L’interdiction de la vente de tabac aux jeunes pourrait éviter 1,2 million de décès par cancer du poumon

7 octobre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 4 octobre 2024

Temps de lecture : 6 minutes

L’interdiction de la vente de tabac aux jeunes pourrait éviter 1,2 million de décès par cancer du poumon

Une étude de simulation publiée dans The Lancet[1], qui s'appuie sur des données historiques provenant de 82 pays suggère que l'interdiction de vente des produits du tabac pour les personnes nées entre 2006 et 2010 pourrait prévenir près de la moitié des futurs décès par cancer du poumon chez les hommes et un tiers chez les femmes d'ici 2095 dans le monde.

Pour cette étude de simulation de cohorte de naissance basée sur la population, les auteurs ont proposé un scénario dans lequel les ventes de tabac étaient interdites pour les personnes nées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2010, et dans lequel cette mesure était parfaitement appliquée. Les auteurs ont quantifié le nombre de décès par cancer du poumon évitables dans cette cohorte de naissance jusqu’en 2095.

Le cancer du poumon est le deuxième cancer le plus diagnostiqué et la première cause de décès par cancer dans le monde, responsable d'environ 1,8 million de décès par an. Le tabagisme est le principal facteur de risque du cancer du poumon et, en 2019, on estimait qu'il était à l'origine de plus de 67 % des décès dus au cancer du poumon dans le monde.

Plus d’un million de décès par cancer du poumon évités

La cohorte de naissance comprenait une population totale de 650 525 800 personnes. Globalement, les auteurs ont prédit que 2 951 400 décès par cancer du poumon pourraient survenir dans la population née entre 2006 et 2010 si les taux de cancer du poumon continuent à suivre les tendances observées au cours des 15 dernières années. Ils ont estimé que 1 186 500 (40,2 %) des 2 951 400 décès par cancer du poumon chez les personnes nées entre 2006 et 2010 pourraient être évités d’ici 2095 si la mesure d’interdiction de vente de produits du tabac à ces personnes était mise en place et correctement appliquée.

Chez les hommes, c'est dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure que l'on éviterait le plus grand nombre de décès par cancer du poumon (64,1 %, soit 541 100 décès sur 844 200). L'effet de la mesure sur la mortalité par cancer du poumon serait la plus importante en Europe centrale et orientale, où 74,3 % des décès potentiels (48 900 sur 65 800) pourraient être évités.

Chez les femmes, les pays à revenu élevé seraient tout spécialement concernés par la diminution du nombre de décès évaluée (62%, soit 212 300 décès sur 342 400). L’Europe occidentale se distingue tout particulièrement avec 77,7 % des décès (56 200 sur 72 300) qui pourraient être évités.

En France spécifiquement, 45 200 décès potentiels par cancer du poumon sur 58 400 (77%), chez les deux sexes confondus, pourraient être évités à l’horizon 2095 si une interdiction de vente de tabac était pleinement appliquée.

Cette nouvelle recherche accompagne une autre étude publiée mercredi 2 octobre dans The Lancet Public Health[2], qui indique que la réduction de la prévalence actuelle du tabagisme dans le monde à 5 % d'ici 2050 se traduirait par une année supplémentaire d'espérance de vie pour les hommes et 0,2 année pour les femmes.

Les auteurs alertent cependant sur le fait que l'utilisation des nouveaux produits du tabac et de la nicotine n’a pas été prise en compte dans cette étude car les produits sont arrivés récemment sur le marché et leur conséquence sur la mortalité par cancer du poumon n'est pas claire. Ceci pourrait affecter les tendances en matière d’incidence de cancer du poumon dans leur scénario.

Une mesure encore trop peu considérée à travers le monde

L'une des mesures incluses dans de nombreuses stratégies de lutte contre le tabagisme est la génération sans tabac, qui limiterait la vente et l'offre de tabac aux personnes nées après une année donnée. La Nouvelle-Zélande a été pionnière dans la stratégie de la génération sans tabac en proposant d'interdire la vente de tabac aux personnes nées à partir du 1er janvier 2009. Le nouveau gouvernement néo-zélandais, sous l’impulsion de la ministre de la santé Casey Costello, influencée par l’industrie du tabac, est revenu sur cette stratégie et a abrogé la mesure. Situation similaire en Malaisie où le ministre de la santé avait indiqué en 2022 vouloir interdire la vente de tabac aux jeunes nés après 2007. Le gouvernement, sous pression des fabricants de tabac, a annulé la mesure en 2023. Le Royaume-Uni[3] en revanche envisage bien de mettre en place une telle interdiction de vente pour les personnes nées après 2009.  Les détails de la nouvelle loi devraient paraître prochainement. À l’échelle locale, certaines villes ont déjà mis en œuvre une interdiction de vente, comme Balanga City (Philippines), et plusieurs villes (Brookline, Melrose, Wakefield, Stoneham, Malden, Reading et Winchester) du Massachussetts aux États-Unis[4].

Les auteurs rappellent cependant que la mise en œuvre d'une politique de génération sans tabac peut être envisagée dans les pays dotés de solides politiques de lutte contre le tabagisme, où la prévalence du tabagisme est inférieure à 15 %, ou qui ont connu une baisse rapide de la prévalence. Cette mesure doit s'accompagner d'autres mesures de lutte contre le tabagisme, telles que l'augmentation des taxes ou la réduction du nombre de points de vente, l’extension des espaces sans tabac, les restrictions sur la publicité, des aides efficaces pour les fumeurs etc.

Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où la population de jeunes augmente rapidement, les effets de l'interdiction de la vente de tabac pourraient être encore plus importants. « Notre modélisation met en évidence l'ampleur des bénéfices pour les gouvernements qui envisagent de mettre en œuvre des plans ambitieux visant à créer une génération sans tabac », a précisé l'auteure de l'étude, Julia Rey Brandariz, de l'université de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. « Non seulement cela permettrait de sauver un très grand nombre de vies, mais cela pourrait aussi réduire considérablement la pression exercée sur les systèmes de santé par le traitement et la prise en charge des personnes souffrant d’une maladie liée à la consommation de tabac. »

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Estimated impact of a tobacco-elimination strategy on lung-cancer mortality in 185 countries: a population-based birth-cohort simulation study, Rey Brandariz, Julia et al. The Lancet Public Health, Volume 9, Issue 10, e745 - e754

[2] Forecasting the effects of smoking prevalence scenarios on years of life lost and life expectancy from 2022 to 2050: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2021 Bryazka, Dana et al. The Lancet Public Health, Volume 9, Issue 10, e729 - e744

[3] Génération sans tabac, Royaume-Uni : les travaillistes réintroduisent l’interdiction de vente de tabac aux personnes nées après 2009, publié le 27 juillet 2024, consulté le 3 octobre 2024

[4] Génération sans tabac, Deux villes du Massachussetts envisagent d’interdire la vente de tabac et nicotine aux personnes nées après 2004, publié le 24 septembre 2024, consulté le 3 octobre 2024

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