Le sevrage tabagique, un enjeu de taille en France qui compte encore 12 millions de fumeurs quotidiens
6 novembre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 4 novembre 2024
Temps de lecture : 7 minutes
La neuvième édition de Mois sans tabac, mis en place par le Ministère de la Santé et de l’Accès aux soins et Santé publique France, en partenariat avec l’Assurance Maladie, a débuté ce 1er novembre[1]. Mois sans tabac fait partie d’un ensemble de mesures visant à réduire le tabagisme encore très élevé en France. Avec 24,5% de fumeurs quotidiens, la prise en charge de ces derniers doit rester une priorité de santé publique et s’inscrire dans une démarche complète et offensive selon les associations.
Conçue sous la forme d’un défi collectif, le Mois sans tabac incite les fumeurs à arrêter de fumer durant les 30 jours de novembre. Maintenir l’arrêt du tabac durant tout un mois multiplie en effet par cinq la probabilité de parvenir à un résultat définitif. Près de 117 000 personnes et 5 200 partenaires participent cette année à l’opération Mois sans tabac, qu’il s’agisse d’entreprises, d’associations ou institutions.
À l’inscription, le fumeur bénéficie de nombreux outils et conseils pour l’aider dans sa démarche d’arrêt. Il peut notamment compter sur une consultation avec un professionnel de l’arrêt du tabac, un kit d’aide à l’arrêt avec un programme basé sur 40 jours, des soutiens pour l’aider à ne pas craquer et une communauté au sein de laquelle le fumeur peut s’appuyer pour partager doutes et astuces.
Avoir une offre de soins suffisante pour bien accompagner les fumeurs
Avec près de 32% de fumeurs chez les 18-75 ans en France, un taux de 24,5% de fumeurs quotidiens, le tabagisme reste particulièrement élevé en France. Il est chaque année responsable de 75 000 décès prématurés, soit 13 % de la mortalité totale dans le pays. Près de deux fumeurs sur trois (59 %) souhaitent pourtant arrêter de fumer.
Santé Publique France (SPF) et les associations de lutte contre le tabagisme, à l’instar du Comité national contre le tabagisme (CNCT), rappellent qu’ils existent des traitements éprouvés pour aider le fumeur dans sa démarche d’arrêt. Les traitements pharmacologiques reconnus efficaces et recommandés par l’OMS sont les substituts nicotiniques : formes cutanées (patchs), formes buccales (gommes, pastilles, inhalateurs, sprays), formes nasales (sprays), ainsi que la varénicline, le bupropion et la cytisine.
Mois sans tabac est également l’occasion de rappeler que les professionnels de santé ont un rôle primordial à jouer dans l’accompagne de la démarche d’arrêt. SPF rappelle que l’accompagnement par un professionnel de santé augmente de 70% les chances de réussite du sevrage. De plus en plus de professionnels de santé comme les infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes sont habilités à prescrire des traitements de substitutions nicotiniques. Cependant, le CNCT précise que ces derniers demeurent encore trop peu formés à la prise en charge du sevrage tabagique et que l’offre de soin n’est pas suffisante au regard des besoins. L’association plaide également pour que tous les professionnels de santé abordent de manière systématique le statut tabagique de leur patient lors d’une consultation.
Mois sans tabac, une campagne particulièrement coût-efficace
Dans un communiqué, Santé Publique France indique que chaque euro investi dans la campagne Mois sans tabac permet d’économiser plus de 7 euros sur les dépenses de santé du fait de l’arrêt du tabagisme. En 2023, l’OCDE a réalisé une évaluation économique des politiques de lutte contre le tabac en France. Leurs modélisations montrent que, reconduite chaque année, l’opération permettrait de réduire les dépenses de santé de 94 millions d’euros par an en moyenne entre 2023 et 2050 (pour un coût par année d’environ 12 millions d’euros).
La modélisation de l’OCDE avait montré qu’à l’horizon 2050, Mois sans tabac permettrait d’éviter 241 000 cas d’infections respiratoires basses, 44 000 cas de bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) et 28 000 cas de cancers.
Depuis le lancement de la campagne en 2016, plus de 1,34 million de Français s’y sont inscrits. D’après un baromètre de Santé publique France, environ 20 % des personnes ayant participé au Mois sans tabac étaient toujours non-fumeuses six mois après leur arrêt.
Alerte sur les méthodes alternatives d’arrêt qui n’ont pas fait leurs preuves
Dans son communiqué[2], le CNCT alerte également sur les nombreuses méthodes alternatives qui fleurissent et proposent des « moyens miraculeux » pour arrêter de fumer comme le laser, les thérapies traditionnelles, la pleine conscience, l’acupuncture, l’hypnose, ou encore le yoga. De nombreux spots télévisés diffusés actuellement sur les chaînes publiques et les réseaux sociaux mettent en avant l’efficacité de la lasérothérapie, promettant d’être « innovante et efficace à près de 85% en une seule séance d’environ heure ». L’OMS rappelle que cette technique qui n’a pas été validée et précise qu’elle n’est pas pratiquée par des médecins.
Le CNCT précise également que l’axe du sevrage doit être accompagné d’autres mesures, notamment une fiscalité forte sur les produits du tabac. Dans le cadre des débats actuels relatifs au Projet de loi de finance (PLF) et au Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), l’association rappelle que les hausses des taxes, lorsqu’elles sont répétées et significatives sont l’outil le plus efficace pour réduire la consommation de tabac, notamment auprès des jeunes et des populations précaires, les plus sensibles à l’argument du prix.
Souvent mise en avant comme un outil efficace de sevrage tabagique, la cigarette électronique ne fait pas partie des méthodes reconnues. Dans un avis publié le 4 janvier 2022, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande aux professionnels de santé qui accompagnent les fumeurs dans leur démarche d’arrêt du tabac de ne pas proposer les produits du vapotage comme outil de sevrage[3]. Selon l’HCSP, les bénéfices potentiels et les risques de l’utilisation de cigarettes électroniques « ne sont pas établis à ce jour ».
Les cigarettes électroniques peuvent cependant être envisagées par les professionnels dans une seconde intention auprès de certains publics précaires, sous réserve qu’il n’y ait pas du vapofumage. En effet, la consommation simultanée de produits du tabac et de produits du vapotage n'est pas associée à une diminution des risques pour la santé.
Les politiques de sevrage tabagique à la traîne à l’échelle internationale
Le sevrage tabagique est l'une des principales stratégies proposées l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour lutter contre l'épidémie de tabagisme. Par ailleurs, l'article 14 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l'OMS et ses directives d'application appellent les Parties à « faciliter l'accessibilité et le caractère abordable du traitement de la dépendance tabagique ». Toutefois, le dernier rapport de l'OMS sur l'épidémie mondiale de tabagisme montre que les politiques de sevrage tabagique sont encore parmi les moins appliquées de toutes les mesures de réduction de la demande de la CCLAT, avec seulement 23 pays au total fournissant des services de sevrage tabagique conformes aux meilleures pratiques, la majorité d'entre eux étant des pays à revenu élevé.
L'OMS rappelle également qu'en l'absence de médicaments ou d'aide au sevrage, seuls 4 % environ des tentatives de sevrage tabagique sont couronnées de succès, compte tenu de la nature hautement addictive de la nicotine.
AE
[1] Communiqué, 9e édition du Mois sans tabac : inscriptions ouvertes pour relever le défi d’une vie sans tabac !, Santé Publique France, publié le 8 octobre 2024, consulté le 4 novembre 2024
[2] Communiqué, Mois sans tabac : le CNCT rappelle la nécessité d’avoir une offre de soins suffisante pour les 12 millions de fumeurs, CNCT, publié le 31 octobre 2024, consulté le 4 novembre 2024
[3] Avis du Haut Conseil de la santé publique, relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique, publié le 4 janvier 2022, consulté le 4 novembre 2024
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