programme du National Party, et avait seulement été évoquée lors de la campagne électorale par le parti populiste New Zealand First (6% des voix)[1]. Selon la BBC, ce serait sous la pression de ses alliés politiques ACT New Zealand, issu de l’Association of Consumers and Taxpayers (ACT), et New Zealand First que le National Party aurait accepté de renoncer à la loi antitabac. Le National Party abrite cependant d’anciens lobbyistes de Philip Morris comme Chris Bishop, devenu ministre du logement, des infrastructures et des sports dans le gouvernement actuel[2]. Chris Bishop avait ainsi combattu le projet de paquet neutre, porté par le National Party au début des années 2010, avant de devenir parlementaire de ce parti.
L’abrogation de la loi de 2022 nécessitera un vote du Parlement, ce qui ne posera en principe pas de souci pour la coalition au pouvoir. Nicola Willis, la nouvelle ministre des Finances, a admis que le gouvernement comptait sur les recettes fiscales du tabac pour financer une baisse des impôts en direction des classes moyennes, principale promesse de la campagne électorale[3]. Le nouveau gouvernement a néanmoins affiché sa volonté de poursuivre la lutte contre le tabagisme à l’aide d’outils plus conventionnels, comme les campagnes de sensibilisation.
Les acteurs de santé publique déplorent cette décision et se mobilisent
L’annonce de la décision gouvernementale de révoquer la loi de 2022 a provoqué un tollé parmi les acteurs de santé publique, en Nouvelle-Zélande et dans le monde. « Il s'agit d'une perte majeure pour la santé publique et d'une énorme victoire pour l'industrie du tabac, dont les bénéfices seront augmentés au détriment des vies des Néo-zélandais », a déclaré l’organisation Health Coalition Aotearoa. « L’idée que les baisses d’impôts soient financées par les personnes qui continuent à fumer est absolument choquante », a complété le Pr émérite Robert Beaglehole, président du comité New Zealand's Action for Smokefree 2025. L’organisation maorie Hāpai Te Hauora a, pour sa part, regretté que cette décision soit une menace directe pour la santé des populations indigènes maories et du Pacifique, qui payent le plus lourd tribut au tabac dans ce pays.
Tous ont rappelé que le tabagisme entraîne chaque année 5000 décès prématurés et évitables de Néo-zélandais, qui auraient pu être épargnés à l’aide de la loi de 2022. Ils ont également lancé une pétition réclamant le maintien de la loi de 2022 et estiment la mise en œuvre de celle-ci inéluctable à long terme.
La décision du gouvernement néo-zélandais n’a pas non plus entamé la détermination du premier ministre britannique, Rishi Sunak, qui a indiqué le 4 octobre 2023 mettre en place un projet similaire de génération sans tabac[4]. Il devrait ainsi, à partir de 2027, être interdit de vendre du tabac en Angleterre à toute personne née depuis 1er janvier 2009. D’autres pays, comme la Malaisie et Singapour, ont également adopté des projets de génération sans tabac. En France, le projet d’une génération sans tabac, soit une prévalence tabagique de moins de 5 % pour les personnes nées à partir de 2014, est envisagé pour 2032.
Mots-clés : Nouvelle-Zélande, National Party, New Zealand First, ACT New Zealand, génération sans tabac
©Génération Sans TabacMF
[1] Corlett E, New Zealand scraps world-first smoking ‘generation ban’ to fund tax cuts, The Guardian, publié le 27 novembre 2023, consulté le 28 novembre 2023.
[2] Chris Bishop, Wikipedia, mis à jour le 29 novembre 2023, consulté le jour même.[3] Mao F, New Zealand smoking ban: Health experts criticise new government's shock reversal, BBC News, publié le 27 novembre 2023, consulté le 28 novembre 2023.
[4] Brown F, Rishi Sunak's position on smoking ban 'unchanged' as New Zealand scraps policy, Sky News, publié le 24 novembre 2023, consulté le 28 novembre 2023
Comité national contre le tabagisme |