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A New York, la diminution des points de vente de tabac devrait réduire consommation et inégalités sociales

Une étude a évalué la politique de limitation des points de vente de tabac mise en place à New York en 2017. Elle a observé que cette politique avait mieux fonctionné dans les quartiers à population noire ou défavorisée, qui sont les plus touchées par les inégalités sociales vis-à-vis du tabagisme.

La concentration de points de vente de tabac sur une zone géographique est un facteur connu de maintien du tabagisme[1]. Elle favorise l’accessibilité aux produits du tabac, notamment en réduisant les distances vers les lieux d’achat, et contribue à entretenir la normalisation du tabac. Elle incite par ailleurs à l’initiation des jeunes au tabagisme, et plus globalement à la consommation. Elle rend également les produits plus abordables et, aux Etats-Unis, expose les consommateurs aux promotions des industriels.

Plusieurs études ont montré une disparité de l’implantation des points de vente aux Etats-Unis : ils sont plus nombreux dans les quartiers les plus défavorisés et dans ceux ayant une population à dominante noire ou hispanique[2]. Ces différentes populations affichent aussi un tabagisme plus important que la moyenne nationale. Alors qu’en population générale adulte, la prévalence tabagique était de 12 % en 2021, elle était de 18 % chez les personnes vivant sous le seuil de pauvreté et de 20 % chez celles ayant stoppé les études au collège.

Limitation du nombre de licences de vente accordées

Dans la ville de New York, la politique antitabac adoptée en 2017 comprenait, entre autres, une réduction du nombre de points de vente.  Cette réduction du nombre de points de vente concernait notamment les quartiers défavorisés. Pour y parvenir, la ville a limité le renouvellement des licences de vente de tabac, une seule licence était accordée pour deux licences restituées. La politique antitabac de la ville comprenait d’autres dispositions notamment une augmentation des taxes locales sur les produits du tabac, une augmentation du prix des licences de vente de tabac (de 110 à 200 dollars US) et l’instauration d’une licence pour la vente de cigarettes électroniques.

Une étude récente s’est penchée sur l’efficacité de cette politique de réduction du nombre de points de vente. Elle a analysé la répartition de ceux-ci selon les zones géographiques de la ville, et l’a mise en parallèle avec des données démographiques[3].

Réduction des points de vente dans les quartiers défavorisés

En restreignant le nombre de licences de vente attribuées, la politique antitabac newyorkaise est parvenue à réduire significativement le nombre de points de vente en seulement 4 ans. Des 9304 points de vente répertoriés en 2010, il n’en restait que 5107 en 2022, soit une diminution de 45 %. Le déclin du nombre de points de vente était déjà amorcé avant 2018, à un taux global de -14 %. Il s’est toutefois accéléré à partir de 2018 (-34 %), ce qui suggérerait une forte influence de cette politique antitabac. L’analyse des sites géographiques confirme pour sa part que les points de vente sont plus concentrés dans les quartiers défavorisés. Elle révèle aussi que la diminution des points de vente a davantage touché les quartiers les plus défavorisés et ceux regroupant une population noire. Les auteurs estiment que cette diminution des points de vente devrait, à terme, influer sur la prévalence tabagique des populations de ces quartiers.

Les auteurs de l’étude avancent plusieurs hypothèses pour expliquer ces résultats. Ils supposent que les commerces des quartiers défavorisés connaissent une rotation plus rapide que d’autres quartiers, comme le suggère une autre étude[4] ; ceci entraînerait mathématiquement, sous l’effet de la politique limitative, un moindre renouvellement des points de vente dans ces quartiers. Une autre explication serait que les commerces de ces quartiers se voient plus fréquemment retirer leur licence de vente pour cause d’infraction à la réglementation.

Les travaux des chercheurs se basant sur le nombre de licences accordées, ils se sont interrogés sur le nombre de points de vente qui vendraient ou continueraient de vendre des produits du tabac sans licence. Les données locales sur la vente de produits du tabac hors licence sont cependant inexistantes. L’effet de la crise du COVID-19, qui a plus fortement touché les quartiers défavorisés, semble en revanche écarté : la diminution du nombre de points de vente était en effet plus rapide entre 2018 et 2020 qu’entre 2020 et 2022.

Cette politique municipale de réduction des points de vente a également été expérimentée avec succès à Philadelphie (-20 % en trois ans), et avec des résultats moins nets à San Francisco. Elle confirme l’intérêt de prendre en compte les déterminants commerciaux de la santé et d’agir sur les causes structurelles du tabagisme, notamment en limitant le commerce et l’accessibilité des produits du tabac. Les auteurs rappellent l’importance d’évaluer les différentes politiques publiques y compris ce type de disposition. Ils soulignent également que les différentes mesures mises en place de manière coordonnée au niveau de la ville de New York dans le domaine de la lutte contre le tabagisme ont probablement elles-mêmes renforcé l’efficacité de la disposition de réduction du nombre de points de vente.

Mots-clés : Etats-Unis, New York City, inégalités sociales, points de vente, tabac

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Lee JGL, Kong AY, Sewell KB, et al. Associations of tobacco retailer density and proximity with adult tobacco use behaviours and health outcomes: a meta-analysis. Tob Control. 2022;31(e2):e189–e200.

[2] Kong AY, Delamater PL, Gottfredson NC, Ribisl KM, Baggett CD, Golden SD. Sociodemographic inequities in tobacco retailer density: Do neighboring places matter? Health Place. 2021;71:102653.

[3] Giovenco D, Morrison N, Mehranbod C, et al. Impact and Equity of New York City’s Tobacco Retail Reduction Initiative, Am Jour Prev Med, published online:October 08, 2023, https://doi.org/10.1016/j.amepre.2023.10.004.

[4] Meltzer R, Capperis S. Neighbourhood differences in retail turnover: Evidence from New York City. Urban Stud. 2017;54(13):3022–3057.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 1 novembre 2023