Biélorussie : le tabac et l’alcool toujours contrôlés par l’Etat

7 décembre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 5 décembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes

Biélorussie : le tabac et l’alcool toujours contrôlés par l’Etat

Le président de Biélorussie Alexandre Loukachenko a indiqué que l’Etat conserverait le contrôle sur le secteur du tabac et de l’alcool. Le dirigeant a notamment indiqué l’importance de la vente de ces deux produits dans le budget de la Biélorussie, éludant le coût social associé à la consommation de tabac et d’alcool.

La décision d’Alexandre Loukachenko de maintenir le contrôle de l’Etat sur le secteur du tabac et de l’alcool a été annoncée à l’occasion de l’approbation de la candidature d’Andrei Demidovets au poste de directeur général de Minsk Kristall Group, une distillerie contrôlée par le gouvernement biélorusse. Le dirigeant estime que le contrôle de ces deux secteurs par l’Etat constitue une garantie de qualité, et empêche la prolifération d’un marché noir et artisanal. Par ailleurs, bien que Loukachenko indique que ces produits soient étroitement liés à la santé des Biélorusses, ils n’en demeurent pas moins essentiels pour le budget de l’Etat[1].

Une consommation d’alcool préoccupante en Biélorussie

Les données de consommation existantes montrent de forts niveaux de consommation d’alcool en Biélorussie. L’ancienne république soviétique est en effet considérée comme l’un des pays où l’on boit le plus d’alcool. Avec 17,5 litres d’alcool pur consommé par an par habitant, la Biélorussie occupait même la première place mondiale en la matière en 2010. Selon une étude, l’incohérences des politiques contre la consommation d’alcool, et notamment en matière de politiques fiscales, l’augmentation continue du niveau de vie des Biélorusses pendant les années 2000 et la plus faible augmentation du prix de l’alcool par rapport aux produits de nécessité sont les principaux facteurs qui expliquent les hauts niveaux de consommation enregistrés à cette époque. Ainsi, en 2008, le prix d’une bouteille de vodka était inférieur à celui de cinq litres de lait[2]. Depuis 2011 cependant, la consommation d’alcool, et particulièrement de vodka, a diminué, atteignant 11,2 litres par an et par habitant, soit un niveau équivalent à celui du Royaume-Uni.

La production du tabac contrôlé par le pouvoir biélorusse

À la suite de la chute de l’Union soviétique et de la libéralisation de l’économie, Loukachenko s’est opposé à la privatisation du secteur tabac, contrecarrant de fait le projet de British American Tobacco et de RJ Reynolds de créer une entreprise commune[3]. De fait, l’essentiel de la production est réalisé par l’entreprise Neman (Нёман), une société par action contrôlée par l’Etat. En 2018, le dirigeant de la Biélorussie a toutefois décidé de confier les droits exclusifs de vente en gros de toutes les cigarettes fabriquées par Neman à Aliaksei Aleksine, un magnat de l’énergie à la tête de la société Energo-Oil. Selon un réseau de journalistes d’investigation (OCCRP), Aleksine aurait en retour fait un don de différents véhicules de luxes et offert un service de sécurité à Lukachenko, pour une valeur totale de 1,7 millions de dollars[4]. Selon l’OCCRP, la prise de contrôle de la vente en gros de l'usine par Aleksin a coïncidé avec une augmentation record du nombre de cigarettes fabriquées en Biélorussie et introduites illégalement dans l’Union européenne, depuis la Lituanie avec laquelle le pays partage une longue frontière terrestre. En 2020, les autorités lituaniennes ont ainsi saisi 17,2 millions de paquets de cigarettes biélorusses de contrebande, contre seulement 4,8 millions en 2017. Bien qu’ayant ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) en 2005, la Biélorussie enregistre des niveaux préoccupants de tabagisme, avec 50,2% de fumeurs chez les hommes, et plus de 23% chez les femmes. Jusque 2021, British American Tobacco était l’un des principaux partenaires économiques de Neman en Biélorussie, conduisant de nombreux manifestants à protester devant le siège du fabricant lors des protestations  intervenues lors des élections présidentielles de 2020.

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Tobacco Reporter, Belarus To Retain Control Over Tobacco, 03/12/2024, (consulté le 04/12/2024)

[2] Grigoriev, P. and Bobrova, A. (2020), Alcohol control policies and mortality trends in Belarus. Drug Alcohol Rev., 39: 805-817. https://doi.org/10.1111/dar.13032

[3] Gilmore AB, McKee M, Tobacco and transition: an overview of industry investments, impact and influence in the former Soviet Union, Tobacco Control 2004;13:136-142.

[4] OCCRP, Soon After Taking Over Belarus’ Tobacco Industry, Oligarch Donated Luxury Cars to Lukashenko Regime, 29/11/2021, (consulté le 04/12/2024)

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