Afrique du Sud : alerte des professionnels de santé sur le vapotage des adolescents et leur santé mentale

9 mai 2025

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 7 mai 2025

Temps de lecture : 6 minutes

Afrique du Sud : alerte des professionnels de santé sur le vapotage des adolescents et leur santé mentale

Selon une enquête menée dans 52 lycées à travers l’Afrique du Sud, auprès de 25 149 étudiants[1], 17,82 % des élèves, de la 4e à la Terminale, vapotent régulièrement, avec un pic de 25 % chez les Terminale, et 47 % de ces jeunes vapotent dès la première heure après leur réveil, un signe de forte dépendance à la nicotine[2]. L’enquête indique également que le phénomène gagne même les écoles primaires. La Société sud-africaine des psychiatres (Sasop) a commenté ces résultats en alertant sur les conséquences préjudiciables de cette consommation tant pour la santé physique que mentale des jeunes et ce, dans un pays où les produits du vapotage sont encore mal réglementés[3].

Les psychiatres de Sasop soulignent le lien entre vapotage et santé mentale chez les jeunes

Selon la Dr. Nokuthula Mdaka, le vapotage est particulièrement attractif pour les jeunes. D’après l’enquête, 36,7 % d'entre eux ont déclaré avoir déjà essayé de vapoter. La Dr. Wisani Makhomisane alerte sur l’incidence pour la santé physique de ces jeunes : « Les poumons constituent l'un des problèmes. C'est la partie la plus directement touchée. Mais il y a aussi le cerveau, et qui est ce qui préoccupe le plus le SASOP. Une cigarette classique contient entre un et deux milligrammes de nicotine, tandis qu'une vape à 5 % contient entre 50 et 80 milligrammes de nicotine, voire 137 milligrammes. En d’autres termes, une vape équivaut à 20 cigarettes en teneur de nicotine. À cela s’ajoutent d’autres éléments susceptibles d’être toxiques, en particulier des produits utilisés pour renforcer la puissance de la nicotine. Or, la nicotine est une drogue, c’est un stimulant à l’instar de la cocaïne. ».

Ainsi elle a des effets néfastes sur le développement du cerveau à un moment particulier dans le développement d’un jeune dont la maturation cérébrale se poursuit jusqu’à environ 25 ans. Selon l’auteur, la nicotine a une incidence sur les fonctions cognitives essentielles telles que la mémoire, l’apprentissage, la régulation de l’humeur et le contrôle des impulsions. La Dr. Wisani Makhomisane explique qu’« un jeune a un cerveau immature, car le lobe frontal, qui est la partie du cerveau qui réfléchit, analyse, décide, apprend de ses erreurs, n'arrive vraiment à maturité qu'à 26 ans. Toute personne âgée de moins de 26 ans a un lobe frontal immature. C'est donc de là que vient l'impulsivité. ». Pour la Dr. Stacey Ocshe, la nicotine procure un soulagement temporaire, mais perturbe le développement cérébral et expose les adolescents à une dépendance accrue : « L’exposition à la nicotine peut modifier les circuits neuronaux et l’expression des neurotransmetteurs, ce qui peut entraîner ou aggraver anxiété et dépression. ». « On observe une plus grande incidence de dépression et d’idées suicidaires chez les vapoteurs. », alerte-t-elle. « Cela affecte l’apprentissage, la cognition et la stabilité émotionnelle. »[4].

Le vapotage est encore mal encadré par la loi en Afrique du Sud

Le succès du vapotage chez les jeunes s’explique en partie par le marketing attrayant des produits : des designs colorés et des saveurs attractives comme les parfums chewing-gum, fruités ou aux desserts. Ces saveurs donnent l’illusion d’un produit inoffensif et tendance. Le ciblage des adolescents s’opère notamment via les réseaux sociaux et des célébrités. L’enjeu de toucher ce public jeune réside précisément dans le fait qu’à l’adolescence, les capacités de prise de décision et de contrôle des impulsions sont encore en développement, ce qui rend les jeunes plus vulnérables à l’addiction.

Bien que la vente de ces produits aux moins de 18 ans soit illégale, les adolescents y accèdent facilement, notamment par le biais d’achats en ligne. Les plateformes numériques, y compris celles de grandes chaînes de supermarchés, proposent ces produits sans réel contrôle de l’âge, rendant ainsi les produits accessibles.

La législation n’est pas claire par ailleurs en ce qui concerne l’usage des cigarettes électroniques dans les lieux publics. Étant donné qu’elles ne contiennent pas de tabac, la législation sur le tabac ne peut s’appliquer à leur égard. Le gouvernement travaille actuellement sur un projet de loi, le Tobacco Product and Electronic Delivery System Control Bill, encore en cours de rédaction. Ce projet de loi vise à réglementer l'usage public des cigarettes, à régler les questions relatives à la restriction d'âge et à réglementer la vente d'e-cigarettes en ligne. La Dr. Ocshe appelle à en « restreindre l’accès, à encadrer la publicité et à sensibiliser le public. ».

La Dr. Makhomisane insiste enfin sur le rôle de l’éducation à la santé. Comme pour l’alcool ou la drogue, les parents doivent fixer des limites claires et dire non. « Moins nocif ne veut pas dire sans danger. ».

L’Afrique du Sud rencontre de grosses difficultés à mettre en place des mesures de lutte contre le vapotage mais aussi des dispositions pour réduire la consommation de tabac. Si elle envisage actuellement l’introduction d’un emballage de cigarettes neutre, comme l’ont déjà fait le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et Maurice, elle reste un pays globalement très vulnérable aux offensives de l’industrie du tabac. En 2020, des groupes soutenus par l'industrie ont fait pression sur le gouvernement avec succès pour que les taxes sur les cigarettes restent inchangées, à 40 % du prix de vente, sachant que le taux recommandé par la Convention-Cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) est de 75 %[5]. En 2024, Philip Morris International (PMI) a également financé des cours de formation médicale continue (FMC) axés sur la réduction des risques. Ces cours, destinés aux professionnels de la santé, présentaient les e-cigarettes et les produits du tabac chauffés comme des options plus sûres que le tabagisme traditionnel[6].

©Génération Sans Tabac

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[1]N. van Zyl-Smit R., Filby S., Soin G., Hoare J., van den Bosch A., Kurten S., “Electronic cigarette usage amongst high school students in South Africa: a mixed methods approach”, eClinicalMedicine, décembre 2024, Volume 78, 102970, https://www.thelancet.com/journals/eclinm/article/PIIS2589-5370(24)00549-2/fulltext

[2]Ntini Nandi, The Quick Interview | Vaping affects teenagers' mental health, Sowetan Live, publié le 5 mai 2025, consulté le 5 mai 2025

[3]South African Society of Psychiatrists, Teen vapers risk harm to their mental health, consulté le 6 mai 2025

[4]Rahim Neelam, Vaping Crisis Among Teens Raises Mental Health Red Flags, Radio Islam, publié le 4 mai 2025, consulté le 5 mai 2025

[5]Génération sans tabac, Afrique : l’ingérence de l’industrie du tabac rend difficile la mise en place de mesures antitabac, publié le 5 août 2023, consulté le 5 mai 2025

[6]Génération sans tabac, L’entrisme de l’industrie du tabac dans le monde médical, publié le 11 janvier 2025, consulté le 5 mai 2025

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