Medscape met fin à son partenariat avec Philip Morris suite à la mobilisation de la société civile

8 mai 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 8 mai 2024

Temps de lecture : 5 minutes

Medscape met fin à son partenariat avec Philip Morris suite à la mobilisation de la société civile

Medscape, l'un des plus grands fournisseurs de formation médicale aux États-Unis, a mis fin à son accord de plusieurs millions de dollars avec Philip Morris International (PMI) à la suite du tollé général provoqué par l’existence du parrainage par le géant du tabac de ses cours sur le sevrage tabagique.

Cette décision fait suite à la révélation par le British Medical Journal (BMJ), au début du mois d’avril[1], du partenariat entre Medscape et le cigarettier. Un document interne communiqué au média The Examination et au BMJ révèle l'ampleur de l'accord : Philip Morris International devait payer 2,9 millions de dollars pour fournir un « programme PMI » de formation au sevrage tabagique d’un an qui serait envoyé au vaste réseau de professionnels de la santé de Medscape[2].

Philip Morris souhaitait cibler les professionnels de santé

Medscape avait pour objectif de proposer les cours sponsorisés par PMI à plus de 65 000 professionnels dans son réseau, qui comprend près de 8 000 pneumologues. Dans le cadre de l'accord conclu avec le cigarettier, cinq cours ont été publiés à la fin du mois de février et en mars 2024, notamment les cours intitulés « Impact des produits du tabac sur la santé : Que savons-nous en 2024 ? » ; « Réduction des risques du tabac : Une discussion fondée sur des données probantes ». Ces cours évoquaient notamment le sevrage tabagique à travers la consommation d’autres produits contenant de la nicotine, notamment les sachets de nicotine, le snus et les produits du vapotage, des produits activement promus par le fabricant.

L'accord avec Medscape semble faire partie d'une stratégie globale de Philip Morris visant à parrainer des cours de formation continue pour les professionnels de la santé dans le monde entier. The Examination a également découvert que PMI a ainsi parrainé des webinaires sur la « réduction des risques » au Moyen-Orient et en Afrique du Sud.

Un accord destiné à faire la promotion des nouveaux produits du tabac et de la nicotine

Un document interne de Medscape révèle également que, selon les termes de l'accord signé avec Philip Morris, le site de formation devait également mettre en place d'autres cours « PMI-TV » qui se présenteraient sous la forme d'un format télévisuel. Parmi les épisodes proposés, on trouvait par exemple : « Focus sur la réduction des risques dans certaines populations de patients : Pourquoi des produits sans fumée ? » et « Conseiller les patients sur la thérapie de remplacement de la nicotine : un modèle qui ne convient pas forcément à tous ».

Les employés de Medscape interrogés anonymement ont qualifié le parrainage de « stratagème marketing » pour vendre davantage de produits de vapotage et de « violation flagrante de l'éthique de la santé ». Le contenu des cours de Medscape a été dénoncé par son personnel pour avoir semblé promouvoir les e-cigarettes au détriment d'autres programmes de sevrage tels que la varénicline ou les thérapies de remplacement de la nicotine. Un employé, qui a demandé à rester anonyme, a déclaré à The Examination que les cours étaient « truffés » de contenus promouvant l'e-cigarette comme alternative au tabagisme, et qu'ils étaient « intégrés à l'ensemble du programme ». Une diapositive du cours de Medscape obtenue par The Examination affirmait que « dire que les e-cigarettes ne sont pas une stratégie efficace pour le sevrage tabagique est un mythe ».

L'Accreditation Council for Continuing Medical Education, l'organisation qui accrédite les cours de formation de Medscape, a déclaré à The Examination qu'elle poursuivait une enquête sur l'accord après avoir reçu une plainte.

Une campagne de désinformation à l’échelle mondiale

Philip Morris est impliqué dans une campagne mondiale de relations publiques, destinée à instrumentaliser la notion de réduction des risques, afin de faire la promotion de ses nouveaux produits du tabac et de la nicotine (tabac chauffé, dispositifs de vapotage, snus et sachets de nicotine). Pourtant, aucune étude indépendante n’est parvenue à démontrer à ce jour que la consommation de tabac chauffé s’accompagnait d’une réduction des risques, par rapport à la cigarette manufacturée et ni la US Food and Drug Administration ou encore l’Organisation mondiale de la santé ne reconnaissent pas formellement les produits du vapotage comme efficaces pour se sevrer du tabac. Robert Califf, commissaire de la FDA, a récemment déclaré que l'expression « réduction des risques » avait été cooptée par l'industrie du tabac dans un seul but de propagande.

L'industrie du tabac cherche à semer la confusion auprès des professionnels de santé sur des plateformes crédibles, afin d'influencer les débats médicaux et scientifiques. C'est aussi un moyen d'améliorer sa réputation, de se positionner comme faisant « partie de la solution », plutôt comme responsable de l’épidémie tabagique qu’elle entretient comme en témoigne la déclaration d’un porte-parole de Philip Morris auprès de The Examination : « Nous sommes préoccupés par le fait que des groupes d'intérêt connus bloquent activement la formation médicale que la Food and Drug Administration et la communauté médicale américaines ont jugée nécessaire. Ces actions risquent de prolonger l'utilisation et peut-être d'augmenter la consommation de cigarettes combustibles, la forme la plus nocive d'utilisation de la nicotine »

Mots-clés : Medscape, Philip Morris, sevrage tabagique, arrêt du tabac, tabac chauffé, vapotage, désinformation, professionnels de santé

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Génération sans tabac, Philip Morris finance des cours sur l’arrêt du tabac sur le site médical Medscape, publié le 12 avril 2024, consulté le 29 avril 2024

[2] Matthew Chapman, Medscape severs ties with tobacco industry after backlash over $3M Philip Morris International deal, The Examination, publié le 26 avril 2024, consulté le 29 avril 2024

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