L’Irlande, le Royaume-Uni et la France sur le podium de l’échelle de contrôle du tabac en 2021
2 décembre 2022
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 2 décembre 2022
Temps de lecture : 6 minutes
Le classement 2021 des pays européens selon l'échelle des dispositions adoptées par les pays pour lutter contre le tabagisme a été présenté ce vendredi 2 décembre lors du symposium de l’OMS sur le contrôle du tabac à Barcelone. Cette échelle inclut un panel de mesures comme les niveaux de prix, les interdictions de fumer etc. Elle concerne 37 pays européens en 2021 (les 27 pays de l'UE + la Bosnie-et-Herzégovine, l'Islande, Israël, la Norvège, la Russie, la Serbie, la Suisse, l'Ukraine, le Royaume-Uni et la Turquie). L'échelle montre que l'Irlande, le Royaume-Uni et la France sont en tête du classement, tandis que la Serbie, la Suisse et la Bosnie-et-Herzégovine affichent de très mauvais résultats.
L'échelle a été introduite pour la première fois en 2006 par Luk Joossens, expert de la coalition européenne Smoke Free Partnership (SFP), et Martin Raw, directeur du Centre international pour l'arrêt du tabac. Elle est basée sur l’évaluation de six politiques publiques décrites par la Banque mondiale, utilisées pour évaluer le niveau de mise en œuvre des politiques de lutte antitabac dans chaque pays. Les scores peuvent aller jusqu'à 100 points, et ils sont déterminés grâce à une enquête diffusée au niveau national mobilisant des organisations nationales et des instruments de mesure internationaux. Les points sont attribués de la manière suivante : prix du tabac (30 points), lieux publics sans tabac (22 points), interdiction totale de la publicité tabac (13 points), dépenses consacrées aux campagnes d'information du public (10 points), avertissements sanitaires de grande taille (10 points), aide au sevrage (traitement) (10 points), lutte contre le commerce illicite (3 points) et ingérence de l'industrie du tabac (2 points).
L’ingérence de l’industrie du tabac reste le principal obstacle
Seuls neuf pays (Irlande, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Hongrie, Norvège, Finlande, Islande et Roumanie) ont obtenu 60 points ou plus (deux de plus qu’en 2019), onze pays ont obtenu entre 50 et 59 points (Belgique, Espagne, Turquie, Danemark, Israël, Grèce, Malte, Slovénie, Italie, Fédération de Russie, Lituanie).
Les 17 autres pays n'ont pas atteint 50 % du score total possible. Cinq pays (Bosnie-Herzégovine, Suisse, Serbie, Allemagne et Bulgarie) ont des scores très bas, avec moins de 45 points, le score le plus bas étant de 25 points pour la Bosnie.
Les pays en bas de classement restent très perméables à l’ingérence de l’industrie du tabac, qualifiée par les auteurs du classement de principal obstacle à l’introduction de politiques efficaces de lutte antitabac. L’Allemagne en constitue une illustration. En dépit de son engagement et de ses obligations internationales, les politiques en matière de lutte contre le tabagisme demeurent essentiellement influencées par le lobby tabac. Aucune hausse de taxes sur les produits du tabac n’a véritablement été mise en place depuis 15 ans, la réglementation des espaces sans tabac est encore particulièrement lacunaire et le pays est resté l’un des derniers en UE à autoriser la publicité pour les produits du tabac.
La situation est similaire en Suisse, seul pays du classement à ne pas avoir ratifié la Convention-Cadre de l’OMS et qui constitue « le terrain de jeu » des industriels du tabac. Et ce, en dépit d’un référendum en 2022 approuvant des restrictions sur la publicité pour le tabac. Une nouvelle loi devrait entrer en vigueur en 2024, mais elle ne contient toujours pas d'interdiction totale de la publicité pour le tabac.
En Bulgarie, un récent rapport[1] montre comment l’industrie du tabac utilise des tierces parties pour faire passer ses messages vers le public, les prescripteurs médicaux et les décideurs politiques. Plusieurs organisations, financées par la branche locale de Philip Morris, sans en faire état, ont œuvré en faveur du tabac à chauffer et d’une réduction de la fiscalité pour ces produits.
La France perd une place mais reste sur le podium
L'Irlande et le Royaume-Uni sont les pays qui obtiennent le score le plus élevé (82 sur 100 points chacun), suivis de la France qui arrive en troisième position avec 71 points (contre 74 points lors de la précédente édition de 2019. La France occupait alors la deuxième place lors de la précédente édition.
Les résultats montrent des possibilités d’amélioration pour l’ensemble des mesures évaluées en France qui a perdu un point dans trois catégories (fiscalité, investissement dans les campagnes d’information et l’accessibilité aux aides à l’arrêt du tabac). En termes de fiscalité, un paquet de Marlboro coûtait 10,50 € en 2022 (contre 15,40€ en Irlande), mais le prix n'a pratiquement pas bougé au cours de ces deux dernières années. Une nouvelle politique fiscale pour tous les produits du tabac, y compris les produits du tabac chauffés, est en cours de discussion et fortement nécessaire selon les auteurs.
Concernant l’investissement pour les campagnes d’informations, aucun pays n’atteint l’objectif de 2 € par habitant. Seule l’Islande s’en rapproche avec 1,84€ investi par habitant. Les Pays-Bas et la France sont les deux pays qui investissent le plus après l’Islande avec 0,69€ et 0,56€ investis par habitant, respectivement.
Si plusieurs pays ont reçu le maximum de point (13 points) concernant le respect de l’interdiction de la publicité pour les produits du tabac, la France ne se classe que 13e dans cette catégorie avec 11 points car il n’existe aucune interdiction concernant l’étalage du tabac sur les lieux de vente.
Si la France a de bons résultats concernant les lieux sans tabac (18/22), des progrès peuvent être réalisés dans les bars/restaurants et sur le lieu de travail où l’interdiction n’est pas toujours respectée où une part non-négligeable de personnes se déclarent victimes de tabagisme passifs dans ces lieux.
L’ingérence de l’industrie du tabac est également un point de vigilance en France comme l’a souligné récemment le Comité national contre le tabagisme (CNCT) à travers la deuxième édition de ses prix 5.3 « pour des politiques publiques sans tabac et sans lobby »[2]. L’industrie du tabac et ses alliés sont très actifs en France pour freiner ou bloquer la mise en place de mesures antitabac efficaces.
Mots-clés : Tobacco Control Scale, lutte antitabac, Europe, lutte contre le tabagisme, France
©Génération Sans TabacAE
[1] Génération sans tabac, Le rôle des groupes de façade de l’industrie du tabac en Bulgarie, publié le 2 juin 2022, consulté le 1er décembre 2022
[2] Génération sans tabac, Prix 5.3 : Philip Morris France récompensé d’un mégot d’or pour la deuxième année consécutive, publié le 21 novembre 2022, consulté le 1er décembre 2022
Comité national contre le tabagisme |