L’importance des plans cancer dans la lutte contre le tabagisme en France

Le président Emmanuel Macron a annoncé le 4 février 2021 une nouvelle stratégie de lutte contre le cancer en France avec le lancement du 4ème « plan cancer ». Le tabac est au cœur de cette nouvelle stratégie dont l’un des objectifs est de parvenir à une génération sans tabac en 2030.  La publication du 4e plan cancer en France intervient alors l’Union Européenne s’engage également dans une telle stratégie de plan de lutte contre le cancer. Les deux plans présentent des similitudes avec un accent sur l’amélioration de la prévention du tabagisme. Ainsi les outils réglementaires au niveau de l’UE seront  renforcés pour atteindre l’objectif d’une Europe sans tabac d’ici 2040[1].

A travers le 4ème plan cancer (2021 – 2030)[2], la France vise à réduire de 40% les cas évitables au cours des 20 prochaines années. Actuellement, près de quatre millions de personnes vivent avec un cancer. Les chiffres annuels de 2018 montrent que 382 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués et 157 000 personnes en sont décédées. Le gouvernement français consacrera 1,7 milliard d’euros à la cause au cours des cinq prochaines années, soit une augmentation de 20% par rapport à la précédente période. Une stratégie associée à des objectifs ambitieux : réduire, en 10 ans, le nombre de nouveaux cancers évitables de 150 000 par an à moins de 100 000 et réduire la mortalité des sept cancers les plus mortels. Près de la moitié de ces cancers évitables – 70 000 – sont actuellement dus aux produits du tabac. Afin de réduire ce chiffre, Macron entend agir sur l’augmentation du prix du tabac, l’extension des espaces sans tabac, les campagnes d’information sur la toxicité du tabac, et un meilleur accompagnement de ceux qui arrêtent de fumer[3].

Le précédent plan cancer – prolongé d’une année en 2020 en raison de la crise sanitaire – a déjà eu un effet significatif sur les cancers liés au tabagisme en France. Les mesures mises en œuvre pendant cette période du 3ème plan cancer ont notamment été l’introduction du paquet neutre avec de plus larges avertissements sanitaires graphiques en 2016, le renforcement des interdictions de publicités pour ces produits, la prise en charge du traitement de la dépendance tabagique et la hausse progressive du prix du paquet de cigarettes pour atteindre 10 euros en novembre 2020. Mais si le nombre de fumeurs en France et l’incidence des cancers liés au tabagisme ont baissé, 1 cas de cancer sur 5 est toujours causé par le tabagisme chaque année.

Les plans cancer : pierres angulaires de la lutte antitabac en France

Le tabagisme reste l’une des principales causes de la maladie et de mortalité prématurée en France avec 75 000 décès annuels dont 45 000 par cancer. Depuis 2002 et « la guerre au tabac » déclarée par le Président de la République Jacques Chirac conduisant à l’adoption du premier Plan Cancer I (2003-2007) et à la création de l’Institut national du Cancer en 2004, la lutte contre le tabagisme s’est dans une large mesure structurée autour de ces plans. Le premier plan cancer a démontré l’efficacité des politiques fiscales soutenues pour inciter les fumeurs à l’arrêt et dissuader les jeunes de commencer. Entre 2002 et 2004, le prix du tabac a augmenté d’environ 40%, pour une baisse des ventes de cigarettes d’environ 25%[4]. En 2003 a également été adoptée la première législation d’interdiction de vente de produits du tabac aux mineurs, alors limitée aux moins de 16 ans. Le pays a également ratifié en 2004 le traité international de la Convention Cadre pour la Lutte Antitabac de l’OMS. Fondé sur les données probantes et les preuves scientifiques, ce traité a notamment permis de clore définitivement un pseudo débat relatif à la toxicité de l’exposition au tabagisme passif. Ainsi dans le prolongement plusieurs pays dont la France ont révisé leur texte en vigueur pour mieux protéger à l’égard de ce risque. C’est ainsi qu’a été promulgué le décret Bertrand de 2006 qui a renforcé les modalités d’application de l’interdiction de fumer dans l’ensemble des lieux à usage collectif intérieurs : lieux publics, lieux de travail, d’enseignement, transport. Les premières mesures de remboursement, encore partiel, des traitements de la dépendance tabagiques furent également prises lors de cette période[5].  La mise en place du premier plan cancer en 2003 a permis de faire reculer la consommation de tabac (30% de la population de + de 15 ans en 2000 à 27% en 2005.

L’échec de la lutte contre le tabagisme lors du deuxième plan cancer Plan Cancer II (2009-2013) avec une reprise de la consommation et de la prévalence est sans doute pour partie liée à l’absence de prise en compte de ce facteur de risque prioritaire qu’est le tabac dans le plan. Quelques mesures furent prises comme l’allongement à 18 ans de l’interdiction de vente des produits du tabac aux mineurs, ou encore l’apposition de nouveaux avertissements sanitaires, sous forme graphique arrêté du 15 avril 2010, sur les conditionnements de produits du tabac, ainsi qu’une première règlementation des arômes dans les cigarettes. Cependant comme le souligne l’évaluation par la Cour des Comptes en 2012 des politiques de lutte contre le tabagisme pendant cette période, aucune coordination, stratégie et vision d’ensemble ne prévalait en matière de lutte contre le tabagisme et les mesures essentielles comme les hausses de taxes pour réduire la consommation étaient inexistantes. Les résultats ont été immédiats : le taux d’adultes fumant quotidiennement est passé de 27,3% à 29,1% entre 2005 et 2010[6][7].

Un troisième plan cancer (2014-2019) fut lancé le 4 février 2014. L’objectif 10 de ce plan individualise pour la première fois une stratégie à définir en matière de lutte contre le tabagisme dans le plan et prévoit ainsi la mise en place du Programme National de réduction du Tabagisme  (PNRT). Ce dernier définit des objectifs dont une baisse de 10% du nombre de fumeurs en 5 ans. Le PNRT a permis la mise en place d’une gouvernance nationale et régionale, la rénovation du cadre juridique sur le tabac et la mise en œuvre d’actions emblématiques (paquet neutre, avertissements sanitaires agrandis, droit de prescription des traitements de substitution nicotinique élargi, Moi(s) sans tabac ou encore la création du fonds de prévention du tabagisme).

Des résultats encourageants et la nécessité de poursuivre les efforts

Après plusieurs années de stabilité, la prévalence du tabagisme a fortement diminué : un million de fumeurs en moins entre 2016 et 2017 et une nouvelle baisse de 600 000 fumeurs entre 2017 et 2018[8]. La prévalence du tabagisme quotidien est, en 2018, de 25,4% soit une baisse de 4 points en deux ans. La hausse des prix d’un euro en mars 2018 dans la perspective d’un paquet à 10 euros d’ici 2020 a marqué l’engagement du gouvernement pour réduire massivement la consommation de tabac et a porté ses fruits. En 2020, les nouveaux chiffres du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH)[9] ont souligné l’efficacité des politiques antitabac : une diminution du taux de tabagisme de 1,4 points par rapport à l’année précédente : 30,4% de fumeurs, 24,0% de fumeurs quotidiens. Cette prévalence en baisse demeure cependant extrêmement élevée en particulier en comparaison avec d’autres pays au même stade de développement de l’épidémie tabagique. De plus, il existe de fortes disparités selon les catégories sociales. Enfin, même si cette baisse s’est poursuivie, son intensité a sensiblement diminué en 2020. La réaffirmation de l’objectif d’une génération sans tabac par le président de la République en lien avec le lancement du 4ème plan cancer semble s’inscrire dans cette perspective de maintenir une politique forte pour parvenir aux objectifs fixés.

Mots-clés : Génération Sans Tabac, Macron, Plans Cancer, Lutte antitabac, France, Jeunes, 2030

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[1] Génération Sans Tabac, Plan cancer européen : La Commission pour une Europe sans tabac d’ici 2040, 4 février 2021, consulté le 5 février 2021

[2] Décret no 2021-119 du 4 février 2021 portant définition de la stratégie décennale de lutte contre le cancer prévue à l’article L. 1415-2 1o A du code de la santé publique

[3] Plan cancer : Macron vise une « génération sans tabac » en 2030, Le Point, 4 février 2021, consulté le 5 février 2021

[4] Santé Publique France, Quelles sont les dispositions de lutte contre le tabagisme en France ? 20 mai 2019, consulté le 5 février 2021

[5] Aurélie Lermenier-Jeannet, Le tabac en France : un bilan des années 2004-2014, Tendances n° 92, OFDT, 6 p. Mai 2014

[6] La hausse des prix du tabac fait baisser les ventes de cigarette, l’Express, 27 avril 2012, consulté le 5 février 2021

[7] GUIGNARD Romain, Beck François, Richard Jean-Baptiste, Peretti-watel Patrick, Le tabagisme en France – Analyse de l’enquête Baromètre santé 2010, 2014, 56p

[8] Bourdillon F. Éditorial. 1,6 million de fumeurs en moins en deux ans, des résultats inédits. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(15):270-1. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/15/2019_14_0.html

[9] Marques C, Quatremère G, Guignard R, Andler R, Pasquereau A, Nguyen-Thanh V. Focus. Les fumeurs français : qui sont-ils ? Résultats du Baromètre de Santé publique France 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(14):291-4. http://beh.santepublique france.fr/beh/2020/14/2020_14_3.html

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 9 avril 2021