Quand Tony Blair intercédait pour l’industrie du tabac auprès de Berlusconi

Un article du Times, s’appuyant sur les archives nationales britanniques, met en lumière le rôle joué par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair dans le rachat de la société publique de tabac italienne par British American Tobacco (BAT) au début des années 2000[1].

Tony Blair, un allié « très utile » pour British American Tobacco

Dans son article, le Times indique que Martin Broughton, alors PDG de British American Tobacco aurait envoyé en août 2002 un courrier à Tony Blair afin d’enjoindre ce dernier à aborder la question de la privatisation de l'Ente Tabacchi Italiani (ETI), l'office national des tabacs italiens, à l’occasion du mariage de la fille du Premier ministre espagnol de l’époque, José María Aznar. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics italiens, à l’instar de la France, s’étaient engagés dans une série de privatisations, qu’il s’agisse par exemple du secteur des télécommunications ou de l’aéronautique. Dans cette perspective, suite à la décision de Silvio Berlusconi, le Trésor italien avait lancé dès juillet 2002 un appel d’offres pour la vente de l’ETI, devant rapporter 1,5 milliards d’euros à l’Etat, selon les prévisions de l’ancien Premier ministre[2]. Dans son courrier, le PDG de BAT mentionnait à Tony Blair que son intercession en faveur de la candidature du fabricant lui serait « très utile ». Selon le Times, la demande de British American Tobacco, transmise à Tony Blair via son secrétaire aux affaires étrangères, Matthew Rycroft, aurait été personnellement appuyée par ce dernier, suggérant au Premier ministre britannique de convaincre Silvio Berlusconi de structurer l’appel d’offres dans des conditions favorables au fabricant.

Un appui décisif dans la stratégie commerciale de BAT en Italie

Comme l’indique le Times, la stratégie de lobbying de BAT s’est avérée payante, puisque l’acquisition de l’ETI par le cigarettier a été finalisée un an plus tard, pour la somme de 2,3 milliards d’euros. Deux jours après l'annonce du rachat par British American Tobacco, Martin Broughton a adressé un nouveau courrier à Tony Blair, lui indiquant être « ravi de réaliser un investissement d'une telle importance stratégique et financière en Italie », et remerciant le Premier ministre pour l’« assistance très professionnelle » de l’ambassade britannique. Le rachat du monopole d’Etat par British American Tobacco a permis au fabricant de consolider sa présence en Italie. Ainsi, à l’heure actuelle, BAT détient 27% des parts de marché du tabac dans le pays, se plaçant à la deuxième place derrière Philip Morris International.

Une relation « amicale » et de longue date entre Tony Blair et l’industrie du tabac

En 2008, des documents secrets révélés par le Sunday Telegraph mettaient en lumière le rôle de premier plan qu’avait joué Tony Blair, dès les premiers mois de son mandat, afin d’obtenir une exemption d’interdiction des produits du tabac pour la Formule 1, historiquement liée aux fabricants. Bien que l’ancien Premier ministre ait nié avoir été influencé par des intérêts privés, la demande de Tony Blair avait été formulée le lendemain de sa rencontre avec Bernie Ecclestone, propriétaire figure de proue historique de la F1, et principal donateur du Parti Travailliste[3]. Plus généralement, un article du Guardian dénonçait dès les années 2000 la proximité de Tony Blair avec l’industrie du tabac, et un interlocuteur privilégié des fabricants en vue de bloquer les politiques de santé publique. Ainsi, les documents internes de l’industrie du tabac montrent que Tony Blair était considéré comme une cible prioritaire et « amicale » du secteur, ainsi qu’un « pro-fumeur »[4].

FT

[1] The Times, Tony Blair lobbied Berlusconi on behalf of British American Tobacco, 03/02/2025, (consulté le jour-même)

[2] Les Echos, L'Italie privatise l'office national des tabacs, 31/07/2002, (consulté le 03/02/2025)

[3] The Guardian, Blair intervened over F1 tobacco ban exemption, documents show, 12/10/2008, (consulté le 03/02/2025)

[4][4] The Guardian, Tobacco lobby targeted Blair as 'smoker friendly', 31/10/2004, (consulté me 03/02/2025)

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