En Nouvelle-Zélande, la ministre de la santé attaque publiquement une fonctionnaire
10 novembre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 7 novembre 2024
Temps de lecture : 4 minutes
En Nouvelle-Zélande, la ministre de la Santé en charge de la lutte contre le tabagisme, Casey Castello, a provoqué un nouveau tollé, en accusant un membre de son ministère de saper les efforts du pays dans sa lutte contre le tabagisme. Selon les médias néo-zélandais, la fonctionnaire aurait simplement émis un avis défavorable à une réduction de la fiscalité pour le tabac à chauffer.
Depuis un an, la lutte contre le tabagisme en Nouvelle-Zélande prend un tour singulier. Alors que le pays s’était engagé à interdire la vente de produits du tabac à toute personne née à partir de 2009, l’arrivée d’un nouveau gouvernement porté par une majorité conservatrice a entraîné l’abandon de la mesure, provoquant l’indignation des acteurs de santé publique. Plus tôt dans l’année, la ministre de la Santé en charge de la lutte contre le tabagisme avait également suscité la colère des ONG de lutte contre le tabagisme, en décidant de réduire drastiquement la fiscalité sur le tabac à chauffer, constituant un cadeau de 200 millions de dollars néo-zélandais pour le seul fabricant Philip Morris (110 millions d’euros environ). La ministre avait notamment invoqué le rôle de ce dispositif dans la réduction des risques et l’aide au sevrage.
Des documents jugés « obsolètes » et « mauvais » pour réglementer le tabac à chauffer
Pour justifier de sa décision, Casey Castello a partagé cinq documents permettant de démontrer que le tabac à chauffer pouvait constituer une alternative pertinente au tabagisme traditionnel. Dans un mail interne, la conseillère en chef en matière d'épidémiologie du ministère de la Santé, Fiona Callaghan, a estimé que preuves fournies par Casey Castello étaient « sélectives », « obsolètes », voire, pour certaines d’entre elles, « mauvaises ». La conseillère a par ailleurs souligné qu’une partie des éléments présentés provenaient de Philip Morris International, et qu’ils entretenaient une confusion entre différents produits du tabac et de la nicotine, de nature pourtant très différente : la cigarette électronique, le tabac à chauffer, et les sachets de nicotine. Plus explicitement, Fiona Callaghan estime dans un mail interne qu’il « il n’existe aucune preuve que le snus ou les produits du tabac à chauffer soient efficaces pour arrêter de fumer ».
La probité d’une fonctionnaire mise en cause par la ministre
La ministre de la Santé en charge de la lutte contre le tabagisme a réagi publiquement à ces commentaires, estimant qu’« une fois de plus, […] les responsables sapent l'approche de réduction des risques du gouvernement visant à réduire la prévalence tabagique », rappelant la nécessité de « maintenir les normes d'intégrité et de neutralité politique du secteur public ». De son côté, Kerry Davies, secrétaire nationale de l'Association de la fonction publique, a estimé qu’une attaque publique d’un fonctionnaire, mandaté pour fournir un conseil « libre et franc » était un comportement inacceptable dans le système démocratique néo-zélandais. Par ailleurs, comme l’a rappelé Chris Hipkins, chef du parti travailliste, aucune preuve indépendante ne permet de démontrer que le tabac à chauffer aiderait le consommateur à se sevrer du tabac classique, ou à réduire ses risques pour la santé.
L’opacité des relations entre la ministre et l’industrie du tabac
En août 2024, les médias néo-zélandais apprenaient grâce à une fuite que Casey Costello avait envoyé au ministère de la Santé un document plaidant pour une réduction de la fiscalité sur le tabac. Ce document était frontalement opposé à la mise en place d’une génération sans tabac, associée selon la ministre à une mesure d’ « Etat-nounou », considérant la nicotine « aussi dangereuse que la caféine ». Si Casey Costello a affirmé ne pas avoir connaissance de l’auteur de la note qu’elle a elle-même partagée, la ministre a accusé un membre du ministère de la Santé d’être à l’origine de cette révélation, également la belle-sœur du chef du parti travailliste pour la santé, Ayesha Verrall. Toutefois, les multiples rebondissements de l’affaire interrogent sur les modalités de la prise de décision de la ministre, s’appuyant sur un corpus scientifique obsolète pour justifier un abattement fiscal de plus de 100 millions d’euros, à la charge du contribuable néo-zélandais et au bénéfice d’un fabricant de tabac.
FT