Union européenne : la médiatrice alerte sur le nouveau rôle d’un ancien commissaire européen
19 février 2021
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 19 février 2021
Temps de lecture : 4 minutes
La médiatrice européenne, Emily O’Reilly a exhorté la Commission à garder un œil attentif sur le nouveau rôle de l'ancien commissaire européen Günther Oettinger aujourd’hui dans un cabinet de conseil étroitement liée à l'industrie du tabac[1].
En novembre 2020, l'exécutif européen a approuvé une demande d'Oettinger, dont le mandat de commissaire européen au budget a pris fin en 2019, de rejoindre le conseil consultatif mondial du cabinet Kekst CNC. Le groupe a déclaré avoir perçu entre 100 000 et 199 999 € de revenus du géant du tabac Philip Morris en 2019, selon le registre de transparence de l'UE. Selon les informations fournies par Oettinger à la Commission, Kekst CNC contribue à élargir et à renforcer la réputation et la visibilité mondiales de Kekst CNC auprès des leaders d'opinion et des décideurs et soutient les activités de développement commercial.
Emily O'Reilly, dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lui demande de vérifier soigneusement que Günther Oettinger, n’exerce pas de lobby en faveur de Philip Morris. Elle rappelle qu’en tant que partie à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, « l’UE s’est engagée à protéger les politiques de santé publique de l’industrie du tabac ».
Les projets de la Commission de réviser prochainement plusieurs textes législatifs relatifs au tabac sont susceptibles d'être une préoccupation majeure de l'industrie. La Commission est en effet engagée dans le processus de révision de la directive sur la taxation des produits du tabac et de possible révision de la directive sur les produits du tabac[2].
La Commission européenne mal préparée au lobby de l’industrie du tabac
En juillet 2020, l’Observatoire de l’Europe industrielle (CEO) a publié un rapport, Smoke And Mirrors, montrant que la Commission européenne, dans son processus de décision en matière de santé publique, ne respecte pas ses obligations de protection à l’égard de l’influence et interférence de l'industrie du tabac.
L’industrie du tabac est d’ores et déjà active au niveau de l'Union européenne dans la perspective de la révision des textes cités. Lors de la négociation de l’actuelle directive sur les produits du tabac, les fabricants avaient investi des millions d'euros pour faire évoluer le texte dans un sens qui leur soit favorable. Le lobby qualifié de « sans précédent » par la députée européenne Michèle Rivasi avait même conduit à la démission du commissaire à la santé John Dalli. Des investigations ont été réalisées par le CEO, via un recours pour l’accès aux documents administratifs (Freedom Of Information), il a été possible de faire état de centaines de documents soulignant les actions de lobby déployées par l’industrie du tabac en direction des services de la commission en charge de la fiscalité, mais aussi du commerce. De nombreuses réunions ont ainsi eu lieu avec ces décideurs soulignant l’influence de l’industrie du tabac.
L'article 5.3 de la CCLAT et lignes directrices d’application demande notamment aux autorités publiques d'éviter l'influence de l'industrie du tabac en réduisant au maximum les contacts avec ses représentants. Elles précisent que lorsque ces relations sont nécessaires, dans le cas de la réglementation du secteur et de ses produits, celles-ci doivent intervenir en toute transparence totale.
Seule la Direction générale de la commission en charge de la santé (DG SANTE) respecte cette disposition en limitant ses réunions avec l'industrie du tabac et en répertoriant de manière proactive les rencontres avec l'industrie du tabac sur son site Web. Pour contourner cette règle limitant sa capacité d’agir pour influencer, l'industrie du tabac développe ses activités et pèse sur les décisions via d'autres services de la Commission qui n'assurent pas de transparence dans leurs relations avec les fabricants et globalement ne prennent pas en compte les dispositions du traité de la CCLAT dans ce domaine.
Crédit photo : ©STEPHANIE LECOCQ/EFE/Newscom/MaxPPP Mots clés : Industrie du tabac, Ingérence, Lobby, Commission, Europe, Commissaire européen ©Génération Sans Tabac[1] Lily Bayer, EU Ombudsman: Oettinger’s gig at tobacco-linked firm needs close scrutiny, Politico, 12 février 2021, consulté le 18 février 2021 [2] Kritik an Oettinger-Job für Tabaklobby, Die Presse, 13 février 2021, consulté le 18 février 2021 Comité National Contre le Tabagisme |