Au Québec, l’utilisation de sachets de nicotine par les jeunes inquiète des experts de santé

18 octobre 2025

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 10 octobre 2025

Temps de lecture : 6 minutes

Au Québec, l’utilisation de sachets de nicotine par les jeunes inquiète des experts de santé

Une étude canadienne récente révèle que les sachets de nicotine gagnent rapidement en popularité chez les jeunes, au point d’être presque aussi répandus que la cigarette traditionnelle[1]. Selon le Dr Richard E. Bélanger, pédiatre et professeur à l’Université Laval, ces produits présentent plusieurs caractéristiques favorisant leur adoption : des saveurs attractives, des taux élevés de nicotine et l’absence de combustion, ce qui les rend socialement plus acceptables. Il alerte sur le fait que les gains en santé chez les jeunes obtenus grâce à la réduction du tabagisme dans les années 1990-2000 sont en train de s’effacer.

Un usage répandu et en hausse chez les jeunes

L’étude, menée auprès de près de 14 000 élèves de 11 à 17 ans dans 33 écoles du Québec dans le cadre du projet COMPASS, indique que 13 % des jeunes ont utilisé une cigarette électronique au cours du dernier mois, contre 3 % pour la cigarette traditionnelle de tabac et 2,6 % pour les sachets de nicotine. L’usage des sachets de nicotine augmente significativement avec l’âge : les élèves du secondaire sont trois fois plus susceptibles d’en consommer que ceux des niveaux inférieurs.

Parmi les utilisateurs de sachets, 28 % fument également et 72 % vapotent. Les jeunes déclarent pouvoir en faire usage sans contraintes, ces produits étant faciles à transporter, cacher, consommer et partager, et ne produisant ni fumée ni aérosol. Le Dr Bélanger souligne que, malgré les réglementations en vigueur, ces dernières n’empêchent pas l’accès des jeunes à ces produits : « Même si des règles existent, elles ne semblent pas freiner leur approvisionnement », constate-t-il.

Au Québec, seuls les pharmaciens peuvent vendre des sachets de nicotine depuis 2024, mais plusieurs interrogés par Le Journal dans la région de Québec affirment ne plus en proposer à la vente, en raison de leur usage par les jeunes[2].

« Nous on s’est dit : on les retire tout simplement de nos présentoirs et on ne rentre pas dans la distribution de ce produit-là », raconte Christian Pagé, pharmacien affilié à Familiprix, qui ajoute que ces sachets sont parfois accessibles en vente libre, « sans prescription ». « Comment veux-tu faire ton bon gardien de la population alors que le produit est disponible sans prescription ? », interroge-t-il.

Même position pour un autre pharmacien, resté anonyme et cette fois-ci affilié à Jean Coutu : « C’est sûr qu’il y a une forte demande […] Depuis un an, on a au moins une dizaine de demandes par semaine. ». Ce pharmacien fait part d’un « profond malaise » puisque l’une des marques de sachets de nicotine est commercialisée par le cigarettier Imperial Tobacco. « Ça donne l’impression qu’ils ont trouvé un moyen de contourner, via les pharmaciens, la perte de vitesse de la cigarette auprès des jeunes », dénonce-t-il.

Alors qu’une cigarette classique contient environ 1 mg de nicotine, les sachets homologués vendus en pharmacie en contiennent de 2 à 4 mg. Sur le marché noir, leur concentration peut atteindre jusqu’à 50 mg, selon l’étude. Initialement présentés pour aider les adultes à arrêter de fumer, ces produits pourraient, selon le Dr Bélanger, devenir une porte d’entrée vers d’autres formes de consommation de nicotine plus nocives.

Une méconnaissance persistante des risques, alimentée par la désinformation de l’industrie

L’étude met aussi en évidence un manque d’information sur les risques liés à la nicotine. Près d’un quart des jeunes interrogés (23 %) ignorent que les sachets présentent des risques pour leur santé, et 16 % ne savent pas qu’ils sont addictifs. Pour le chercheur, l’éducation et la prévention demeurent donc essentielles pour limiter leur usage.

Le Dr Bélanger rappelle que ces produits, apparus sur le marché à partir de 2019, font encore l’objet de peu d’études scientifiques, et il appelle à renforcer la réglementation. Certaines recherches récentes commencent toutefois à montrer les effets de ces produits, par exemple leurs effets bucco-dentaires en lien avec la quantité de nicotine absorbée par les gencives, suggérant des impacts potentiels sur la santé à long terme.

La porte-parole de la Coalition québécoise sur le contrôle du tabac, Flory Doucas, explique qu’« On a complètement banalisé la nicotine, notamment sur les réseaux sociaux. On a des influenceurs, par exemple, qui disent que ça leur permet d’être mieux concentrés. »[3].

Vers un renforcement de la réglementation ?

« Les règles ne sont pas assez robustes », dénonce Mme Doucas, qui juge que le processus d’homologation de ces produits par Santé Canada est trop rapide. « C’est considéré comme étant de santé naturelle. Le processus est moins exhaustif que pour d’autres médicaments. ».

La réglementation fédérale, modifiée en août 2024, n’impose pas d’âge légal ou de mécanisme de vérification de l’âge des personnes voulant se procurer de tels sachets en pharmacie.

Ottawa a réagi en expliquant que selon le gouvernement, imposer un âge légal ne serait pas une mesure jugée assez efficace pour empêcher des mineurs de se procurer de tels produits. Le cigarettier Imperial Tobacco estime que 500 millions de sachets de nicotine sont présents sur le marché noir.

Le cabinet du ministre de la Santé du Québec se dit préoccupé par l’attirance des adolescents pour les sachets de nicotine et, dans une déclaration, assure examiner « rapidement la situation liée à la vente de produits de cessation à des enfants dans certaines pharmacies. ».

D’autres pays, comme la France, ont déjà fait le choix d’interdire ces produits, considérés comme une prolongation de l’épidémie de dépendance nicotinique qui frappe notamment la jeunesse.

©Génération Sans Tabac

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[1]Alexis Drapeau-Bordage, L’utilisation de sachets de nicotine par les jeunes inquiète des chercheurs, Le Devoir, publié le 4 octobre 2025, consulté le 6 octobre 2025

[2]Jean-Philippe Guilbault, «Ç’a rattrapé toute la lutte au tabac!»: les sachets de nicotine gagnent en popularité chez les jeunes Québécois, QUB, publié le 30 septembre 2025, consulté le 6 octobre 2025

[3]Jean-Philippe Guilbault, «Les règles ne sont pas assez robustes»: appels à resserrer la réglementation autour des produits contenant de la nicotine, Le Journal de Québec, publié le 1 octobre 2025, consulté le 6 octobre 2025

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