Canada : Les groupes de santé s’inquiètent du report de l’interdiction fédérale des arômes pour le vapotage
29 janvier 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 28 janvier 2025
Temps de lecture : 5 minutes

Les organisations de santé publique canadiennes expriment leur inquiétude face à l'incertitude croissante qui entoure l'interdiction des arômes pour les produits du vapotage au Canada. Bien que la ministre de la santé mentale et des toxicomanies, Ya'ara Saks, ait assuré à l'automne dernier que de telles restrictions étaient imminentes, des discussions récentes suggèrent le contraire.
Santé Canada évoque l’interdiction des arômes pour les produits du vapotage depuis juin 2021. Le gouvernement fédéral a ensuite passé plus de trois ans à mener des consultations et devait introduire cette réglementation en juin 2024. Depuis, la ministre Saks a organisé de nombreuses réunions avec des représentants de l'industrie de la nicotine et du vapotage selon certaines organisations de santé qui en appellent à sa démission.
Un calendrier parlementaire bousculé par les élections au printemps
Cynthia Callard, directrice exécutive de Physicians for a Smoke-Free Canada, a indiqué qu'après une réunion avec un haut fonctionnaire du cabinet du ministre Saks mi-janvier, il est devenu évident que l'interdiction ne devrait pas se concrétiser cette année. « Nous avons quitté la réunion avec la ferme conviction que l'interdiction des arômes de vapotage n'interviendrait pas cette année », a déclaré Mme Callard[1].
Cette réunion s’est tenue la semaine même où les principaux médecins de santé publique du Canada ont publié une déclaration commune dans laquelle ils réitèrent leur appel au gouvernement fédéral pour qu'il interdise les arômes pour les produits du vapotage, déclarant « qu’ils restent très préoccupés par les taux élevés et de progression continue de consommation de produits du vapotage à la nicotine chez les jeunes Canadiens ».
Les fonctionnaires fédéraux ont invoqué des obstacles logistiques, notamment le calendrier parlementaire limité et la perspective imminente d'une élection au printemps, pour justifier le délai dans la mise en place de l’interdiction. Ce retard a suscité des spéculations sur les calculs politiques en jeu. À l'approche d'une éventuelle élection, les critiques soutiennent que le gouvernement pourrait être réticent à faire avancer des réglementations susceptibles de provoquer des réactions négatives de la part de l'industrie du vapotage.
Une interdiction fédérale nécessaire pour qu’elle soit efficace
Les groupes de santé ont toujours affirmé que les produits de vapotage aromatisés, souvent commercialisés avec des arômes séduisants constituent une porte d'entrée dans la dépendance à la nicotine chez les jeunes. Selon des données récentes de l'Enquête canadienne sur le tabac et la nicotine, près d'un adolescent sur cinq âgé de 15 à 19 ans a déclaré avoir utilisé des e-cigarettes au cours du mois précédent l’enquête, un résultat que les experts en santé associent directement à l'attrait des produits aromatisés.
En l'absence d'action de la part du gouvernement fédéral, plusieurs provinces et territoires ont mis en place leur propre interdiction des arômes : Le Québec, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse. Robert Strang, médecin en chef de la Nouvelle-Écosse spécialiste des questions d’hygiène, a déclaré qu'il n'y avait aucune raison de retarder davantage l'interdiction des arômes à l'échelle nationale. Selon lui, cette dimension fédérale de la mesure est essentielle pour que les réglementations soient appliquées partout. Une interdiction fédérale des saveurs permettrait de mettre fin au marché interprovincial. De nombreux produits venant de l’Ontario, où les saveurs sont autorisées, sont en effet importés librement au Québec.
Au Québec, des enquêtes de terrain ont montré qu’un an après l’entrée en vigueur de la loi visant à interdire la vente de produits de vapotage aromatisés (à l’exception de l’arôme tabac), la réglementation n’est pas du tout appliquée. Les produits aromatisés restent très accessibles dans les lieux de vente et sur Internet, ce que déplorent les associations en santé publique. Certains détaillants québécois ont modifié leur statut pour se déclarer en tant qu’épiceries. Cette transformation leur a permis de vendre des rehausseurs de saveur, conçus pour être ajoutés aux e-liquides au goût tabac.
Un rapport du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) publié fin 2024 avait montré que plus de 90 % des commerces inspectés enfreignaient les lois en vigueur. Outre les détaillants physiques hors-la-loi[2].
©Génération Sans TabacAE
[1] Marina von Stackelberg, Promised Canada-wide ban on vaping flavours increasingly unlikely, health groups warn, CBC News, publié le 26 janvier 2025, consulté le 28 janvier 2025
[2] Génération sans tabac, Québec : l’interdiction des arômes pour le vapotage n’est pas appliquée, publié le 5 novembre 2024, consulté le 28 janvier 2025
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