Au Brésil, l’industrie perd son bras de fer contre la santé publique
2 février 2021
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 2 février 2021
Temps de lecture : 4 minutes
Au Brésil, la vente de tabac aromatisé est désormais définitivement interdite. Lundi 25 janvier 2021, la Cour fédérale régionale brésilienne a en effet réaffirmé le pouvoir réglementaire de l’Agence brésilienne de réglementation de la santé (ANVISA). Conformément à la loi et à la constitution, les arômes et additifs dans le tabac sont donc interdits à la vente[1].
Par son règlement de 2012, l’ANVISA faisait du Brésil le premier pays du monde à interdire l’utilisation d’arômes et d’additifs dans les produits du tabac, y compris le menthol. Toutefois, la mise en œuvre de cette mesure avant-gardiste avait rapidement été contestée par l’industrie du tabac et ses alliés, qui avait alors poursuivi l’agence brésilienne. En février 2018, la plus haute juridiction du pays, la Cour fédérale suprême confirmait déjà une première fois le pouvoir réglementaire de l’ANVISA, et donc l’interdiction des arômes et additifs[2]. Trois ans plus tard, cette seconde approbation par la Cour fédérale régionale brésilienne marque ainsi la fin d’une bataille judiciaire entre l’industrie du tabac et la santé publique, remportée par cette dernière.
Inonder le Brésil de cigarettes aromatisées
Comme le souligne l’ONG Tobacco Free Kids, cette période de latence a été largement mise à profit par les cigarettiers. En effet, Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco (BAT), dans l’attente du verdict, ont saturé le marché brésilien et sud-américain de cigarettes aromatisées. Selon une étude menée par la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, 80% des buralistes à proximité d’écoles vendaient des cigarettes aromatisées avec emballages attrayants au moment de l’enquête[3]. Pourtant, toutes les études démontrent que de telles pratiques encouragent largement l’initiation tabagique des adolescents. Ainsi, on estime aujourd’hui que 80% des fumeurs brésiliens ont commencé à consommer du tabac aromatisé. La part de responsabilité dans la diffusion de l’épidémie industrielle est cependant loin d’être assumée par les cigarettiers. Dans une interview accordée à CNN Brasil Business, Jorge Irriba, président de BAT Brésil, affirme que son entreprise vise à un « meilleur avenir », avant de se féliciter d’une hausse de 10% de la production de tabac en pleine période de pandémie de coronavirus[4].
Les bons résultats du Brésil dans la lutte contre le tabagisme
Partie de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac depuis 2006, le Brésil se distingue depuis plusieurs années par la mise en place de politiques publiques cohérentes de lutte contre le tabagisme, à l’instar de l’interdiction de fumer dans la plupart des lieux publics et des transports publics, ou de l’obligation d’apposition de larges avertissements sanitaires sur les paquets. Surtout, le Brésil, ayant ratifié en mai 2018 le Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, s’est doté depuis d’un système de suivi et de traçabilité des produits du tabac réellement indépendant des cigarettiers. Bien que l’interférence de l’industrie affaiblisse l’efficacité des politiques de santé, le pays observe une nette amélioration de sa situation. Entre 2016 et 2020, la part du commerce illicite dans le marché national a diminué de huit points pour atteindre 34,6%, tandis que le pays connaît son plus faible niveau de fumeurs depuis plus de cinquante ans (13%).
Mots clés : Brésil, menthol, arômes, additifs, ANVISA, ingérence Crédit photo : Jacques Fournier ©Génération Sans Tabac[1] Brazilian Judges Rule against ‘Big Tobacco’ and Uphold the Ban on Flavored Tobacco Products, Tobacco Free Kids, 29 janvier 2021, (consulté le 01/01/2021)
[2] Brazil’s Highest Court Upholds Ban on Flavored Tobacco Products, Tobacco Free Kids, 1er février 2018, (consulté le 01/01/2021)
[3] Technical Report on Flavored Cigarettes at the Point-of-Sale in Latin America, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Tobacco Control, juillet 2017
[4] BAT Brasil (ex-Souza Cruz) cresce em 2020, mas quer mudança para cigarro no país, CNN Brasil Business, 14 janvier 2021, (consulté le 01/02/2021)