Des pistes pour réduire les inégalités sociales face au tabagisme

22 octobre 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 22 octobre 2023

Temps de lecture : 6 minutes

Des pistes pour réduire les inégalités sociales face au tabagisme

Au cours de la 14ème Rencontre de Tab’Actu, Romain Guignard de l’agence Santé publique France a rappelé pourquoi les catégories sociales les moins favorisées sont plus exposées au tabagisme. Il a exposé les réponses de Santé Publique France à cette situation et esquissé quelques pistes pour réduire le tabagisme dans cette population.

L’enquête conduite par Santé Publique France en 2022 sur les dernières tendances du tabagisme l’indiquait : l’usage de tabac se maintient à un niveau élevé en France. Il reste plus particulièrement préoccupant dans les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées, dont l’écart de prévalence tabagique avec les populations favorisées s’est globalement creusé au fil des dernières décennies.

Intervenant lors de la 14ème Rencontre Tab’Actu, organisée à Villers-les-Nancy le 12 octobre 2023, Romain Guignard, chargé d’expertise scientifique à Santé Publique France, a brossé un tableau de ce phénomène et des possibles moyens d’y remédier.

Différence importante de la prévalence tabagique entre groupes sociaux

Après s’être fortement accrue entre 2000 et 2016, les inégalités sociales face au tabagisme avaient connu une période de baisse. L’écart de prévalence tabagique s’est de nouveau accentué depuis 2019. Il marque à présent une différence de 14 points entre les personnes diplômées et celles ayant un niveau d’études inférieur au baccalauréat, et de 12 points entre les plus hauts et les plus bas revenus[1]. Le pic de prévalence tabagique est atteint chez les chômeurs (40 %). Le tabagisme des jeunes se réduit sensiblement, passant de 32,4 % de fumeurs quotidiens à 17 ans en 2014 à 15,6 % en 2022[2], mais d’importants écarts s’observent entre les jeunes selon leur parcours scolaire.

La littérature scientifique indique que les fumeurs les plus modestes tentent autant que les autres d’arrêter de fumer, mais y parviennent moins facilement. Si l’intention d’arrêt du tabac augmente lorsque les fumeurs rencontrent des difficultés financières, les fumeurs des milieux défavorisés engagent plus difficilement une démarche d’arrêt et connaissent davantage d’échecs. Les risques liés au tabac sont par ailleurs moins bien perçus parmi les populations défavorisées, qui se projettent également moins dans l’avenir. Une hypothèse évoque une dépendance nicotinique plus forte chez les populations défavorisées, qui sont davantage exposées à différents stress (travail pénible, conditions de vie, histoire familiale). L’exposition au tabagisme passif, plus fréquente dans les foyers défavorisés, et l’ancrage de la norme tabagique augmentent par ailleurs le risque pour les jeunes d’entrer dans le tabagisme et de devenir fumeurs.

Motivations et freins à l’arrêt du tabac chez les publics défavorisés

Une étude qualitative réalisée par Santé Publique France et Kantar entre novembre 2020 et février 2021 a exploré les motivations et les freins à l’arrêt du tabac dans les catégories socioprofessionnelles inférieures et intermédiaires. Les principales motivations à l’arrêt étaient la préservation de la santé, le coût du tabac (après le seuil du paquet à 10 euros) et la libération d’une addiction. Parmi les freins, la crainte des conséquences du sevrage (manque, irritabilité, prise de poids), ainsi que la peur de l’échec, apparaissaient primordiales. La perte de ce qui est perçu comme un plaisir et une béquille pour faire face au stress, tout comme l’impression de perdre une part de sa sociabilité, voire de son identité, étaient aussi exprimées. Le sentiment d’être seul face au tabagisme, la méconnaissance des traitements et des aides à l’arrêt et une certaine défiance vis-à-vis des institutions et des messages sanitaires accentuent ces freins à l’arrêt.

Des outils permettent de réduire les inégalités sociales face au tabac

Réduire le tabagisme des populations les plus précaires constitue une priorité de santé publique. Plusieurs pistes ont été esquissées pour y parvenir. L’objectif est de mieux accompagner ces populations, de les rapprocher des professionnels de santé et de souligner l’intérêt des aides au sevrage validées. Certains principes sont désormais admis :

  • proposer des services d’aide à l’arrêt du tabac au plus près de ces populations ;
  • adopter une démarche pro-active, en proposant régulièrement une aide à l’arrêt du tabac ;
  • s’appuyer sur des bases scientifiques solides et les populariser ;
  • associer les publics-cibles à la conception des interventions ;
  • lever les freins financiers, notamment en informant sur les modalités de remboursement des traitements nicotiniques.

Sur le terrain, les opérations de marketing social comme le Mois sans tabac offrent l’avantage d’être à la fois répercutées par les médias et par les réseaux de proximité. Des outils ayant montré leur efficacité auprès des fumeurs modestes, comme le site anglais StopAdvisor, gagneraient à être déclinés en version française[3]. La ligne 3989, le site et l’application de Tabac Info Service constituent également des moyens très accessibles d’entrer en contact avec des tabacologues.

Enfin, les campagnes de communication ciblées mettant en scène des témoignages de personnes modestes, à l’image de celle déployée par Santé Publique France en 2022 sous forme de vidéos et d’affiches, semblent plus adaptées aux populations défavorisées que les campagnes d’information générale.

Mots-clés : inégalités sociales, catégories défavorisées, Santé Publique France, Mois sans tabac

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Soullier N, Beck F, Nguyen-Thanh V. Prévalence du tabagisme et du vapotage en France métropolitaine en 2022 parmi les 18-75 ans. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(9-10):152-8.

[2] OFDT, Les drogues à 17 ans, Analyse de l’enquête ESCAPAD 2022, Tendances n°155, mars 2023, 8 p.

[3] Arwidson P, Guignard R, Nguyen-Thanh V. Conception et évaluation d’une intervention d’aide à l’arrêt du tabac visant à la réduction des inégalités de santé. L’exemple du site Internet StopAdvisor en Grande-Bretagne. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(16-17):320-5.

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