Une association afro-américaine met en garde contre les financements de l’industrie du tabac
16 février 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 16 février 2023
Temps de lecture : 4 minutes
A l’occasion du Black Month History aux Etats-Unis, un dirigeant de l’African American Tobacco Control Leadership Council interpelle le National Museum of African American History and Culture au sujet des fonds que le musée a perçus de la part d’Altria, le fabricant étatsunien de Marlboro.
Une organisation afro-américaine peut-elle percevoir des financements de l’industrie du tabac lorsqu’on connaît l’histoire de cette dernière ? Telle est la question que Philip Gardiner, l’un des dirigeants de l’African American Tobacco Control Leadership Council (AATCLC), a posé en substance au National Museum of African American History and Culture (NMAAHC) – une institution située à Washington DC censée honorer la mémoire des personnes afro-américaines[1].
Comme le souligne Philip Gardiner, cette question résonne d’autant plus fortement en ce Black Month History – mois dédié depuis 1976 à l’histoire de la communauté afro-américaine dans l’édification des Etats-Unis. Dans son courrier au NMAAHC, Gardiner rappelle que la culture du tabac, très exigeante en main d’œuvre, a été l’un des principaux motifs de la traite des esclaves entre l’Afrique et les Amériques. Dans certains pays d’Afrique, le tabac a même servi de monnaie d’échange pour obtenir de nouveaux esclaves[2]. Depuis quelques dizaines d’années, c’est en leur vendant des cigarettes au menthol que les industriels du tabac s’en prennent aux Afro-Américains.
Un marketing des cigarettes au menthol ciblant les Afro-Américains
Depuis la fin des années 1950, le marketing des cigarettes mentholées a en effet été fortement orienté sur les personnes afro-américaines, avec une redoutable efficacité. Si 5% des Afro-Américains fumaient des cigarettes mentholées en 1953, cette proportion est aujourd’hui de 85 % chez les adultes afro-américains et 94 % chez les jeunes Afro-Américains. Or, le menthol réduit l’âpreté du tabac, permet une inhalation plus profonde et facilite l’absorption de la nicotine, ce qui non seulement renforce l’installation de la dépendance tabagique, mais favorise aussi l’apparition de multiples pathologies liées au tabagisme.
Cette consommation de cigarettes mentholées expliquerait notamment pourquoi, en parallèle de facteurs socio-démographiques défavorables, les Afro-Américains présentent des taux nettement plus importants de maladies cardiovasculaires, de cancers notamment du poumon et d’autres affections du tabac.
Le tribut que la communauté afro-américaine paye au tabagisme est immense, 45 000 Afro-Américains y succombant chaque année. Selon Philip Gardiner, la responsabilité de l’industrie du tabac dans cette hécatombe est d’autant plus grande que les industriels multiplient depuis 2008 tous les recours possibles afin de d’empêcher ou de retarder l’interdiction des arômes menthol dans les produits du tabac et de la nicotine, entretenant ainsi le tabagisme chez les Afro-Américains et d’autres minorités.
Un appel à rendre l’argent perçu de l’industrie du tabac
Aux organisations afro-américaines qui ont déjà touché des financements de la part de l’industrie du tabac, Philip Gardiner conseille tout simplement de les restituer, afin de ne pas perpétuer les pertes humaines infligées à la communauté afro-américaine. Une suggestion qu’il adresse non seulement au NMAAHC, mais à toutes les autres organisations afro-américaines qui acceptent des fonds de l’industrie du tabac et lui permettent ainsi de retrouver une respectabilité à travers ses opérations de responsabilité sociale des entreprises (RSE).
Philip Gardiner réclame par ailleurs l’interdiction des arômes menthol dans tous les produits du tabac et l’arrêt de la production des cigarettes mentholées, en souhaitant que la recherche de profits ne l’emporte pas sur la préservation de vies afro-américaines. Il appelle enfin à l’interdiction aux Etats-Unis des activités de parrainage et de mécénat de l’industrie du tabac, sur le modèle de ce qui est déjà pratiqué dans de nombreux autres pays et prescrit par la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’OMS.
Pour en savoir plus sur la question du menthol, consultez notre décryptage.
Mots-clés : Afro-Américains, AATCLC, NMAAHC, menthMF
©Génération Sans TabacMF
[1] Gardiner P, Black history has taught us that Big Tobacco is not an ally, The Washington Post, publié le 13 février 2023, consulté le 15 février 2023.
[2] Proctor R, Golden Holocaust, La conspiration des industriels du tabac, Paris, Ed. Equateurs, 2014.
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