Addictions France appelle à faire renforcer les contrôles et les sanctions pour vente d’alcool aux mineurs

22 juillet 2025

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 22 juillet 2025

Temps de lecture : 7 minutes

Addictions France appelle à faire renforcer les contrôles et les sanctions pour vente d’alcool aux mineurs

Dans le cadre d’achats tests effectuées entre 2021 et 2025 dans de grands commerces (E. Leclerc, Lidl, Carrefour…) mais aussi dans de petites épiceries, bars et restaurants, Addictions France a mis en lumière le fait que 86 % des magasins testés vendaient de l’alcool à des mineurs, avec un taux de vente montant à 97 % pour les bars et cafés. 75 % de ces établissements continuent malgré une procédure judiciaire en cours, et seulement 9 % demandent la carte d’identité. Cette situation s’explique par l’absence de responsabilisation des vendeurs, une carence en matière de contrôles, de leur coordination et de sanctions. Lors d’une conférence début juillet 2025, Addictions France a proposé plusieurs pistes d’action s’inspirant notamment des recommandations déjà portées pour réduire la vente de produits du tabac aux mineurs avec davantage de contrôles aléatoires et d’achats tests, un régime de sanctions plus fortes et graduelles à la fois judiciaires mais également administratives[1].

L’alcool est largement vendu aux mineurs en dépit d’une opinion publique qui y est largement opposée

Le rapport souligne que malgré l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs, celle-ci est fréquemment violée, avec des ventes constatées lors d'achats tests menés par Addictions France. Il apparaît que les jeunes de moins de 18 ans ne rencontrent pas de difficultés à acheter de l’alcool dans différents points de vente, que ce soit en magasins ou dans les établissements tels que les bars ou les restaurants, des résultats encore plus alarmants que ceux, déjà préoccupants, constatés en matière de vente illicite de produits du tabac aux mineurs par les buralistes.

En particulier, lors des achats tests effectués en avril-mai 2025, 91 % des 55 établissements où de la vente d’alcool à des mineurs avait été constatée, ont continué lors de nouvelles visites à vendre aux mineurs.

La vente d’alcool à un mineur constitue pourtant un délit et est passible d’une amende de 7 500 euros. Dans le cas d’une récidive (dans les 5 ans), l’amende peut être portée à 15 000 € et accompagnée d'une peine d'un an d'emprisonnement. Des peines complémentaires sont possibles comme l'interdiction temporaire d'exercer une licence. Cependant, ces sanctions ne sont guères appliquées en raison de contrôles rares et de condamnations limitées.

Pourtant, le rapport rappelle que 92 % des Français estiment inacceptable la vente d’alcool aux mineurs, et 94 % des parents d’adolescents partagent cette opinion.

Freins et insuffisances du dispositif actuel

L’association identifie plusieurs freins. En premier lieu, elle pointe l’absence de formation et de consignes claires données par les responsables des différents responsables d’établissements aux vendeurs, en matière de contrôle de l’âge et de refus de vente. Ainsi, seuls 5 établissements avaient accepté de former leur personnel lors d’un module de sensibilisation proposé gratuitement par Addictions France.

En outre, à l’instar de ce que le CNCT souligne dans le domaine de la vente des produits du tabac ou du vapotage aux mineurs, les contrôles sont insuffisants, souvent ponctuels et non récurrents. Addictions France évoque également un manque de coordination entre services de police, parquets et acteurs de la prévention dans ce domaine.

Par ailleurs, les sanctions financières s’avèrent peu dissuasives, surtout pour les grands établissements et ce, d’autant plus que les procédures judiciaires sont particulièrement longues.

Les recommandations et axes d’amélioration d’Addictions France

D’abord, d’instaurer un système de contrôles réguliers, aléatoires et institutionnalisés, sur la base des visites de testings.

Le dispositif du testing, consistant à contrôler l’interdiction effective de vente avec un mineur dans une démarche d’achat, est celui retenu à l’échelle internationale pour évaluer l’effectivité de la mesure. Fortement décrié par les vendeurs, sa pertinence a été reconnue par les tribunaux à plusieurs reprises dans le cadre du contentieux relatif à l’interdiction de vente des produits du tabac aux mineurs.

Dans son rapport, Addictions France met en avant les modalités de contrôles mises en place en Suisse, avec un monitoring partagé entre associations, forces de l’ordre et autorités locales. Ainsi, en Suisse, la vérification de la pièce d’identité s’effectuait dans 65 % des cas en 2023 contre 54 % en 2014, montrant une évolution positive sous l’effet des contrôles réguliers. Cela a permis de diminuer la vente illégale d’alcool aux mineurs, celle-ci passant de 33,7 % en 2014 à 27,3 % en 2023, avec une forte augmentation des contrôles depuis 2009. Une mesure qui semblait cruciale dans un pays où, selon Addiction Suisse, 8,6 % des 15 ans et plus boivent de l'alcool quotidiennement.

D’une manière générale, l’expérience en matière d’application de l’interdiction de vente aux mineurs pour les produits du tabac a depuis longtemps établi que la mesure est tout à fait applicable et est appliquée dans de très fortes proportions dans de nombreux pays[2].

Par ailleurs, le fait de développer des opérations d’achats tests permet de communiquer sur la mesure et de rappeler ses enjeux en termes de prévention et les responsabilités qui incombent aux vendeurs.

Ces derniers ne sauraient être exonérés de l’obligation de résultat de refus de vente au motif qu’ils ont installé une machine contrôlant l’âge du client. Cette analyse rejoint également les recommandations de la CNIL, cette dernière venant de trancher défavorablement contre l’usage de caméras à reconnaissance faciale chez les buralistes, au nom de la protection des lois RGPD et des libertés individuelles.

Ensuite, il est recommandé de mettre en place un régime de sanctions gradué basé sur un pourcentage du chiffre d'affaires à l’image des pratiques en fiscalité, ce qui rendrait les sanctions plus dissuasives, notamment pour les grandes surfaces. Par exemple, pour un chiffre d'affaires annuel inférieur à 100 000 €, l’amende serait élevée à 2 % du chiffre d'affaires annuel moyen. Pour un chiffre d'affaires annuel compris entre 100 000 € et 500 000 €, à 5 % du chiffre d'affaires annuel moyen. Et pour un chiffre d'affaires annuel au-delà de 500 000 €, à 10 % du chiffre d'affaires annuel moyen.

De même, le recours aux sanctions administratives serait très important, avec une gradation claire : au premier manquement, un avertissement formel. Si récidive, une fermeture administrative temporaire (de quelques jours à plusieurs semaines, ne pouvant excéder 2 mois). Et en cas de nouvelle récidive, une suspension ou un retrait définitif de la licence prononcée par le préfet ou le maire.

À cet égard, les enseignements de la littérature internationale soulignaient également l’importance d’appliquer des sanctions dissuasives.

Enfin, la définition d’une politique pénale claire sur ces sujets pourrait contribuer à accélérer les procédures judiciaires, réduire les délais de convocations et renforcer le poids des sanctions.

Les enjeux de l’application des interdits protecteurs que sont l’interdiction de vente aux mineurs de l’alcool et également de produits du tabac et du vapotage se rattachent à des enjeux de santé publique majeurs.

En matière d’alcool, Addictions France rappelle que 80,6 % des adolescents de 17 ans ont déjà bu de l’alcool et 7,2 % ont connu au moins 10 alcoolisations ponctuelles importantes dans le mois précédant l’enquête, impactant leur santé à long terme et nécessitant une action renforcée[3].

©Génération Sans Tabac

AD


[1]Association Addictions France, L’alcool en accès libre pour les ados – Quels leviers pour agir ?, publié en juin 2025, consulté le 15 juillet 2025

[2] Elharrar X., Béguinot E., Gallopel-Morvan K., Ben Lakhdar C., Martinet Y., Pour qu’acheter du tabac ne soit plus un jeu d’enfant !, La Revue du Praticien, publié le 17 février 2020, consulté le 17 juillet 2025

[3]Spilka S. et al., Les drogues à 17 ans, analyses régionales, Enquête ESCAPAD 2022, OFDT, publié en février 2024, consulté le 17 juillet 2025

Comité national contre le tabagisme |

Ces actualités peuvent aussi vous intéresser