En Australie, la question du marché noir dans les débats autour de la nouvelle loi antitabac
6 novembre 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 novembre 2023
Temps de lecture : 5 minutes
Le Sénat australien a mené une série d’auditions afin de préparer les amendements à la nouvelle loi sur les produits du tabac et du vapotage. Les intervenants pro-tabac accusent les lois antitabac de favoriser l’expansion du marché noir, tandis que les acteurs de santé réclament un meilleur encadrement de la vente des produits du tabac.
Dans de nombreux pays, dont la France, les industriels du tabac utilisent l’argument du commerce illicite des produits du tabac pour contrer les projets de réglementation antitabac, qu’il s’agisse de taxation ou d’emballages neutres. Cet argumentaire a été réactualisé en Australie, lorsque le Sénat a conduit une session de trois jours d’auditions publiques autour de la nouvelle loi sur les produits du tabac et du vapotage[1].
Inquiétudes au sujet du commerce illicite des produits du tabac
Les sénateurs australiens ont notamment soulevé la question du commerce illicite de cigarettes et de cigarettes électroniques, et ont questionné les intervenants sur ce sujet.
Une semaine plus tôt, The Guardian rapportait en effet une série d’incendies criminels touchant les détaillants de tabac[2]. 27 magasins ont ainsi été incendiés en l’espace de sept mois dans le seul état de Victoria. Ces incendies résulteraient pour l’essentiel de représailles entre bandes rivales, sur des magasins qu’ils possèdent ou contrôlent afin de revendre des cigarettes de contrebande. En août et en octobre 2023, deux personnes liées au trafic de cigarettes ont également été exécutées lors de règlements de compte.
Ces affaires et des opérations de police anti-contrebande ont pointé le sujet de la contrebande. Elles ont aussi permis de rappeler que le nombre de magasins vendant des produits du tabac reste inconnu. Durant l’été 2023, les inspecteurs du National Measurement Institute, chargés de contrôler les ventes de tabac, avaient de leur côté rencontré diverses formes de menaces et de tentatives de corruption. Les données de l’Australian Taxation Office indiquent quant à elles une progression des volumes de tabac saisis entre 2018 et 2022, et une recrudescence actuelle du nombre de saisies[3].
L’industrie du tabac pointe l’augmentation des taxes
Reçu le 31 octobre 2023 dans l’une de ces auditions, le directeur de l’Australasian Association of Convenience Stores (AACS), Theo Foukkare, a estimé que les fumeurs n’arrêtent pas de fumer, mais qu’ils se tournent vers des cigarettes de contrebande. Il a notamment mis en cause les fortes hausses du prix du tabac, qui ont porté le prix d’un paquet de 30 cigarettes à près de 50 dollars australiens (30 euros). Il s’est également opposé aux restrictions de ventes de cigarettes électroniques, qui doivent désormais faire l’objet d’une prescription médicale.
La rapporteuse de la commission sénatoriale a de son côté pointé le conflit d’intérêts de l’AACS, qui perçoit des financements de trois majors internationales du tabac (Philip Morris International, British American Tobacco et Imperial Brands). Elle a reproché à Theo Foukkare de ne pas avoir dévoilé ce financement qui oriente fortement son témoignage et lui a demandé de se mettre au plus tôt à jour sur ce point.
Après avoir connu une augmentation de 12,5 % par an entre 2013 et 2020, la prévalence tabagique était tombée à 11 % de fumeurs quotidiens en Australie en 2019. Une nouvelle augmentation de 15 % du prix des cigarettes est entrée en vigueur au 1er septembre 2023[4]. D’autres augmentations similaires ou supérieures devraient survenir d’ici 2026, afin de porter la prévalence tabagique à moins de 5 %.
Les acteurs de santé réclament la systématisation des licences de vente
Intervenant au nom de Cancer Counsil Australia et de l’Australian Medical Association, les acteurs de santé ont pour leur part réclamé un encadrement plus strict de la vente de produits du tabac et du vapotage. Pointant que seul un quart des Australiens peuvent acheter du tabac dans un établissement doté d’une licence de vente, ils ont réclamé la généralisation des licences de vente et l’augmentation des droits de licence. Ceci permettrait de mieux connaître les revendeurs et mieux contrôler la chaîne d’approvisionnement. Selon la Banque Mondiale[5] et le Fonds Monétaire International, l’instauration d’un système de licences à tous les échelons de la chaîne de distribution du tabac est un facteur-clé de la lutte contre le commerce illicite, il s’agit également d’une disposition du protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac que l’Australie n’a pas ratifié.
Mots-clés : Australie, auditions publiques, Sénat australien, taxation, commerce illiciteMF
[1] Davey M, The tobacco industry claims smoking reforms fuel the black market. Health experts say this is wrong, The Guardian, publié le 21 octobre 2023, consulté le 2 novembre 2023. [2] Bucci N, ‘Earn or burn’: the firebombings and underworld conflicts exposing Australia’s illicit tobacco trade, The Guardian, publié le 21 octobre 2023, consulté le 2 novembre 2023. [3] Illicit Tobacco, Australian Taxation Office, Consulté le 3 novembre 2023. [4] Fenner R, Federal Budget 2023: Price of cigarettes set to soar by 15 per cent in Australia in smoking crackdown, Perth Now, publié le 9 mai 2023, consulté le 2 novembre 2023. [5] Confronting illicit tobacco trade, A global review of country experiences, World Bank, rapport, 18 p. Comité national contre le tabagisme |