États-Unis : la FDA valide le principe des cigarettes à teneur réduite en nicotine

27 juin 2022

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 27 juin 2022

Temps de lecture : 6 minutes

États-Unis : la FDA valide le principe des cigarettes à teneur réduite en nicotine

Sous l’impulsion du Président Joe Biden, la Food and Drug Administration (FDA) envisage de réduire le taux de nicotine des cigarettes pour les rendre moins addictives, et espère ainsi diminuer la mortalité associée au tabagisme.

La FDA a annoncé vouloir limiter la teneur maximale de nicotine des cigarettes à un taux non-addictif ou minimisant fortement l’addiction[1]. Elle espère ainsi réduire l’importante mortalité provoquée par le tabagisme, actuellement estimée à 480 000 décès annuels aux Etats-Unis. L’un des objectifs de cette mesure serait notamment d’éviter que des millions de jeunes Etatsuniens ne deviennent fumeurs, et qu’ils cessent ainsi de « remplacer » les millions d’autres fumeurs décimés par le tabac et son industrie. Un autre objectif serait de permettre aux deux tiers des fumeurs qui souhaitent arrêter le tabac de s’extraire plus facilement de leur dépendance.

Un projet attendu depuis dix ans

L’idée de cigarette à teneur réduite en nicotine n’est pas tout à fait nouvelle puisqu’elle est déjà étudiée depuis une dizaine d’année, essais cliniques à l’appui[2], et qu’elle avait un temps été émise au cours de l’année 2017, avant d’être mise en sommeil[3]. La FDA n’a pas fixé de date d’échéance pour la mise en place effective de cette mesure, la procédure de concertation et les prévisibles contestations en justice de l’industrie du tabac pourrait en effet exiger plusieurs années. Certains experts estiment qu’il faudrait environ une année avant que la FDA ne puisse émettre une proposition de réglementation[4], laquelle risque ensuite de devoir affronter un long parcours juridique.

La FDA a par ailleurs déclaré poursuivre son long travail d’homologation des différents types de cigarettes électroniques, qui lui a permis de valider la commercialisation de 6,7 millions de produits et de retirer du marché plus d’un million de produits. Elle menace ainsi de retirer son habilitation à la marque JUUL, l’une des principales marques de cigarettes électroniques aux Etats-Unis[5]. Altria, qui commercialise Marlboro aux Etats-Unis et avait acquis 35 % de JUUL en 2018, affirme avoir déjà restreint par dix sa participation dans cette société, qui a perdu ces dernières années sa place de leader du marché étatsunien des cigarettes électroniques.

Nette satisfaction des acteurs de santé publique

Les associations de santé publique ont unanimement applaudi la décision de la FDA et du Président Biden. En avril dernier, elles avaient critiqué la FDA au moment où celle-ci venait d’autoriser la mise sur le marché des premières cigarettes à teneur réduite en nicotine, commercialisées sous le nom de 22nd Century, au motif que l’introduction d’une seule marque était inutile si un taux réduit de nicotine n’était pas appliqué à toutes les marques de cigarettes. Elles avaient aussi reproché à la FDA d’avoir accordé à 22nd Century la possibilité de mettre en vente des cigarettes au menthol, alors que les arômes menthol venaient d’être interdits dans les cigarettes et les cigares au terme d’une longue et historique bataille juridique[6].

Ces associations réclament à présent la mise en œuvre la plus rapide possible de cette décision, afin de limiter dès que possible l’initiation de nouvelles personnes au tabac fumé. Elles demandent également que tous les produits du tabac et toutes les cigarettes électroniques soient concernés par cette prochaine règlementation, et non exclusivement les cigarettes fumées. Enfin, elles soulignent que la lutte contre le tabagisme ne saurait se résumer à une seule mesure et qu’un ensemble d’actions, incluant notamment l’augmentation des taxes, l’interdiction de tous les arômes, la généralisation des emballages neutres standardisés et l’interdiction de la promotion, y compris en ligne, doit être conduit simultanément pour réduire significativement la prévalence tabagique.

Opposition de l’industrie du tabac

Depuis la mise en vente des premières cigarettes à teneur réduite, l’industrie du tabac ne peut plus argumenter que ce procédé est techniquement impossible. Estimant que la réduction drastique de la teneur en nicotine ne saurait être une solution, les industriels préfèrent mettre en avant leurs procédés de tabac chauffé, plus que tout autre produit de la nicotine. Le tabac chauffé est en effet non seulement beaucoup plus rentable pour l’industrie, mais il permet surtout de délivrer de la nicotine dans une cinétique proche de celle des cigarettes fumées. Le pic nicotinique ainsi obtenu dans un temps court a pour principale fonction de rendre rapidement dépendant les jeunes fumeurs et d’entretenir cette dépendance chez les autres fumeurs. De tels pics nicotiniques sont presque tout aussi rapidement obtenus avec les cigarettes électroniques jetables et certains autres types de cigarettes électroniques, attirant l’inquiétude face à l’expansion soudaine de ces produits.

Un taux réduit de nicotine menacerait surtout le produit qui a fait le succès de l’industrie du tabac et continue de représenter plus de 70 % de ses revenus : la cigarette fumée. L’optimisation progressive de la délivrance de nicotine depuis les années 1960, en particulier par l’ajout d’ammoniaque, de menthol ou de sucres aux cigarettes, avait facilité le passage à la dépendance de très nombreux fumeurs et avait fortement contribué à la diffusion du tabagisme. Les fabricants avaient ensuite tenté de « convaincre le monde que la responsabilité [du tabagisme] repose sur les personnes qui fument, et non sur l’industrie qui fabrique ces produits », comme le mentionne l’organisation Action On Smoking and Health (ASH)[7]. Renoncer au pilier de sa prospérité peut donc sembler inimaginable pour l’industrie du tabac, qui a déjà fait comprendre qu’elle mènerait, une fois de plus, un combat judiciaire acharné contre cette nouvelle mesure. L’intention affichée par certains industriels, comme Philip Morris International (PMI), d’aboutir un jour à « un monde sans fumée » apparaît plus que jamais contradictoire avec leur comportement réel.

Mots-clés : cigarettes à teneur réduite en nicotine, FDA, industrie du tabac

©Génération Sans Tabac

MF


[1] FDA Announces Plans for Proposed Rule to Reduce Addictiveness of Cigarettes and Other Combusted Tobacco Products, FDA, publié le 21 juin 2022, consulté le 23 juin 2022. [2] Apelberg B, Feirman S, Salazar E, Corey C, et al., Potential Public Health Effects of Reducing Nicotine Levels in Cigarettes in the United States, N Engl J Med 2018; 378:1725-1733. [3] FDA’s reduced nicotine plan could be game-changer in tobacco epidemic, Truth Initiative, publié le 22 juin 2022, consulté le 23 juin 2022. [4] White House unveils plans to reduce nicotine in cigarettes, BBC News, publié le 22 juin 2022, consulté le 23 juin 2022. [5] Le Billon V, Tabac : Juul sous la menace d'une interdiction aux Etats-Unis, Les Echos, publié le 22 juin 2022, consulté le 23 juin 2022. [6] Commercialisation des premières cigarettes à taux réduit en nicotine aux Etats-Unis, Génération Sans Tabac, publié le 20 avril 2022, consulté le 23 juin 2022. [7] Groundbreaking tobacco endgame proposal from fda on reducing nicotine in cigarettes, ASH, publié le 22 juin 2022, consulté le 23 juin 2022. Comité national contre le tabagisme |

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