Philip Morris débouté de son recours concernant les avertissements sanitaires sur le tabac chauffé

24 octobre 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 24 octobre 2023

Temps de lecture : 4 minutes

Philip Morris débouté de son recours concernant les avertissements sanitaires sur le tabac chauffé

En août 2023, Philip Morris France a engagé une action devant le juge des référés du Conseil d’Etat pour suspendre un arrêté imposant aux fabricants d’apposer des avertissements sanitaires sur les paquets de tabac chauffé à l’instar des paquets de cigarettes classiques. Le 7 septembre dernier, le Conseil d’Etat a écarté le caractère urgent de la demande et a débouté le cigarettier[1].

En novembre 2022, la Commission européenne a publié la directive 2022/2100 qui interdit les arômes caractérisants dans les produits de tabac chauffés et impose des avertissements sanitaires comparables à ceux pour les autres cigarettes. Les États membres étaient tenus de transposer cette directive en droit national au plus tard le 23 juillet 2023 avec une application de ces dispositions à partir du 23 octobre 2023. Les États membres ont aussi pour obligation de communiquer à la Commission le texte des principales dispositions de droit national qu’ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.

Philip Morris France a saisi le Conseil d’Etat en vue suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 juillet 2023 modifiant l'arrêté du 19 mai 2016 relatif aux modalités d'inscription des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac, des produits du vapotage, des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et du papier à rouler les cigarettes en France. Selon les moyens soutenus, cela représenterait des surcoûts importants de modification de ses conditionnements. Également, le fabricant contestait le caractère légal de la décision (sur ce point, la condition de l’urgence n’étant pas remplie, le juge n’a pas eu à se prononcer).

Le caractère urgent de la demande non retenu

Philip Morris France avait évalué les surcoûts de modification des conditionnements de ses produits à 800 000 euros. Les profits mondiaux du fabricant s’élevaient à 150 milliards d’euros ($159 milliards) en 2021 et près de 500 millions en France.

Selon le Conseil d'Etat, l’arrêté contesté ne préjudicie pas de manière suffisamment grave et immédiate aux intérêts du cigarettier, lequel n'a pas, au regard de sa situation, rapporté une justification suffisante du caractère urgent de l'espèce visant à annuler les effets de la décision du ministre de la Santé. Le caractère urgent de la requête n'est donc pas avéré : « La condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut pas être regardée comme remplie ». L’urgence est entendue ici de manière objective et globale et n'est pas appréciée du seul point de vue du requérant. Elle résulte de la mise en balance des intérêts de celui-ci avec l’intérêt général, comme rappelé dans la décision : « ni le coût devant être supporté par la société Philip Morris pour se conformer aux dispositions litigieuses, dont il n'est, en tout état de cause, pas soutenu qu'il représente une part importante de son chiffre d'affaires, ni l'éventualité de sanctions en cas de non-respect de la réglementation litigieuse, ne peuvent être regardés comme de telles considérations ».

Les recours en justice, une stratégie récurrente de l’industrie du tabac

En décembre 2022[2], le fabricant British American Tobacco (BAT) avait annoncé avoir engagé une procédure judiciaire devant la Haute Cour d’Irlande, contre le ministère de la Santé et le procureur général d’Irlande, afin de protester contre l’interdiction de vente de tabac chauffé aromatisé. Plus récemment[3], ce sont deux entreprises spécialisées dans la vente du tabac chauffé du fabricant BAT qui ont poursuivi l’Etat irlandais, lequel s’apprêtait à transposer la directive 2022/2100 dans sa législation, au motif que la Commission européenne (CE) aurait outrepassé ses pouvoirs.

Ces actions en justice répétées par l’industrie du tabac font partie de ses stratégies pour préserver ses intérêts financiers et exercer une pression sur les décideurs et les dissuader d’entreprendre des politiques de santé publique protectrices.

Mots-clés : tabac chauffé, avertissement sanitaire, Conseil d’Etat, France, Philip Morris France, ingérence, Europe

©Génération Sans Tabac

AE


[1] France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 septembre 2023, 478518

[2] Génération sans tabac, Interdiction des arômes pour le tabac chauffé : BAT proteste et poursuit l’Irlande, publié le 22 décembre 2022

[3] Génération sans tabac, Pression juridique sur la Commission européenne autour du tabac chauffé, publié le 21 octobre 2023

Comité national contre le tabagisme |

Ces actualités peuvent aussi vous intéresser