L’institut économique Molinari au service de l’industrie du tabac
27 février 2020
Par: communication@cnct.fr
Dernière mise à jour : 6 août 2024
Temps de lecture : 11 minutes
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SOMMAIRE
- UN MAUVAIS ÉLÈVE AU CLASSEMENT DES THINK TANKS FRANÇAIS
- L’INSTITUT MOLINARI, PRODUCTEUR DE DOUTE
- L’AGNOTOLOGIE AU SERVICE DE LA CONTROVERSE
- LE RÉEL N’A PAS EU LIEU : DISQUALIFIER LES FAITS, DISCRÉDITER LES SCIENTIFIQUES
- DÉCOURAGER LE LÉGISLATEUR
- MOLINARI ET LE TABAC
- DES EXPERTS SOUS INFLUENCE
- L’INDUSTRIE MOLINARI, CACHE-SEXE DE L’INDUSTRIE DU TABAC
- LES FUMEURS, VACHES A LAIT DE L’ETAT : QUE DIT L’ETUDE ?
UN MAUVAIS ÉLÈVE AU CLASSEMENT DES THINK TANKS FRANÇAIS
Ainsi, l’étude réalisée en 2017 par l’Observatoire européen des think tanks, propose d’évaluer les cercles de réflexion français sur trois critères distincts4.Les think tanks sont d’abord classés en fonction de la qualité de leur gouvernance. Il s’agit en fait d’évaluer « l’application en interne de pratiques managériales au service d’un cadre déontologique ». Concrètement, le critère de bonne gouvernance vise à vérifier la capacité du think tank à appliquer les principes de la démocratie associative. Or, dans ce domaine, l’Institut Molinari fait pâle figure. Sur les 53 think tanks français recensés, l’IEM ne se situe qu’à la 38ème place du classement.Ensuite, les think tanks sont évalués selon le critère de transparence, en particulier à l’égard de leurs sources de financement. La transparence est un enjeu particulièrement crucial, puisqu’il permet d’indiquer les possibles conflits d’intérêts auxquels peuvent être confrontés les cercles de réflexion. De fait, on estime que le degré de transparence d’un think tank permet en grande partie d’en déduire son niveau réel d’indépendance5. Ici encore, l’Institut Molinari fait office de mauvais élève, en figurant ex aequo à la dernière place de ce classement. Et pour cause, le think tank ne donne pas la moindre information sur les modalités de son financement, mettant en doute la réalité de son « indépendance intellectuelle ».Selon le Corporate Europe Observatory, la société pétrolière et gazière Exxon Mobil aurait secrètement financé un certain nombre de think tank climato-sceptiques, parmi lesquels figure l’Institut Economique Molinari6. Ce manque de transparence était alors parfaitement assumé par l’Institut, considérant que les sources de financement étaient d’ordre confidentielles, et que la décision de leur publication revenait au donateur.Enfin, les think tanks sont évalués sur un critère de volume de production. Considérant que la vocation principale d’un cercle de réflexion est de participer au débat public à travers ses idées et ses propositions en matière de gouvernance et de politiques publiques, il est intéressant de dresser une comparaison de ces organismes dans leurs capacités de publication et de diffusions d’idées. Sur ce point, les conclusions de l’Observatoire sont sans appel, puisque l’Institut Economique Molinari arrive en dernière position de ce classement, avec un volume de production considéré comme « beaucoup trop faible ».Tenant compte de chacun de ces critères, l’étude dresse un classement définitif des 53 think tanks français, dans lequel l’IEM se hisse péniblement à la 47ème position, avec une note de 23 points sur 100, mettant en question autant son intégrité, sa légitimité que sa crédibilité en tant qu’incubateur d’idées dans le débat public.L’INSTITUT MOLINARI, PRODUCTEUR DE DOUTE
L’Institut Molinari s’est notamment distingué par son soutien à Vincent Courtillot, géophysicien et fer de lance français du climato-scepticisme avec Claude Allègre9. Dans son ouvrage, Nouveau voyage au centre de la Terre8, le scientifique réfute les conclusions tirées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). La thèse présentée est simple : selon Courtillot, les hausses générales des températures sont liées à l’activité géologique et volcanique de la Terre, et rien ne permet d’affirmer la responsabilité humaine et industrielle dans le bouleversement climatique actuel9.Ce ralliement au climato-scepticisme, loin d’être anecdotique, résume au contraire à elle-seule le positionnement et le rôle d’une structure comme l’Institut Molinari. Très régulièrement, ce think tank va prendre position sur des questions sensibles, en adoptant systématiquement un point de vue controversé et polémique. Voici quelques exemples de différentes prises de parole de l’Institut Economique Molinari10 :Le Round Up victime de la démocratie des crédules | Cécile Philippe | Article paru le 16 juin 2016 dans Contrepoints |
L’huile de palme : avantages sanitaires, environnementaux et économiques | Hiroko Shimizu | Note économique publiée par l’Institut Molinari en septembre 2012 |
La publicité sur les pesticides doit être autorisée | Cécile Philippe | Article publié dans les Echos le 4 avril 2005 |
OGM : une chance pour l’environnement | Gérard Kafadaroff | Texte d’opinion publié dans La Tribune le 17 juillet 2015 |
La parfaite inutilité d’une taxe soda | Valentin Petkantchin | Texte d’opinion publié dans les Echos le 18 octobre 2011 |
L’AGNOTOLOGIE AU SERVICE DE LA CONTROVERSE
Ainsi, à chaque fois que ces sujets sont abordés par les productions ou les interventions de l’Institut, on peut observer une constance dans l’argumentation, à travers la récurrence de l’idée de doute :A propos du réchauffement climatique, Cécile Philippe va avancer l’idée selon laquelle « il n’est pas scientifiquement possible d’établir avec certitude que le réchauffement est lié à l’activité humaine12».Si le doute est en science un principe méthodologique essentiel, l’Institut Molinari l’instrumentalise dans un tout autre but : tout est fait pour laisser croire à l’existence d’une controverse, ou chacune des parties opposées aurait la même légitimité à s’exprimer sur le sujet. C’est ce même principe qui va amener la directrice de l’IEM à affirmer que les causes du réchauffement climatique sont « extrêmement débattues », que le « débat fait rage », ou encore que « le doute est là » à propos de la nocivité du Round Up pour la santé humaine13.Pour nier l’existence d’un consensus scientifique, ce think tank n’hésite pas, par ailleurs, à mobiliser toute forme d’argumentation, y compris les plus burlesques. Ainsi, dans l’article sur l’autorisation des pesticides14, Cécile Philippe va dérouler une démonstration pour le moins surprenante, à faible teneur scientifique : « les insecticides ont aussi des bienfaits sur la santé et sur l'environnement. En effet, de nombreux insecticides [sont] utilisés sur les pelouses, les terrains de golf et les cultures agricoles […]15».Pour lire l'intégralité du décryptage L’institut économique Molinari au service de l’industrie du tabac
©Génération Sans Tabac[1] https://www.institutmolinari.org/[2] https://www.institutmolinari.org/2019/03/09/parce-que-les-idees-menent-le-monde/[3] https://www.institutmolinari.org/2019/03/10/qui-sommes-nous/[4] DENGLET, VILAIN, « Un pouvoir sous influence. Quand les think tank confisquent la démocratie », Armand Colin, 2012, 235 p.[5] POLLONI Camille, L’OBS, « Institut Montaigne, Terra Nova, Iris... Qui finance les think tanks ? », 19/11/2013 https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-explicateur/20131119.RUE0257/institut-montaigne-terra- nova-iris-qui-finance-les-think-tanks.html[6] Observatoire Européen des Think Tanks, « La France des think tanks. Résultats et analyse du label ‘think tank et transparent France 2017’ », Décembre 2017[7] https://portail-ie.fr/analysis/2061/les-think-tanks-francais-des-lobbies-intellectualises[8] Corporate Europe Observatory, « Brussels think tanks persist in funding secrecy ExxonMobil covertly funds EU climate skeptics », Décembre 2006 http://archive.corporateeurope.org/ThinkTankSurvey2006.html[9] PHILIPPE Cécile, Institut Economique Molinari (IEM), « Nouveau Voyage au centre de la terre », 23/02/2010 https://www.institutmolinari.org/2010/02/23/nouveau-voyage-au-centre-de-la-terre/[10] COURTILLOT Vincent, Nouveau voyage au centre de la terre, Editions Odile Jacob, 2009, 352 p.[11 Vidéo : « Vincent Courtillot : la terre et le réchauffement climatique », en ligne le 30/11/2009 https://www.youtube.com/watch?v=6Z-sawOdF-k[12] Tous ces articles sont en ligne sur le site du think tank : https://www.institutmolinari.org/[13] https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2014/01/refdp201438p32.pdf[13] Ibid[14] PHILIPPE Cécille, IEM, « Le glyphosate, une nouvelle illustration de la démocratie des crédules ? », 20/09/2016 https://www.institutmolinari.org/2016/09/20/le-glyphosate-une-nouvelle-illustration-de-la-democratie-des-credules-2/ 16 PHILIPPE Cécile, Les Echos, « La publicité sur les pesticides doit être autorisée », 06/08/2019 https://www.lesechos.fr/2005/04/la-publicite-sur-les-pesticides-doit-etre-autorisee-1065315[15] La citation complète est la suivante : « Ce que ces associations oublient de nous dire, c'est que les insecticides ont aussi des bienfaits sur la santé et sur l'environnement. En effet, de nombreux insecticides utilisés sur les pelouses, les terrains de golf et les cultures agricoles sont aussi utilisés pour lutter contre les termites, les rongeurs dans les restaurants, les puces et les tiques sur les animaux de compagnie, les algues dans les piscines et les champignons comme le mildiou dans les peintures pour la maison ». (sic)| © Comité National Contre le Tabagisme |