Sachets de nicotine ultra dosés : les autorités britanniques lancent l’alerte
24 avril 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 22 avril 2025
Temps de lecture : 7 minutes
Alors que le Royaume-Uni s’apprête à interdire les cigarettes électroniques jetables en juin 2025, les autorités sanitaires alertent sur la montée en puissance d’un autre produit nicotinique : les sachets de nicotine, ou nicotine pouches. Discrets, aromatisés, disponibles dans des concentrations très élevées — parfois jusqu’à 150 mg par sachet — et souvent vendus sans restriction d’âge, ces produits suscitent l’inquiétude croissante des experts en santé publique.
Depuis 2023, plusieurs milliers de sachets non conformes ont déjà été saisis par les autorités britanniques, mettant en lumière un encadrement encore lacunaire[1].
Au Royaume-Uni, les sachets de nicotine ne relèvent pas des Tobacco and Related Products Regulations 2016 (TRPR) comme les produits du tabac et du vapotage contenant de la nicotine. Ils sont couverts par les General Products Safety Regulations 2005 (GPSR). Ces réglementations plus générales sont moins strictes que les réglementations encadrant le tabac. Cela signifie que les sachets de nicotine sont actuellement largement disponibles en magasin et en ligne et que leur vente n'est pas limitée aux personnes de plus de 18 ans. Il n'existe pas non plus de réglementation stricte en matière de publicité ou d'emballage.
Des produits addictifs aux risques encore peu connus
Dans la législation britannique actuelle, ces produits ne sont pas soumis aux mêmes réglementations que les cigarettes ou les e-liquides : aucun âge minimum n’est requis pour leur vente, en l’absence de tabac. Cette faille a permis leur distribution à des mineurs, notamment via des boutiques de quartier ou des plateformes en ligne. Des marques comme Velo (British American Tobacco) et Zyn (Philip Morris International) dominent le marché, mais de nombreux vendeurs indépendants proposent aussi des produits à haute teneur en nicotine, jusqu’à 150 mg par sachet.
Bien que la nicotine ne soit pas cancérigène, elle est une substance hautement addictive et n’est pas sans danger. Chez les jeunes, elle peut altérer le développement cérébral et augmenter la vulnérabilité à d’autres dépendances. Des cas d’hospitalisations ont été signalés au Royaume-Uni en 2023 et 2024, liés à une surconsommation accidentelle ou à l’ingestion de sachets, provoquant des troubles cardiaques et des réactions allergiques.
Sur le plan bucco-dentaire, des professionnels alertent sur un risque possible de récession gingivale, comme observé avec le snus (interdit dans l’UE, sauf en Suède), qui se consomme de manière similaire.
Une popularité croissante chez les adolescents
Une enquête récente de la fondation britannique Daniel Spargo-Mabbs (DSM), menée auprès de 2 100 adolescents de 15 à 18 ans, révèle que 46 % identifient les sachets de nicotine comme l’un des produits les plus utilisés par leurs pairs. Loin derrière le vapotage (95 %), mais devant l’alcool, le tabac ou le cannabis.
Les sachets sont souvent aromatisés (cola, menthe glacée, fruits rouges) et commercialisés avec un design attractif – au point d’être parfois confondus avec des bonbons ou des chewing-gums. Leur consommation passe facilement inaperçue dans les établissements scolaires, d’autant qu’ils n’émettent ni fumée ni vapeur.
Des milliers de produits non conformes saisis par les autorités britanniques
Face à la prolifération de produits non conformes, les autorités britanniques ont renforcé les contrôles. Depuis 2023, plus de 12 000 sachets à haute teneur en nicotine ont été saisis par les équipes de Trading Standards, principalement pour absence de mention des risques pour la santé ou d’information précise sur les distributeurs. Ces actions s’inscrivent dans un contexte de hausse des ventes de produits et conditionnements non conformes y compris via les réseaux sociaux [2].
Face à l’essor de ces produits, le gouvernement britannique a intégré les sachets de nicotine dans son projet de loi Tobacco and Vapes Bill. Ce texte prévoit d’interdire leur vente aux mineurs, de réglementer leur teneur en nicotine, leur publicité et leur packaging. Une fois adoptée, l’interdiction de vente aux moins de 18 ans prendra effet six mois plus tard.
Une stratégie industrielle assumée
Les grandes firmes du tabac, tout en affirmant cibler exclusivement les adultes, continuent de promouvoir ces produits via des canaux visibles : parrainage d’événements sportifs, publicités dans le métro ou les aéroports. Philip Morris International affirme que les sachets constituent une alternative « moins nocive » à la cigarette, tout en reconnaissant leur caractère addictif. BAT, de son côté, insiste sur le fait que ses partenariats marketing ne visent que des publics adultes[3].
Mais pour plusieurs responsables de santé publique, cette stratégie vise à installer les jeunes dans une « économie de la nicotine », avec des produits au design attrayant et au positionnement « cool », dans la continuité des dispositifs marketing déjà employés pour les produits du tabac et plus récemment les cigarettes électroniques. The Sunday Times a notamment révélé que certaines marques britanniques — hors BAT et PMI — vantent les sachets de nicotine comme un moyen de « renforcer la concentration pendant de longues sessions d’étude », ou comme une « solution simple et rapide » pour remplacer les cigarettes électroniques jetables une fois leur interdiction effective en juin.
Une inquiétude croissante à l’égard de ces produits
Face à l’essor rapide des sachets de nicotine et aux risques qu’ils posent pour la jeunesse, plusieurs gouvernements européens ont décidé d’agir. La Belgique et les Pays-Bas ont interdit leur commercialisation dès 2023, pour limiter l’initiation des jeunes à la nicotine. En France, les associations de lutte contre le tabagisme comme le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et l’Alliance contre le tabac (ACT) appellent depuis plusieurs années à une interdiction de ces produits. Le ministère français de la Santé soutient également cette position et a notifié un texte d’interdiction en ce sens à la Commission européenne.
Mais alors que le débat réglementaire s’intensifie, le CNCT alerte déjà sur les stratégies de contournement mises en œuvre par l’industrie. L’une d’elles concerne l’introduction de nouvelles substances de synthèse, comme la 6-méthyl-nicotine[4], une molécule détectée récemment dans certains sachets oraux et produits de vapotage. Synthétisée en laboratoire, cette molécule imite les effets de la nicotine naturelle. Sa présence soulève des préoccupations majeures quant à son innocuité, sa potentielle addictivité et son utilisation détournée pour maintenir l’attrait des jeunes envers ces produits. Cette évolution souligne l’urgence d’une surveillance renforcée et d’un encadrement juridique à la hauteur des stratégies toujours plus innovantes de l’industrie nicotinique.
AE
[1] Ottoline Spearman and Katie Tarrant, How pouches of pure nicotine became a teenage craze, The Times, publié le 18 avril 2025, consulté le 22 avril 2025
[2] Lewis Denison, Health warnings as high-strength illicit nicotine pouches flood the UK, Itv News, publié le 18 avril 2025, consulté le 22 avril 2025
[3] Génération sans tabac, Sachets de nicotine : l’offensive marketing illégale de British American Tobacco en France, publié le 18 mars2025, consulté le 22 avril 2025
[4] Génération sans tabac, La 6-méthyl-nicotine : Une molécule de synthèse présente dans les produits du vapotage et sachets oraux, publié le 31mars 2025, consulté le 22 avril 2025
Comité national contre le tabagisme |