57 ONG appellent à réduire le tabagisme et la culture du tabac en Tanzanie

Un appel lancé au président tanzanien par une coalition d’organisations non gouvernementales (ONG) pointe les nombreux coûts sanitaires, sociaux et environnementaux de l’usage et de la culture du tabac en Tanzanie. Il recommande plusieurs mesures fortes pour que le pays se distancie du tabac et de son système économique.

Bien qu’ayant ratifié dès 2007 la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), la Tanzanie est le seul pays d’Afrique de l’Est à ne pas avoir, depuis, mis en œuvre de programme antitabac. Pour rattraper ce retard, une coalition internationale d’organisations de santé, environnementales et des droits sociaux et humains a interpelé le président tanzanien dans une lettre ouverte.

Les multiples coûts de l’usage et de la culture du tabac en Tanzanie

Cette lettre ouverte dresse d’abord un tableau de la situation économique, sanitaire, environnementale et sociale de la culture et de l’usage du tabac en Tanzanie[1].

Avec 17 200 décès annuels dans ce pays, le coût sanitaire du tabac s’avère exorbitant pour les finances publiques. 32 % des cas de cancer étant attribués au tabagisme en Tanzanie, les coûts des seuls cancers attribués au tabac sont estimés à 40 millions de dollars US (37,2 millions d’euros). Les coûts des maladies cardiovasculaires liées au tabac sont quant à eux estimés à 140 millions de dollars US (130 millions d’euros). Des sommes qui ne prennent pas en compte le coût humain des décès et des invalidités attribuables au tabac, et qui relativisent les 50 millions de dollars US (46,5 millions d’euros) de taxes perçues sur les produits du tabac.

La culture du tabac, très développée en Tanzanie, est un des autres points noirs. Le poids environnemental de cette culture sur les sols, les forêts, la biodiversité, les pluies et les ressources en eau est particulièrement souligné. Les enfants constituant environ 45 % de sa main d’œuvre, la culture de tabac représente également une violation du Law of the Child Act de 2009. Cette culture est par ailleurs néfaste en ce qu’elle expose ses travailleurs à des doses excessives de nicotine – l’équivalent de 50 cigarettes/jour – et à la « maladie du tabac vert ». Elle expose aussi leur famille aux substances toxiques (phytosanitaires et nicotine) que ces travailleurs colportent sur leur corps, leurs vêtements et leurs chaussures.

Recommandations d’appliquer plusieurs mesures concrètes

Plusieurs mesures concrètes sont suggérées par cette coalition d’ONG pour mettre fin à cette situation :

• Soumettre au Parlement une loi de mise en conformité avec la CCLAT, qui aurait dû être mise en œuvre depuis 2017.
• Interdire la chicha et tous les nouveaux produits du tabac et de la nicotine. L’interdiction de la chicha, pourtant annoncée par les autorités tanzaniennes en 2016[2], n’est toujours pas effective. Le gouvernement ayant renouvelé une intention similaire pour Zanzibar en juin 2023[3], les ONG le pressent de rendre cette interdiction effective au plus tôt dans l’ensemble du pays.
• Aider les petits agriculteurs du tabac à se tourner vers d’autres types de culture de substitution économiquement viables, en accord avec les articles 17 et 18 de la CCLAT.
• Elever les taxes sur le tabac à 75 % du prix de vente, comme le préconise l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), au lieu des 30 % actuels, l’un des taux les plus bas en Afrique.

La coalition d’ONG insiste par ailleurs sur la nécessité pour la Tanzanie de mettre fin aux influences provenant de l’industrie du tabac afin de respecter l’article 5.3 de la CCLAT, qui protège les politiques publiques des interférences de l’industrie du tabac. Classée 14^ème pays le plus soumis aux interférences de l’industrie du tabac, selon le Global Tobacco Industry Interference Index 2021, la Tanzanie aurait notamment fait l’objet de pressions pour différer la mise en place d’une politique antitabac et pour maintenir une faible taxation des produits du tabac[4].

Mots-clés : Tanzanie, ONG, CCLAT, culture du tabac, chicha

MF