Tabac chauffé : La Cour d’Appel de Paris condamne Philip Morris à 900 000€ d’amende pour publicité illicite
15 juillet 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 août 2024
Temps de lecture : 5 minutes
Fin juin, la Cour d’Appel de Paris a condamné les sociétés Philip Morris France (PMF) et Philip Morris Products (PMP) pour publicité illicite en faveur du tabac pour son dispositif de tabac chauffé, l’IQOS. Le fabricant commercialise son produit depuis sept ans en France et est promu activement dans les bureaux de tabac et sur Internet.
Philip Morris a été condamné à 900 000 Euros d’amende, cette peine étant répartie entre Philip Morris France, en situation de récidive à hauteur de 500 000€ d’amende et Philip Morris Product 400 000€. Le Comité national contre le tabagisme (CNCT), à l’origine de la procédure, indique constater depuis le lancement du produit dans le pays des opérations publicitaires d’envergure. C’est dans le cadre de ses missions confiées par le Ministère de la santé que l’association a ainsi engagé une procédure pour faire cesser ces violations et contournements de la législation en vigueur concernant l’interdiction de la publicité des produits du tabac.Le dispositif IQOS rentre dans le champ de la réglementation des produits du tabac
Les produits du tabac chauffé se présentent comme des mini-cigarettes contenant un filtre et du tabac qui doivent être insérées dans un appareil chauffant le tabac jusqu’à 350°C, libérant un aérosol à inhaler. En France, Philip Morris est le seul fabricant à commercialiser ce type de produit. L’un des arguments mis en avant en soutien à la publicité faite est que le dispositif électronique IQOS n’est pas un produit du tabac en tant que tel. Dès lors, il ne devrait pas être soumis à la réglementation y afférant. Or, les juges de la Cour d’Appel de Paris ont confirmé que le dispositif IQOS est indissociable d’un produit du tabac. En effet même si le dispositif électronique n’est pas un produit du tabac en tant que tel, il ne peut s’utiliser sans les recharges de tabac HEETS. Ainsi, il rentre bien dans le champ de la réglementation des produits du tabac et ne peut faire l’objet d’aucune publicité, quel que soit le support en particulier dans les lieux de vente et sur Internet.
Les juges précisent également que l’ensemble de l’univers publicitaire du dispositif IQOS rappelle le tabac, que ce soit sur Internet où le produit est « présenté comme une alternative à la cigarette pour les fumeurs souhaitant poursuivre leur consommation de tabac », ou sur les lieux de vente où l’ensemble des publicités apposées renvoient au tabac que le dispositif permet de consommer.
Une stratégie marketing qui a des répercussions sur la consommation de tabac
La Cour d’Appel indique que la stratégie publicitaire déployée en France autour de ce produit découle d’une stratégie mondiale coordonnée par Philip Morris International. Pour les juges, ces campagnes publicitaires ont été effectuées « en pleine connaissance de cause par des sociétés parfaitement conseillées et au fait de la législation en vigueur –ici en France- » et « qu’elle a eu un impact certain sur la consommation de tabac au vu de l’évolution de la part présentée par le produit IQOS dans les ventes du groupe, soit 18,7 % en 2021 et 32,1% en 2022 » (Ici : ventes au niveau mondial)
En 2014, Philip Morris a entamé un virage stratégique en ce qui concerne son positionnement en annonçant vouloir œuvrer pour parvenir à un « monde sans fumée ». Cette nouvelle approche s’inscrit dans un contexte de réglementations de plus en plus strictes dans la plupart des pays dans le monde qui se traduisent par une baisse des taux de tabagisme. À cela s’ajoutent le développement de poursuites judiciaires problématiques pour l’image de l’entreprise et la nécessité de rester attractive pour les investisseurs. Le changement intervenu se traduit par la mise sur le marché de nouveaux produits du tabac et de la nicotine, promus de manière agressive, à l’instar du tabac chauffé, des produits du vapotage et des sachets de nicotine regroupés sous la dénomination de « produits sans combustion ». Le fabricant conçoit l’ensemble de ses produits comme autant de guichets d’entrée possibles dans l’addiction à la nicotine et comme des moyens permettant d’éviter l’arrêt du tabac chez les consommateurs actuels tout en améliorant son image et ses marges bénéficiaires.
Pour le CNCT, cette décision est primordiale et est susceptible de « constituer une jurisprudence pour d’autres pays où le dispositif IQOS est activement promu et mine les objectifs de réduction du tabagisme »[1]. Si la consommation de tabac chauffé est en hausse en France, elle reste marginale comparée à d’autres pays dont la législation reste particulièrement souple à l’égard de ces produits. Une récente étude menée au Pakistan a montré que 13% des adultes consommaient régulièrement un produit du tabac chauffé[2].
©Génération Sans TabacAE
[1] Communiqué de presse, Philip Morris condamné à 900 000€ d’amende pour publicité en faveur de l’IQOS, publié le 9 juillet 2024, consulté le 10 juillet 2024
[2] Irshad HA, Jehanzeb H, Raja S, Saleem U, Shaikh WA, Shahzad A, Amirali A, Iqbal N, Khan JA. Heated tobacco products- well known or well understood? A national cross-sectional study on knowledge, attitudes and usage in Pakistan. BMC Public Health. 2024 May 16;24(1):1328. doi: 10.1186/s12889-024-18825-y. PMID: 38755586; PMCID: PMC11100178.
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