Vietnam : plus de 45 millions de personnes sont exposés aux maladies liées au tabac
27 avril 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 29 avril 2025
Temps de lecture : 5 minutes
Plus de 45 % des 100 millions de Vietnamiens sont exposés aux risques de maladies graves et de décès prématuré à cause du tabagisme actif ou passif. C’est ce qu’a souligné Mme Phan Thi Hai, directrice adjointe du Fonds vietnamien de lutte contre le tabac, qui dépend du ministère de la santé, lors d’un programme de formation organisé le 23 avril 2025 à Hanoï par le Centre vietnamien d’études économiques et stratégiques (VESS)[1]. Avec plus d’un Vietnamien sur cinq qui fume, et plus de 40 % d’hommes fumeurs, le pays est en proie à une grave épidémie tabagique.
Une crise sanitaire et économique majeure liée au tabac au Vietnam
En 2022, le Vietnam a produit près de 35 000 tonnes de tabac brut, soit 0,6 % de la consommation mondiale annuelle, estimée à 5,8 millions de tonnes, plaçant le pays à la 19e place des producteurs de tabac[2]. Ce dernier, qui contient plus de 7 000 substances chimiques dont 69 cancérigènes avérées, est à l’origine d’un grand nombre de maladies, notamment des cancers, des maladies cardiovasculaires, respiratoires et reproductives.
Selon les données de l’OMS en 2021, la consommation de tabac était la cause du décès prématurés de 85 000 Vietnamiens par an auxquels s’ajoutent 18 800 causés par le tabagisme passif, soit un total de 104 300 morts par an (23,8 % des décès prématurés du pays).
Les conséquences financières sont tout aussi fortes. En 2022, les coûts liés aux traitements médicaux, aux maladies et aux décès prématurés causés par le tabac se sont élevés à 108 000 milliards de VND (environ 3,6 millions d’euros), soit 1,14 % du PIB, un montant cinq fois supérieur aux recettes fiscales générées par le tabac. Sont particulièrement touchées les personnes en âge de travailler, réduisant ainsi la qualité de la main-d'œuvre nationale avec une incidence sur la croissance économique du pays. Toutefois, c’est l’ensemble de la société vietnamienne qui est pénalisé économiquement par le tabagisme, puisqu’une étude estime que la consommation de tabac, particulièrement addictive, tend à aggraver les inégalités sociales en maintenant des centaines de milliers d’individus dans des cycles de pauvreté.
La fiscalité, un levier crucial pour réduire la consommation de tabac
Malgré des hausses occasionnelles d’une taxe spéciale à la consommation entre 2008 et 2019, leur impact est resté limité sur la consommation en raison de leur faible ampleur (5 %) et de la longue période entre chaque augmentation. Par conséquent, le marché vietnamien compte encore environ 40 marques de cigarettes dont certaines sont vendues à moins de 10 000 VND le paquet (0,34 €), rendant le tabac très accessible financièrement, y compris pour les jeunes et les populations à faible revenu[3].
Le Dr Nguyen Ngoc Anh souligne que malgré les hausses de taxes, la production et les exportations ont continué d’augmenter, sans baisse significative du nombre de fumeurs. Par ailleurs, en raison de l’évolution des prix et des revenus, le coût réel du tabac pour les consommateurs a fortement baissé : en 1994, il fallait 31 % du revenu annuel pour acheter 100 paquets, contre seulement 5,2 % en 2017.
Pour faire face à cette situation, l’économiste Dao The Son propose une réforme ambitieuse de la fiscalité. Il recommande d’instaurer une taxe fixe de 5 000 VND (0,17 €) par paquet dès 2026, avec une augmentation progressive de sa valeur jusqu’à 15 000 VND (0,51 €) d’ici 2030. Mme Hai suggère d’adopter un système mixte en combinant cette taxe fixe avec une taxe proportionnelle afin que les prix des cigarettes suivent la croissance des revenus, en visant un taux de taxation représentant 75 % du prix de vente au détail. Cela permettrait non seulement de réduire la consommation de tabac, mais aussi de générer des bénéfices pour la santé publique, l’environnement et l’économie nationale.
Outre un rattrapage important à effectuer en matière de fiscalité, le Vietnam accuse également un retard en matière de réglementation des produits du tabac. Tel est notamment le cas pour les interdictions en matière de publicité, puisque les activités de parrainage et de responsabilité sociale des entreprises ne sont pas interdites. Par ailleurs, les interdictions de fumer dans les espaces publics demeurent incomplètes, ne comprenant pas, par exemple, les transports publics ou les cafés. Enfin, la vente de cigarettes à l’unité, ciblant principalement les jeunes, n’est pas interdite, ni la vente de tabac en ligne. Fin novembre 2024, l’Assemblée nationale vietnamienne a néanmoins adopté l’interdiction de la production, de la vente, de l’importation, du stockage, du transport et de l’utilisation de cigarettes électroniques et de tabac à chauffer, qui entrera en vigueur cette année.
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[1]Báo Tuổi Trẻ, Plus de 45 millions de Vietnamiens risquent de tomber malades à cause de la fumée de cigarette., Vietnam.vn, publié le 23 avril 2025, consulté le 24 avril 2025
[2]Génération sans tabac, Au Vietnam, l’épidémie tabagique persiste, publié le 13 décembre 2024, consulté le 24 avril 2025
[3]Duy Minh, Lieu Duong, Over 45 million Vietnamese at risk of tobacco-related diseases, Tuoi Tre News, publié le 24 avril 2025, consulté le 24 avril 2025