Les mesures antitabac mises en place en France depuis 2016 sont efficaces

14 août 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 9 août 2024

Temps de lecture : 5 minutes

Les mesures antitabac mises en place en France depuis 2016 sont efficaces

Une étude française[1] publiée par des chercheurs de l’Organisation for Economic Co-operation and Development  (OECD) et Santé Publique France dans la revue Tobacco Control montre que, sur la période 2023-2050 et en comparaison à un scénario sans aucune action, les mesures antitabac mises en place en France depuis 2016 devraient permettre d'éviter environ 4,03 millions de cas de maladies chroniques liées au tabagisme, d'économiser 578 millions € par an en dépenses de santé, et d'augmenter l'emploi et la productivité de l'équivalent de 19 800 travailleurs à temps plein supplémentaires par an.

Cette étude a été réalisée à l'aide du modèle de micro simulation de l'OCDE pour la planification stratégique de la santé publique pour les maladies non transmissibles. Ce modèle a été alimenté par les tendances historiques et projetées de la prévalence du tabagisme, telles qu'elles ressortent du programme d’action.

Des mesures d’ensemble qui ont contribué à réduire la prévalence tabagique

La prévalence du tabagisme en France reste élevée par rapport à celles d'autres pays à revenu élevé, avec en 2021 32 % d’adultes fumeurs, et 25 % fumeurs quotidiens. La France a lancé son premier Programme national de réduction du tabagisme en 2014, suivi d'un Programme national de lutte contre le tabagisme en 2018, avec mise en œuvre d’un ensemble de mesures entre 2016 et 2019 reposant sur quatre piliers principaux : (1) une augmentation progressive sur trois ans des taxes sur les produits du tabac soit une augmentation de 41 % du prix des paquets de cigarettes les plus vendus ; (2) le conditionnement neutre des produits du tabac a été rendu obligatoire pour les paquets mis en vente à partir du 1er janvier 2017 (avec agrandissement des avertissements sanitaires) ; (3) le remboursement par l’Assurance maladie des substituts nicotiniques (SN) à 65 % depuis le 1er janvier 2019, et (4) l’organisation à partir de 2016 d’une campagne annuelle de marketing social promouvant le sevrage tabagique « Mois Sans Tabac » en  novembre.

Pendant la mise en œuvre de ces quatre mesures, entre 2016 et 2019, la prévalence du tabagisme a diminué de 35 % à 31 % et les tentatives d'arrêt chez les personnes qui fumaient quotidiennement ont augmenté de 25 % à 33 %, pendant que les ventes de SN augmentaient de 28 % entre 2019 et 2020.

Des millions de maladies chroniques liées au tabagisme évitées

Les résultats suggèrent que la mise en œuvre de ces mesures est susceptible, en nombres cumulés de 2023 à  2050, d'éviter environ 4,03 millions de cas de maladies non transmissibles (2,09 selon les estimations basses à 11,84 millions selon les estimations hautes), soit : 1,87 million de cas de troubles musculosquelettiques, 1,54 million d'infections respiratoires basses, 275 000 cas de BPCO, 170 000 cas de cancers, 104 000 cas de maladies cardiovasculaires, 40 000 cas de démence et 32 000 cas de diabète.

Cette politique antitabac devrait permettre, d’ici 2050, d'augmenter pour la population française le nombre d'années de vie (AV) de 644 000 années (436 000 à 2 168 000) et d’années de vie en bonne santé (AVBS) de 1 040 000 (636 000 à 3 389 000) pour la population française, ce qui correspond à 62 AV (41 à 206) et à 99 AVBS (60 à 318) pour 100 000 habitants gagnées chaque année.

Ces mesures devraient permettre de réduire les dépenses de santé de 578 millions € (365 à 1848 millions €) par an sur la période 2023-2050, soit environ 8,7 € (5,5 à 27,8 €) /habitant/an, ou 0,32 % (0,20 à 1,02%) des dépenses totales de santé. D'ici à 2050, l'ensemble de ces mesures de lutte antitabac permettrait d'économiser jusqu'à 143 € (91 à 466 €) par habitant en termes de dépenses de santé.

Une politique coût-efficace sur le long terme

Les économies réalisées correspondent à un retour sur investissement de 4 € (2,5 à 12,5 €) pour chaque € investi dans le programme, dont le coût total des mesures, qui a été estimé à 148 millions € par an, comprend les coûts de l'application de l'augmentation des taxes, de la campagne Mois Sans Tabac et du remboursement des SN. Le coût de la mise en œuvre de l'emballage neutre du tabac est considéré comme négligeable pour le gouvernement, puisqu'il est principalement supporté par l'industrie. Les recettes provenant d'une augmentation de la fiscalité n'ont pas été incluses dans l'analyse, conformément à l'approche CHOICE (CHOosing Interventions that are Cost-Effective) de l'OMS pour les analyses sur la fiscalité.

Selon les auteurs, la baisse de l’incidence des maladies liées au tabac, permet à plus d’individus de s'engager activement sur le marché du travail et d'être plus productifs s'ils ont un emploi. Aussi, il est estimé que la politique antitabac augmentera l'emploi et la productivité de l'équivalent de 19 800 travailleurs en équivalent temps plein par an, essentiellement par augmentation de l'emploi et réduction de l'absentéisme.

Les politiques antitabac sont globalement coûts-efficaces

Deux études récentes ont évalué le retour sur investissement des politiques de lutte antitabac au Canada et en Floride (États-Unis). Au Canada, pour chaque $ canadien investi dans la lutte antitabac entre 2001 et 2016, 19,8 $ sont restitués sur les coûts des soins de santé, gains de productivité et d'années de vie, ainsi que sur les recettes fiscales. Concernant les seules économies réalisées dans le domaine des soins de santé, le retour sur investissement est estimé à 8 $ pour chaque $ investi. Dans l'étude américaine, pour chaque $ investi dans le programme de lutte antitabac en Floride entre 1999 et 2015, 10 $ ont été économisés dans le domaine des soins de santé.

L’observation en France d’un retour sur investissement (4/1) inférieur à celui des études nord-américaines peut s'expliquer, au moins en partie, par le fait que le modèle de simulation français prend en compte les dépenses de santé des personnes qui ne fument pas/plus du fait des mesures prises, mais qui peuvent développer ultérieurement des maladies chroniques sans rapport avec le tabagisme et, de ce fait, encourir les coûts de santé qui en découlent.

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Devaux M, Dorfmuller Ciampi M, Guignard R, et al Economic evaluation of the recent French tobacco control policy: a model-based approach Tobacco Control Published Online First: 31 July 2024. doi: 10.1136/tc-2023-058568Comité national contre le tabagisme |

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