Multinationales du tabac : des liens persistants avec la Russie et la Biélorussie malgré leurs annonces publiques

18 décembre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 16 décembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes

Multinationales du tabac : des liens persistants avec la Russie et la Biélorussie malgré leurs annonces publiques

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, de nombreuses multinationales, y compris des géants du tabac, avaient annoncé leur retrait des marchés russe et biélorusse. Cependant, plusieurs d'entre elles continuent d'opérer dans ces pays, mettant en lumière les défis éthiques et économiques liés à leur présence.

Des retraits partiels et des partenariats controversés

British American Tobacco (BAT) et Imperial Brands ont officiellement vendu leurs actifs en Russie, mais BAT s’est laissé la possibilité de racheter son entreprise dans un délai de deux ans. À ce jour, cette option n’a pas été exercée. En revanche, Philip Morris International (PMI) et Japan Tobacco International (JTI), deux des plus grands acteurs du marché, ont choisi de maintenir leur présence.

PMI et JTI distribuent leurs produits en Russie via une entreprise commune, Megapolis Distribution BV, en partenariat avec Igor Kesaev, un oligarque sanctionné par l’Union européenne et les États-Unis. Kesaev, lié à l’industrie de l’armement russe, continue de générer des revenus significatifs grâce à ce partenariat, malgré les sanctions internationales.

En Biélorussie, des liens similaires existent avec Aliaksei Aleksine, un proche du président Alexandre Loukachenko. Il détient les droits exclusifs de distribution des produits de l’entreprise publique Neman, qui domine le marché local. Ce partenariat a coïncidé avec une augmentation record des exportations illégales de cigarettes vers l’Union européenne, transitant principalement par la Lituanie[1].

Les enjeux financiers et éthiques

Initialement, PMI et JTI avaient annoncé leur intention de se retirer du marché russe suite à l'invasion de l'Ukraine. Cependant, ces deux géants du tabac ont finalement maintenu leur présence, invoquant les conséquences financières d’un départ. La Russie demeure un marché lucratif pour PMI, notamment grâce au succès des dispositifs de tabac chauffé. De son côté, JTI a justifié sa décision en soulignant que la Russie génère 20 % de ses profits, mettant en avant l’impact que cela pourrait avoir sur ses investisseurs.

Ces choix économiques suscitent des critiques croissantes. Les autorités ukrainiennes et plusieurs ONG dénoncent le rôle du secteur du tabac dans le financement indirect de la guerre en Ukraine. La fiscalité sur le tabac constitue une source de revenus importante pour l’État russe, qui l’utilise pour financer son effort de guerre[2].

Une situation préoccupante en Biélorussie

En Biélorussie, le tabac reste un secteur stratégique pour le régime de Loukachenko. Bien que le pays ait ratifié la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, les taux de tabagisme y sont alarmants : 50,2 % chez les hommes et plus de 23 % chez les femmes. Ces chiffres soulignent le poids de l’industrie qui bloque toute politique efficace de lutte contre le tabac, en particulier à travers l’implication d’acteurs économiques puissant comme Aleksine.

Une surveillance internationale accrue nécessaire

La persistance des multinationales dans ces marchés illustre non seulement les limites des sanctions internationales et des cadres juridiques en place, mais également le grand écart entre les discours des fabricants et leurs actes. Alors qu’ils affichent publiquement leur engagement envers des pratiques responsables, leurs décisions témoignent d’une priorité donnée aux profits, souvent au détriment des principes éthiques annoncés.

Pour mettre fin à ces pratiques, il est impératif de renforcer les réglementations internationales sur le commerce du tabac et d’accroître la transparence des partenariats afin de dissuader ces pratiques et d’assurer une cohérence dans la lutte contre les régimes responsables de violations graves des droits humains.

©Génération Sans Tabac

RK


[1] https://www.generationsanstabac.org/fr/actualites/bielorussie-le-tabac-et-lalcool-toujours-controles-par-letat/ (consulté le 13/12/2024)

[2] https://en.belsat.eu/83959046/joint-company-with-an-oligarch-how-wellknown-tobacco-companies-didnt-pull-out-of-russia-and-belarus (consulté le 13/12/2024)

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