Au Québec, les magasins de vapotage contournent l’interdiction des arômes
14 janvier 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 14 janvier 2024
Temps de lecture : 5 minutes
De nombreux magasins de vapotage québécois ont modifié leur statut pour devenir des épiceries. Ils s’autorisent ainsi à vendre des « réhausseurs de saveur », destinés à être mélangés aux e-liquides au goût tabac, seul arôme aujourd’hui autorisé au Québec. Ces pratiques seraient cependant illégales et devraient entraîner une riposte des pouvoirs publics.
Après cinq autres provinces canadiennes, le Québec a, depuis le 31 octobre 2023, interdit les arômes autres que la saveur tabac pour les cigarettes électroniques. La nouvelle réglementation limite aussi la concentration en nicotine des e-liquides et la contenance des réservoirs et des cartouches (« pods »). Elle oblige également à inscrire certaines informations sur les produits et leurs emballages.
Il n’aura cependant fallu que quelques jours avant que les propriétaires des magasins spécialisés dans le vapotage ne proposent une parade à l’interdiction des arômes, par laquelle ils espèrent pouvoir contourner impunément la nouvelle loi[1].
Des concentrés d’arômes à mélanger au e-liquide
La méthode est à présent éprouvée. Dans un premier temps, le magasin spécialisé dans les produits de vapotage change de statut, pour devenir une épicerie (« dépanneur » ou « magasin général »). Ce changement l’autorise à vendre toutes sortes de produits, notamment des confiseries et des boissons sucrées. Il lui permet surtout de dégivrer sa vitrine et d’accueillir des mineurs, ce qui n’était pas possible en tant que magasin spécialisé. Il ne peut en revanche plus disposer d’étals pour leurs produits de vapotage, qui doivent à présent être protégés des regards.
Cette transformation du commerce s’accompagne de la vente de produits présentés comme des « réhausseurs de saveur » (« flavor shots » ou « drop shots »). Classés comme produits alimentaires et censés être utilisés pour des cocktails ou des recettes de cuisine, ces concentrés d’arômes sont en fait conçus pour être mélangés à un e-liquide. Les saveurs proposées sont celles de desserts, de confiseries ou de boissons sucrées ou énergisantes, soit exactement celles qui sont visées par la nouvelle interdiction. En vitrine comme dans le magasin, ces produits sont placés à côté de confiseries et de boissons sucrées, comme s’ils s’adressaient directement aux plus jeunes. Les arômes sucrés et fruités constituent en effet un facteur d’attrait majeur des adolescents et des jeunes vers les produits de vapotage.
Une pratique de contournement qui irrite les autorités
La rapide diffusion de ces produits destinés à contourner la réglementation a semé la consternation chez les autorités sanitaires et les acteurs de santé. Selon le cabinet du ministre de la Santé, « La loi est claire : il n’est plus permis de vendre tout produit destiné à être fumé ou à être vapoté contenant une saveur autre que celle du tabac. On va s’assurer que les inspecteurs du ministère analysent ces situations soulevées et procéder à des visites au besoin pour que la loi soit respectée »[2]. Pourtant habituée aux réactions des industriels face aux restrictions réglementaires, Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), estime de son côté que « de voir autant de commerçants aller à l’encontre de l’esprit de la loi, dans une telle ampleur, ça nous surprend. »
Cette pratique de contournement met cependant les détaillants dans un certain embarras. Ils ne peuvent par exemple pas conseiller ouvertement de mélanger ces produits aux e-liquides et ne procèdent que par allusion soulignant qu’ils ont probablement bien conscience d’effectuer une action frauduleuse. D’autre part, le dosage de ces concentrés d’arômes n’étant pas établi, les vendeurs peinent à émettre des recommandations d’utilisation appropriées à leurs clients. La composition de ces produits n’est pas non plus contrôlée et pourrait inclure des produits cancérigènes en inhalation, comme le diacétyle[3].
Le contournement de la réglementation sur les arômes a déjà pu être observé avec les produits du tabac. En Europe, l’interdiction des arômes menthol avait ainsi été suivie de l’apparition de plusieurs produits visant à la contourner : capsules de menthol logées dans le filtre des cigarettes, carte mentholée s’insérant dans le paquet de cigarettes, ou encore billes aromatiques à insérer dans le filtre. Nombre de ces modes de contournement sont cependant restés assez marginaux, et n’ont pas rencontré le succès escompté, voire se sont révélées des échecs, comme dans le cas des cartes mentholés. Ils ne compensent que très partiellement les pertes de vente. Ils illustrent cependant cette pratique de contournement des textes interdisant les arômes dans les produits du tabac et du vapotage.
Mots-clés : Québec, interdiction des arômes, réhausseur de saveur, contournement, vapotage, Canada
©Génération Sans TabacMF
[1] Québec : les vape-shops se transforment pour contourner le flavor ban, One Shot Media, publié le le 5 janvier 2023, consulté le 11 janvier 2023.
[2] Morrissette-Beaulieu F, Des boutiques de vapotage se transforment pour vendre des arômes, Radio-Canada, mis à jour le 23 novembre 2023, consulté le 11 janvier 2023.
[3] Blais-Poulin C-E, Une nouvelle course aux parfums, La Presse, publié le 5 janvier 2023, consulté le 11 janvier 2023.
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