Nouvelle-Zélande : la ministre de la Santé accusée de plier devant l’industrie du tabac
31 juillet 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 août 2024
Temps de lecture : 5 minutes
La ministre déléguée à la Santé, Casey Costello, en charge de la politique de lutte contre le tabagisme en Nouvelle-Zélande, a récemment réduit de 50 % les droits d’accise sur les produits du tabac à chauffer, une mesure discrètement annoncée sur le site web des Douanes.
Une telle mesure semble accéder aux demandes pressantes de l’industrie du tabac, à l’instar de Philip Morris, leader du marché du tabac à chauffer, qui réclame des abattements fiscaux pour ces produits depuis 2018.
Une décision controversée perçue comme un soutien à l'industrie du tabac
La décision d’accorder un abattement fiscal aux produits du tabac à chauffer a suscité l’indignation des acteurs de santé publique, accusant la ministre en charge de la lutte contre le tabagisme de favoriser les intérêts financiers de l’industrie du tabac. Comme le souligne Janet Hoek, professeure de santé publique, cette mesure semble favoriser l’industrie du tabac. Face à ces critiques, la ministre déléguée a justifié la mesure comme étant un essai, mis en place pour une durée déterminée. [1]
Une décision allant à l’encontre des recommandations mêmes du ministère de la Santé
Dans son argumentaire, Casey Costello a présenté le tabac à chauffer comme étant une alternative moins nocive à la santé que la consommation de cigarettes classiques, et également comme étant un outil de sevrage potentiel, notamment pour les gros fumeurs. Selon la ministre chargée de la lutte contre le tabagisme, les produits du tabac à chauffer présenteraient un risque sanitaire similaire à celui des cigarettes électroniques et seraient moins nocifs que les cigarettes classiques. Une telle affirmation va à l’encontre de la littérature scientifique, puisqu’aucune étude indépendante ne permet d’affirmer que la consommation de tabac à chauffer présente un risque réduit en comparaison des cigarettes traditionnelles. De la même manière, la littérature scientifique souligne que le tabac à chauffer est incontestablement plus nocif que les cigarettes électroniques. L’argumentaire de la ministre est en totale opposition à celui de son propre ministère, qui rappelle la nocivité de ces produits et leur inefficacité en tant qu’outil de sevrage. Le discours de la ministre déléguée à la Santé reprend en fait l’argumentaire de l’industrie du tabac sur le tabac chauffé, qui cherche à développer ce produit en instrumentalisant la notion de réduction des risques. Ces affirmations, qui ne s’appuient sur aucune donnée scientifique indépendante, visent en premier lieu à obtenir des pouvoirs publics une fiscalité avantageuse.
Considérant qu’une telle mesure pourrait contribuer à atteindre l’objectif « sans fumée » d’ici 2025, Costello envisage également la possibilité d’autoriser la commercialisation du snus et des sachets de nicotine. De la même manière, cette proposition ne fait pas l’unanimité auprès de son ministère, qui a au contraire exprimé des réserves, soulignant l'inefficacité potentielle du snus et des sachets de nicotine comme outils de sevrage tabagique. Le ministère a par ailleurs avancé que le snus pouvait entraîner un risque de dépendance plus élevé que celui associé au tabac fumé auprès des jeunes, et que sa consommation pouvait accroître le risque de certains cancers.
L’influence de l’industrie du tabac dans l’actuel gouvernement en Nouvelle-Zélande
Ce n'est pas la première fois que Casey Costello se retrouve au centre d'une controverse en raison de l'alignement de ses propositions sur les intérêts de l'industrie du tabac. Début 2024, elle a proposé de désindexer la fiscalité des produits du tabac de l’inflation pour les trois prochaines années, justifiant cette mesure par l'argument, souvent utilisé par l'industrie, selon lequel une augmentation des prix pénaliserait les populations les plus précaires. Toutefois, la littérature scientifique montre que l'augmentation des taxes sur le tabac est l'une des méthodes les plus efficaces pour réduire la consommation, en particulier parmi les populations vulnérables, contribuant ainsi à diminuer les inégalités sociales liées au tabagisme. Parallèlement, depuis sa désignation fin 2023,[2] le nouveau gouvernement néo-zélandais a décidé de revenir sur plusieurs engagements de la majorité précédente en matière de lutte contre le tabagisme, abandonnant des mesures cruciales telles que l’interdiction de vendre du tabac aux jeunes nés après 2009, la restriction du nombre de points de vente et la réduction de la teneur en nicotine dans les produits. Les propositions récentes de Costello semblent perpétuer cette tendance, ce qui remet en question la capacité de la Nouvelle-Zélande à atteindre ses objectifs de santé publique.
Par ailleurs, cette nouvelle mesure d’une fiscalité plus favorable pour le tabac à chauffer va à l’encontre des engagements internationaux de la Nouvelle-Zélande, laquelle a ratifié le traité de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT). En effet, l’article 5.3 de la CCLAT prévoit une obligation générale de protection des politiques publiques à l’égard de l’interférence de l’industrie du tabac. Les directives d’application associées à ces dispositions recommandent de ne pas accorder « d’incitations, de privilèges ou d’avantages à l’industrie du tabac pour la mise en place ou la poursuite de ses activités ».
DT
[1]RNZ, NZ First Minister Casey Costello orders 50% cut to excise tax on heated tobacco products, RNZ, publié le 18 juillet 2024, consulté le 22 juillet 2024[2] Génération sans tabac, La Nouvelle-Zélande envisagerait un gel des taxes sur le tabac durant trois ans, GST, publié le 30 janvier 2024, consulté le 22 juillet 2024Comité national contre le tabagisme |