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L’implantation de Japan Tobacco en Russie embarrasse le gouvernement japonais

Le marché russe étant son principal marché international, Japan Tobacco International (JTI) est confrontée à plusieurs contradictions et n’a pas encore cessé sa production ni ses ventes de cigarettes dans ce pays. Cette situation place le gouvernement japonais, encore détenteur d’un tiers du capital de Japan Tobacco Inc. (JT), dans une position délicate[1].

Quatrième marché mondial pour les produits du tabac, la Russie constitue le premier marché extérieur de JTI ; il représente 12% des revenus du groupe et 20% de ses bénéfices nets. Si JTI a rapidement cessé sa production de cigarettes en Ukraine peu après son invasion par la Russie, elle l’a maintenue en Russie alors que les trois autres principales multinationales du tabac – Philip Morris International (PMI)[2], British American Tobacco (BAT) et Imperial Brands[3] – ont successivement annoncé leur retrait de ce pays.

Comme les autres majors du tabac, JTI a d’abord indiqué avoir stoppé ses investissements, ses opérations de marketing et le lancement de son dernier produit de tabac chauffé sous la marque Ploom, mais n’a toujours pas annoncé l’arrêt de sa production de cigarettes ni leur vente. JTI commercialise notamment les marques Camel, Winston et Mevius (anciennement Mild Seven).

JTI, deuxième opérateur du tabac en Russie

Passée de la septième à la quatrième place des investisseurs étrangers avec 40% du marché des produits du tabac – la première place étant occupée par PMI –, JTI est l’un des principaux contribuables de Russie et pourvoit à 1,4% du budget total de l’Etat. Cette forte implantation sur le marché russe et les incertitudes qui planent sur ce dernier ont entraîné une chute de plus de 5% du cours de JTI.

Troisième multinationale du tabac avec 9% des ventes mondiales au détail[4], derrière PMI et BAT, JTI est confrontée à un dilemme en Russie. Quitter ce marché conduirait non seulement à de lourdes pertes pour JTI, mais lui ferait aussi courir le risque de voir ses actifs saisis par les autorités russes. Rester sur ce marché où elle emploie 4000 personnes l’exposerait à des sanctions internationales, ainsi qu’à une rapide rupture des importations de feuilles de tabac nécessaires à sa production. L’option la moins risquée pour JTI sera probablement de revendre ses outils de production à un partenaire russe.

L’Etat japonais, embarrassé par sa participation dans JTI

Cette situation place également le gouvernement japonais dans une position difficile. L’Etat japonais est en effet encore détenteur d’un tiers du capital de JTI, ce qui lui a valu d’être interpellé en 2017[5] pour son manquement à l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac, ratifiée par le Japon dès 2004. Cet article stipule que « les Parties veillent à ce que ces politiques [antitabac] ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac ». Or, sa participation dans JT, la maison-mère de JTI, a rapporté à l’Etat japonais 100 milliards de yen (815 millions de dollars US) chaque année, sur les trois dernières années.

Le Japon, qui a suivi les décisions du G7 et participe à l’escalade des sanctions prises contre la Russie, a ainsi annoncé son soutien à l’Ukraine, mais engrange par ailleurs le fruit des bénéfices réalisés en Russie par JTI, une contradiction que le Japon devra rapidement résoudre. La position attentiste de JTI est, quant à elle, partagée par d’autres grands groupes japonais, notamment Mitsubishi Corp. et Mitsui & Co., qui sont eux aussi encore implantés en Russie.

Mots-clés : Russie, Japan Tobacco International, JTI, Japon

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Swift R, How is Japan’s government connected with Russia’s biggest cigarette maker?, Reuters, publié 7 avril 2022, consulté le 7 avril 2022.

[2] Philip Morris se dirige vers une sortie de la Russie, Génération Sans Tabac, publié le 28 mars 2022, consulté le 7 avril 2022.

[3] Imperial Tobacco stoppe ses opérations en Russie, les autres majors du tabac continuent leurs ventes, Génération Sans Tabac, publié le 14 mars 2022, consulté le 7 avril 2022.

[4] Japan tobacco International, Tobacco Tactics, publié le 13 décembre 2021, consulté le 7 avril 2022.

[5] Otake T, Japan violating anti-smoking treaty by bowing to tobacco industry, expert says, The Japan Times, publié le 17 avril 2017, consulté le 7 avril 2022.

Comité national contre le tabagisme |

 

Publié le 11 avril 2022