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Le vaccin Covifenz écarté par l’OMS pour son affiliation à l’industrie du tabac

Conçu à base de plants de tabac par un laboratoire québécois, le vaccin Covifenz était déjà adopté par le gouvernement canadien. La réticence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vis-à-vis des financements de Philip Morris International (PMI) pour ce vaccin risque toutefois de compromettre son avenir.

En octobre 2020, le laboratoire biopharmaceutique Medicago concluait avec le Canada un contrat prévoyant l’achat de 20 millions de doses de son premier vaccin à base de plantes, et une option sur 56 millions de doses. Les liens étroits qui unissent Medicago et PMI dans la production de ce nouveau vaccin ont cependant été dénoncés par l’OMS, qui a annoncé dans un document daté du 2 mars 2022 que ce vaccin ne serait pas accepté dans la liste des traitements agréés par le programme COVID-19 Vaccines Global Access (COVAX).

Un vaccin produit par Philip Morris et Mistubishi

Le vaccin soumis par Medicago à l’approbation de l’OMS a été conçu à partir de Nicotiana Benthamiana, une plante de la famille du tabac[1] à laquelle a été ajouté un adjuvant produit par GlaxoSmithKline (GSK), partenaire dans le développement de ce vaccin. Le vaccin Covifenz, qui en est issu, devrait pourtant être le premier vaccin produit en Occident à ne pas être approuvé par l’OMS, du fait des liens unissant Medicago à PMI. Le laboratoire Medicago est en effet détenu conjointement par Mitsubishi Tanabe Pharma Corporation (MTPC, 79%) et par PMI (21%)[2].

Le gouvernement canadien a non seulement pré-acheté une grande quantité de ce vaccin, mais a aussi investi 173 millions de dollars canadiens (environ 131 millions de dollars US) dans ce qui devait être le renouveau de la bioindustrie canadienne. Le Canada est cependant également Partie à la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), un traité de santé international qui empêche formellement d’entretenir toute relation commerciale avec les industriels du tabac.

C’est en effet en référence à la CCLAT que l’OMS a écarté le vaccin Covinfenz. « L’OMS et l’ONU ont une politique très stricte vis-à-vis des liens avec les industries du tabac et de l’armement, il est donc peu probable qu’il soit accepté dans la liste des traitements d’urgence », a déclaré le 16 mars Mariangela Simao, directrice-générale adjointe de l’OMS. Les organisations de lutte contre le tabagisme avaient alerté l’OMS sur ce sujet. « Ce n’est pas le moment le plus glorieux du Canada en matière de santé publique », a commenté Les Hagen, directrice du groupe canadien Action on Smoking and Health in Edmonton (ASH-Edmonton), « c’est incontestablement une violation de l’esprit de la Convention ». Health Canada estime qu’au contraire, la CCLAT n’empêcherait pas de travailler sur le développement d’un vaccin.

Le secteur pharmaceutique investi par les industriels du tabac

Les industriels du tabac ont fortement investi dans le secteur pharmaceutique ces dernières années. Via sa holding Philip Morris Investments BV (PMIBV), PMI a racheté en 2021 les laboratoires Fertin Pharma, OtiTopic et Vectura, et a annoncé se positionner comme un acteur du secteur de la santé et du bien-être, ce qui a entraîné de fortes réactions des acteurs de santé[3]. British American Tobacco (BAT) est aussi présent sur ce secteur des biotechnologies par le biais de sa filiale KBio Holdings et s’est lancé dans le développement de traitements et de vaccins à base de plantes contre les maladies rares[4]. Ce positionnement des industriels du tabac sur le marché médical est cependant considéré par l’OMS et d’autres parties du traité comme un conflit d’intérêts  manifeste entre les impératifs de santé publique exprimés dans la CCLAT et le commerce des produits du tabac, à la source de huit millions de morts annuels dans le monde.

Takashi Nagao, le PDG de Medicago, s’est félicité que le vaccin Covifenz n’ait pas été rejeté pour ses vertus thérapeutiques, mais à cause de son actionnaire Philip Morris. Il a précisé le 16 mars ne pas avoir encore reçu la notification officielle de l’OMS à ce sujet. En juillet 2020, Medicago annonçait son intention de se distancier de PMI pour éviter de potentiels blocages à son développement, qu’elle a finalement rencontrés faute de n’avoir su établir suffisamment de distance[6].

Mots-clés : PMI, BAT, Medicago, Covifenz, Mistubishi, vaccin, COVID-19, CCLAT, OMS

©Génération Sans Tabac

MF


[1] PMI announces Medicago to supply up to 76 million doses of its plant-derived COVID-19 vaccine candidate, site de Philip Morris International, publié le 24 octobre 2020, consulté le 18 mars 2022.

[2] Snowdon Smith Z, WHO ‘Very Likely’ Won’t Approve Medicago’s Covid Vaccine Due To Tobacco Ties, Forbes, publié le 16 mars 2022, consulté le 18 mars 2022.

[3] Pour STOP, Vectura doit désormais être traitée comme un acteur de l’industrie du tabac, Génération Sans Tabac, publié le 22 septembre 2021, consulté le 18 mars 2022.

[4] Gretler C, Medicago Covid Shot Faces WHO Rejection Over Company’s Tobacco Links, Bloomberg, publié le 16 mars 2022, consulté le 18 mars 2022.

[5] Lofaro J, WHO pauses approval of Quebec’s Medicago COVID-19 vaccine due to tobacco industry ties, CTV News, publié le 16 mars 2022, consulté le 18 mars 2022.

[6] Laframboise K, Medicago’s Canada-made COVID-19 vaccine faces WHO rejection due to tobacco industry ties, Global News, modifié le 18 mars 2022, consulté le 21 mars 2022.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 21 mars 2022