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Interdiction de la publicité pour le tabac : quelles conséquences pour la Suisse ?

Le 13 février en Suisse, une initiative populaire, intitulée « Enfants sans tabac » sera soumise en votation, afin d’interdire « toute forme de publicité qui atteint les enfants et les jeunes ». Si la mesure rencontre un vif soutien de la part des acteurs de santé et de santé publique en Suisse, elle suscite toutefois l’hostilité de l’industrie du tabac et d’une partie des décideurs politiques associés aux milieux économiques. Dans un article publié fin janvier, l’Agefi s’intéresse au poids des cigarettiers dans l’économie suisse, ainsi qu’aux conséquences économiques supposées si une telle réglementation venait à être mise en place.

En Suisse, l’initiative populaire fédérale donne la possibilité aux citoyens de proposer une modification de la constitution fédérale. Une fois déposée, les personnes à l’origine de l’initiative populaire ont un délai de 18 mois pour obtenir la signature manuscrite de 100 000 personnes disposant du droit de vote. Si le projet réussit, l’initiative est soumise en votation par l’ensemble du peuple suisse.

L’initiative populaire « Enfants sans tabac » étant jugée par une partie des décideurs politiques comme allant « trop loin », le gouvernement et le Parlement fédéral opposent à cette proposition un contre-projet plus permissif, en autorisant aux fabricants de faire de la publicité sur Internet, sur les réseaux sociaux, dans les journaux, sur les lieux de vente, ainsi que dans les festivals.

Le poids relatif de l’industrie du tabac en Suisse

Pour chercher à faire pression contre l’initiative populaire, l’industrie du tabac fait valoir son poids considérable dans l’économie suisse. Comme le souligne une étude produite par le cabinet d’audit et de conseil KPMG sur mandat de Philip Morris International, l’activité de l’industrie du tabac en Suisse représenterait 11 500 emplois directs et indirects. Pourtant, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), la culture, la production et la distribution de tabac comptabiliseraient 4 271 emplois en Suisse, soit bien moins de 0,1% de la population active helvète[1].

La restriction sur la publicité pourrait être bénéfique pour l’économie

Dans une communication au journal, Philip Morris Suisse a par ailleurs averti : « Si l’initiative était acceptée, ce ne serait vraisemblablement pas sans conséquences sur l’emploi ». Les opposants à l’initiative populaire soulignent notamment que le cadre réglementaire particulièrement favorable de la Suisse participe à son attractivité et à son dynamisme, et qu’à ce titre, la mesure de santé publique pourrait fragiliser l’attractivité du pays pour les cigarettiers. En réalité, comme le mentionne l’association OxySuisse[2], un quart seulement des cigarettes fabriquées en Suisse sont destinées au marché local, tandis que la majeure partie des employés du secteur tabac du pays se consacre aux opérations internationales. L’interdiction de publicité en direction des jeunes pourrait se traduire par une diminution progressive de 7% de la consommation de tabac en Suisse, ce qui pourrait menacer au plus 200 postes dans le secteur. Toutefois, en libérant du pouvoir d’achat, cette mesure pourrait favoriser, par effet de transfert, la création de 3 000 postes supplémentaires en Suisse.

Le fardeau fiscal du tabagisme en Suisse

De la même manière, l’industrie du tabac cherche à faire valoir l’importance de son activité en matière de rentrées fiscales. Ainsi, pour Patrick Eperon, délégué politique du Centre patronal, « PMI est le plus gros contributeur fiscal de Neuchatêl ». Toutefois, si KPMG évaluait à 2,45 milliards de francs suisse les recettes fiscales attribuables au secteur tabac en 2016, l’Institut d’économie de la santé de Winterthour a estimé que, la même année, le seul coût sanitaire du tabagisme en Suisse s’élevait à trois milliards de francs, auxquels  il faut ajouter deux milliards de francs supplémentaires en raison des arrêts maladies et des pertes de productivité. Par ailleurs, ce calcul n’intègre pas les coûts environnementaux liés à l’industrie du tabac (pollution des eaux, ramassage des mégots, etc.).

La « pente savonneuse », une ritournelle des fabricants pour bloquer les réglementations

Pour Damien Cottier, conseiller national du Parti libéral-radical, « les médias, les festivals, les kiosques et les stations-services seront impactés ». Avec 9,7 millions de francs d’investissement par an, l’industrie du tabac représenterait 0,2% des dépenses publicitaires du pays. Par ailleurs, selon le journal, des organisations de communication et marketing redouteraient une ouverture à d’autres interdictions comme celles de la saucisse, du sucre ou de l’alcool.

La mobilisation de l’argument de la « pente savonneuse », ou de « l’effet domino », consistant à avancer que la mise en en place d’une restriction sur le tabac va ouvrir la voie à une succession de réglementations similaires sur d’autres produits est un phénomène récurrent. En matière de publicité en particulier, rien dans les faits ne permet de valider cette affirmation. En outre, un grand nombre de pays européens ont déjà mis en place une interdiction totale de publicité en faveur du tabac, sans avoir à déplorer de conséquences économiques négatives particulières.

 

Mots clés : Suisse, Agefi, Publicité

Crédit photo : © VINCENT ISORE IP3 PRESS/MAXPPP

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Agefi, Industrie du tabac : ce que disent les chiffres, 26-27/01/2022, (consulté le 31/01/1994)

[2] Le président de l’association OxySuisse est Pascal Diethelm, également vice-président du Comité national contre le tabagisme, porteur de la plateforme Génération sans tabac.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 1 février 2022