Netflix : l’industrie du tabac bénéficie d’un milliard de minutes de publicité grâce à la F1
9 mars 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 9 mars 2023
Temps de lecture : 5 minutes
Le partenariat entre la F1 et Netflix avec sa série « Formula 1 : Drive to Survive » s’avère être un véritable vecteur publicitaire pour les cigarettiers, selon un rapport de la Stopping Tobacco Organizations and Products (STOP), un organisme mondial de surveillance de l’industrie du tabac. Selon le rapport, les fabricants Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco (BAT) auraient bénéficié d’une exposition de plus d’un milliard de minutes grâce à ce contenu audiovisuel, y compris dans des juridictions ayant interdit la publicité en faveur des produits du tabac[1].
La Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT), ratifiée par plus de 180 Parties dans le monde, dont la France et l’Union européenne, enjoint les pouvoirs publics à mettre en place une interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac et de toute promotion et de tout parrainage du tabac. Cette interdiction de publicité, directe ou indirecte, inclut notamment une interdiction des publicités, promotions et parrainages transfrontières[2].
L’intérêt de longue date de l’industrie du tabac pour la F1
Les liens entre l’industrie du tabac et les sports automobiles et mécaniques n’est pas récente. Philip Morris International est ainsi un sponsor historique de premier plan pour la Formule 1 : depuis 1971, on estime que le fabricant a dépensé près de 2,4 milliards de dollars en sponsoring dans la F1. De son côté, BAT n’est pas en reste, puisque la compagnie a investi plus de 450 millions de dollars dans la Formule 1.
Ces investissements de longue date se poursuivent aujourd’hui, puisque les deux cigarettiers ont investi environ 40 millions de dollars pour la seule année 2022 dans le sponsoring de la F1. L’intérêt de l’industrie du tabac pour la Formule 1 revêt un caractère particulièrement stratégique : la F1 revendique une très forte croissance de sa popularité, et certaines courses battent des records d’audience. Le groupe Formula One Group a ainsi affirmé cumuler une audience télévisuelle de 445 millions de téléspectateurs uniques en 2021, avec une moyenne de 70,3 millions de téléspectateurs par course.
Une stratégie de croissance qui coïncide avec les intérêts des fabricants
Selon le rapport de STOP, la stratégie de croissance de la Formule 1 s’aligne sur les intérêts des fabricants de cigarettes. Ainsi, de nouvelles courses sont programmées dans les marchés pour lesquels les fabricants ont des velléités de croissance, à l’instar de l’Amérique du Nord, Centrale et du Sud, mais également dans le bassin Est de la Méditerranée. Aux Etats-Unis, la F1 se développe particulièrement, avec trois nouvelles courses prévues pour l’année 2023, laissant présager des records d’audience télévisées, et donc une forte exposition aux marques des nouveaux produits des fabricants : la cigarette électronique Vuse pour BAT, et le dispositif de tabac chauffé IQOS pour PMI.
Des audiences considérables, plus jeunes que les spectateurs classiques de F1
La série « Formula 1 : Drive to Survive » cherche à attirer de nouveaux publics, en recrutant au-delà des amateurs traditionnels de F1. Le pari semble réussi : selon STOP, les spectateurs sont en moyenne plus jeunes que les spectateurs de F1 : 16% de ces derniers sont âgés de moins de 34 ans, contre 46% des personnes ayant visionné le contenu audiovisuel. Par ailleurs, le rapport note une nette augmentation de l’intérêt du public féminin pour ce sport, jusque-là très majoritairement regardé par des hommes.
Autrement dit, la stratégie éditoriale de la série entre en parfaite adéquation avec celle de l’industrie du tabac : cibler un public jeune, et déployer une stratégie spécifique à destination des femmes. Au total, les auteurs de la recherche soulignent que la moitié de tous les épisodes contenaient une image de marque des fabricants de tabac dans la minute d'ouverture, tandis que les téléspectateurs auront en moyenne été exposés à plus de 34 minutes d'émissions contenant du contenu lié au tabac, soit environ 1,1 milliard de minutes de séquences cumulées à travers le monde.
STOP exhorte les pouvoirs publics à réagir à cette stratégie de contournement de l’interdiction de publicité
La plateforme Netflix avait déjà été pointée du doigt pour la forte présence de produits du tabac et de la nicotine dans ses contenus, y compris ceux consommés par une jeune audience. Face à cette stratégie partenariale entre Netflix, l’industrie du tabac et la Formule 1, l’organisme STOP :
- Recommande à la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) d’interdire totalement et définitivement tout partenariat entre l’industrie du tabac et la Formule 1 ;
- Appelle les gouvernements et organismes de santé nationaux à surveiller la Formule 1 afin de prévenir ces stratégies publicitaires ;
- Appelle les gouvernements à exiger de Netflix que les contenus soient retirés de la plateforme dans les pays où la publicité en faveur de ces produits est interdite ;
- Recommande aux pouvoirs publics de demander des comptes aux plateformes, et acteurs impliqués dans la violation de l’interdiction de la publicité.
FT
[1] STOP, Driving addiction : F1, Netflix and Cigarette Company Advertising, 08/03/2023, (consulté le jour même)
https://exposetobacco.org/wp-content/uploads/F1-Netflix-Driving-Addiction.pdf
[2] Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), Article 13
https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42812/9242591017.pdf