Vente de tabac au détail : panorama réglementaire dans le monde

14 août 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 14 août 2024

Temps de lecture : 9 minutes

Vente de tabac au détail : panorama réglementaire dans le monde

Une récente étude publiée dans la revue Tobacco Control donne un aperçu du paysage réglementaire mondial concernant la vente de produits du tabac au détail, dans les différentes régions de l’OMS. Les auteurs de la recherche estiment que si de nombreuses juridictions ont instauré des systèmes de licence ainsi que des restrictions sur les lieux où le tabac peut être vendu, les stratégies actives de diminution du nombre de points de vente demeurent trop peu mises en place, et les politiques de contrôle encore insuffisantes.

Les différentes études disponibles montrent qu’une forte densité de détaillants de tabac est généralement associée à une prévalence tabagique élevée, faisant de la réduction du nombre de points de vente un enjeu majeur de santé publique. Par ailleurs, la littérature scientifique indique une plus forte densité de points de vente dans les quartiers et les zones à faibles niveaux de revenus. Cette situation renforce ainsi les inégalités sociales face à la santé, en majorant les difficultés des plus précaires à maintenir et à réussir leurs tentatives de sevrage, ainsi qu’en favorisant les risques d’initiation tabagique chez les plus jeunes.

Europe

De nombreux pays d'Europe prévoient un système de licence ou un système d'enregistrement pour les détaillants de produits du tabac. En 2013, la Hongrie a introduit l'un des systèmes de licence les plus restrictifs dans l’objectif de réduire drastiquement le nombre de détaillants de tabac. Depuis la mise en place de cette mesure, la densité des points de vente a été réduite d’environ 85%, passant de 4,1 à 0,6 points de vente pour 1000 habitants.

En Espagne, en Italie et en France, la vente de tabac est encadrée par un monopole d’Etat, permettant de limiter les lieux de vente autorisés. Toutefois, les auteurs de l’étude estiment que ces systèmes tendent davantage à favoriser la maximisation des volumes de vente que la poursuite d’objectifs de santé publique.

En Russie, les pouvoirs publics n’exigent pas la mise en place de licences pour la vente de produits du tabac, mais prévoient des zones d’interdiction, à l’instar des établissements scolaires, des gares routières et ferroviaires ou des aéroports.  La Norvège, l’Irlande et l'Écosse exigent uniquement des commerçants qu’ils enregistrent leur entreprise en tant que détaillants de tabac. Les tentatives d'introduction d'un système de licence en Écosse en 2007 et en Norvège en 2017 ont été contrecarrées par le lobby du secteur tabac, qu’il s’agisse des fabricants ou des détaillants. Aux Pays-Bas, s’il n’existe pas de système de licences pour les détaillants de tabac, les supermarchés du pays ne sont pas autorisés à vendre du tabac depuis le 1er janvier 2024.

Afrique

Les pays africains n’ont généralement pas introduit de législation contraignant les commerçants à obtenir des licences pour vendre des produits du tabac. Toutefois, huit pays limitent désormais la vente de tabac dans différentes zones, notamment dans des rayons autour d’établissements scolaires ou de santé (Tchad, République du Congo, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gambie, Île Maurice, Sénégal, Ouganda). Certains pays, à l’instar du Sénégal ou de l’Ouganda, élargissent ces interdictions à d’autres zones, comme les lieux de culte ou les stations de transport public. L’étude pointe des restrictions plus étendues en Gambie, où les interdictions de fumer concernent également les stades sportifs, les crèches, les cinémas et les théâtres. Toutefois, la presse locale fait état de faibles niveaux d’application de la loi plusieurs années après son entrée en vigueur.

Enfin, l’Afrique du Sud et le Botswana ont mis en place des interdictions temporaires de vente, dans le cadre de l’état d’urgence relatif à la pandémie de COVID-19.

Amériques

L’étude souligne le manque de données pour les pays d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Les éléments disponibles tendent toutefois à indiquer que les législations prévoient soit des mesures de délivrance de licences, comme en Argentine, ou au Panama, soit des mesures d’interdiction de vente de tabac dans certaines zones, comme au Chili ou au Paraguay.

Au Canada, la délivrance de licences de vente au détail de produits du tabac est gérée à l'échelle des provinces plutôt qu'à l'échelle nationale. Les auteurs soulignent par ailleurs que les licences sont délivrées à des prix très faibles (91 dollars en Nouvelle-Ecosse), voire gratuitement. Dans trois provinces canadiennes, aucune licence n’est exigée par les pouvoirs publics pour vendre du tabac (Saskatchewan, Alberta et Québec).

Sans réglementation nationale, les États-Unis se caractérisent par une multiplicité de juridictions à l’échelle des États, des comtés et des collectivités locales. Nombre d’entre elles prévoient un système de délivrance de licences ou de limitation de vente dans certaines zones, comme à proximité des établissements scolaires et parascolaires et les établissements de santé. Les données issues des Centers for Disease Control and Prevention montrent notamment que la ville de New-York a introduit dans sa législation l’interdiction de vente de produits du tabac aux abords des pharmacies, et prévoit à travers cette mesure une réduction de 40% du nombre de détaillants dans les dix prochaines années. Philadelphie s’est par ailleurs engagée à réduire le nombre de détaillants de tabac, notamment dans les zones à faibles niveaux de revenus, et dans les zones de fortes concentrations de minorités, dans l’objectif de réduire les inégalités sociales face au tabagisme. En 2021, les villes de Beverly Hills et de Manhattan Beach en Californie ont instauré des interdictions de vente quasi-totales. En 2022, Brookline (Massachusetts), a introduit l’interdiction de vente de produits du tabac à toute personne née après 1999, dans l’objectif de parvenir à une génération sans tabac.

Asie du Sud-Est

En Inde, bien qu’il existe une restriction sur la vente de tabac à moins de 100 mètres de tout établissement scolaire, aucun système de licence n’est prévu pour la vente de détail de produits du tabac. Comme au Bengladesh, cette mesure commence à être introduite à l’échelle de certains États, mais leur mise en application progresse généralement lentement. Le Bhoutan, qui en 2005 a été le premier pays du monde à interdire totalement la vente de produits du tabac, a suspendu quinze ans plus tard la mesure de santé publique, dans le cadre de la pandémie de COVID-19 et de la fermeture des frontières.

Méditerranée orientale

La Jordanie, le Pakistan, le Qatar et les Émirats arabes unis interdisent la vente de tabac à proximité des établissements scolaire et des établissements de santé, à une distance comprise entre 50 mètres et un kilomètre selon les pays. Au Pakistan, aucune obligation d’obtention de licence n’est requise par les pouvoirs publics pour vendre du tabac, à l’exception de la ville d’Islamabad, qui impose un renouvellement annuel des licences, ainsi qu’une déclaration sous serment des détaillants, attestant que ces derniers se conformeront à différentes mesures de protection de santé publique (interdiction de fumer dans le commerce, interdiction de vente de produits du tabac aux mineurs, respect de la signalisation dans le magasin, etc.).

Pacifique occidental

En Nouvelle-Zélande, le programme Smokefree Aotearoa 2025 a été lancé en décembre 2021, introduisant notamment une stratégie de forte réduction du nombre de détaillants entre 2023 et 2025. L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité s’est toutefois traduite par l’abrogation de la plupart des mesures prévues dans le programme, considéré par les auteurs de l’étude comme l’un des plans nationaux de lutte contre le tabagisme les plus complets et les plus ambitieux.

En Australie, la vente de tabac n’est pas réglementée à l’échelle nationale. Cependant, tous les États et territoires, à l’exception de Victoria et du Queensland prévoient une obligation de licence ou de notification (Nouvelle-Galles du Sud). Le Parlement du Queensland a adopté un projet de loi introduisant une obligation d’une licence pour l’ensemble des détaillants de tabac à partir du 1er septembre 2024.  Il n’existe aucune restriction quant à la densité ou à l’emplacement des détaillants de tabac dans le pays.

Un système de licences a également été mis en place au Brunei. Toutefois, suite à l’introduction d’une politique fiscale sur les produits du tabac, de restrictions publicitaires et d’avertissements sanitaires obligatoires de grande taille sur les paquets en 2014, l’industrie du tabac a cessé ses ventes dans le pays, invoquant des réglementations excessives. Ainsi, dans la pratique, il n’y a désormais plus de détaillants de tabac au Brunei.

En Chine, la production, la vente et la réglementation du tabac sont contrôlées par le gouvernement. Une licence est requise pour les détaillants, tandis que la vente de produits du tabac n'est pas autorisée à proximité des jardins d'enfants, des écoles primaires et secondaires.

Recommandations

La mise en place d’un système de licences de tabac tout comme l’élargissement des zones d’interdiction de vente de produits du tabac peut permettre de réduire le nombre détaillants, et ainsi favoriser la lutte contre le tabagisme et la dénormalisation du tabac. Comme le soulignent les auteurs de l’étude, les modalités d’attribution de ces licences doivent faire l’objet d’un processus transparent, afin de garantir la confiance et le soutien de la population à l’égard de cette mesure de santé publique. Par ailleurs, les chercheurs recommandent aux pouvoirs publics de favoriser la diminution du nombre de points de vente de tabac, en introduisant ou en augmentant les droits de licence.

©Génération Sans Tabac

FT

[1]Canty RGartner CEHoek J, et al, Global policy scan of commercial combustible tobacco product retailing regulations by WHO region, Comité national contre le tabagisme |

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