Les banques françaises continuent d’investir des milliards de dollars dans l’industrie du tabac et de la nicotine
11 octobre 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 octobre 2025
Temps de lecture : 4 minutes
Selon un rapport de l’organisme d’investigation Profundo[1], commandé par l’Alliance contre le tabac (ACT) et rendu public par France Inter, les grandes banques françaises continuent d’investir dans l’industrie du tabac. Malgré l’arrêt des crédits accordés aux cigarettiers depuis 2025, près de 2,8 milliards de dollars d’actifs sont désormais détenus par le Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale et le groupe BPCE. Cela représente une augmentation de 280 % par rapport à novembre 2023, malgré l’adoption en 2018 d’une charte internationale, le Tobacco-Free Finance Pledge, visant à mettre fin à tout soutien à ce secteur.
De larges montants investis dans le tabac en dépit d’accords internationaux
Entre novembre 2023 et mai 2025, près de 2,8 milliards de dollars (environ 2,38 milliards d’euros) auraient été investis par le Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale et le groupe BPCE en actions et en obligations dans des groupes tels que Philip Morris International, British American Tobacco, Imperial Brands ou Japan Tobacco Inc[2].
Le rapport souligne une progression marquée des participations : le Crédit Agricole détiendrait plus d’un milliard de dollars (852 millions d’euros) d’actifs liés au tabac, en hausse de 587 % depuis novembre 2023 ; BNP Paribas aurait multiplié ses prises de participation par six en un an et demi, pour atteindre 597 millions de dollars (508 millions d’euros) ; la Société Générale posséderait 437 millions de dollars (372 millions d’euros) d’actions, contre un niveau quasi nul fin 2023 ; le Groupe BPCE détiendrait environ 430 millions de dollars (366 millions d’euros), soit une hausse de 41 % en un an et demi.
Selon l’ACT, ces évolutions traduisent une augmentation volontaire des placements dans le secteur, alors que les banques avaient pris des engagements publics de désengagement[3]. En effet, les banques concernées ont toutes signé une charte internationale visant à mettre fin au financement de l’industrie du tabac, lancée le 26 septembre 2018 par l’ONG australienne Tobacco Free Portfolios et soutenue par les Nations Unies. Certaines avaient même adopté des politiques internes plus restrictives. Par exemple, dans un document publié en avril 2025, la Société Générale affirmait vouloir exclure les producteurs de tabac de son univers d’investissement.
L’Alliance contre le tabac demande d’agir fermement contre ces investissements
Les banques concernées contestent ces accusations et expliquent que les investissements signalés correspondent en partie à des transactions réalisées pour le compte de leurs clients sur des produits financiers diversifiés et complexes, incluant encore des entreprises du tabac.
Pour Marion Catellin, directrice de l’ACT, c'est un argument irrecevable : « Des acteurs financiers comme la Société Générale, le Crédit Agricole ou BNP Paribas mentent à leurs clients sur le désengagement réel qu'ils peuvent avoir vis-à-vis de l'industrie du tabac. Et c'est absolument alertant quand on sait - si je reprends les propos du directeur général de l'OMS - que chaque dollar investi dans l'industrie du tabac est un investissement dans la mort et la maladie. ».
L’ACT appelle donc les régulateurs des marchés financiers à examiner ces pratiques et, le cas échéant, à sanctionner les établissements qui ne respecteraient pas leurs engagements.
L’Alliance rappelle par ailleurs que la hausse des cours des cigarettiers est alimentée non seulement par l’évolution des marchés, mais aussi par l’achat de nouvelles actions par des institutions financières, facilité par le lancement de produits dits « à risques réduits ». En effet, les fabricants de tabac attirent de nouveaux investisseurs en promouvant des « alternatives » (cigarettes électroniques, tabac à chauffer, sachets de nicotine…) marketées comme moins nocives que le tabac classique, voire comme des moyens de sevrage tabagique. Pourtant, il est prouvé scientifiquement que ces produits très prisés des jeunes présentent des risques pour la santé, peuvent créer une forte dépendance à la nicotine, et par un « effet passerelle » peuvent inciter à fumer ensuite des cigarettes. De plus en plus de pays reconnaissent le risque d’épidémie nicotinique, notamment la France, qui interdit à compter du 1er avril 2026 les sachets, billes, gommes et autres produits oraux contenant de la nicotine.
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[1]Pham Van L., Stravens M., Qui finance le secteur du tabac en France ? – Mise à jour de l’étude de janvier 2024, Profundo Research & Advice, publié le 30 septembre 2025, consulté le 3 octobre 2025
[2]France info, Les banques françaises continuent de financer l'industrie du tabac avec près 2,8 milliards de dollars d'investissement, dénonce l'Alliance contre le tabac, publié le 2 octobre 2025, consulté le 3 octobre 2025
[3]Alliance contre le tabac, $2,8 milliards d'investissements français supplémentaires dans l'industrie du tabac en un an et demi, publié le 2 octobre 2025, consulté le 3 octobre 2025