Une conseillère du ministère de la Santé travaille pour le lobbying des buralistes

18 septembre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 17 septembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes

Une conseillère du ministère de la Santé travaille pour le lobbying des buralistes

Après trois ans passés au ministère de la Santé, Capucine Durieux-Rudigoz a été recrutée par l’agence de communication et d’affaires publiques Image 7, où l’ancienne conseillère de l’avenue Duquesne sera amenée à travailler au service du lobbying de la Confédération des buralistes. Si une telle reconversion n’est pas illégale, elle pose toutefois une question de déontologie, et soulève l’enjeu de l’influence du secteur tabac dans la décision publique.

Comme le relève La Lettre, l’agence Image 7, présidée par Anne Méaux, est parvenue à débaucher une ancienne conseillère des trois derniers ministres de la Santé : François Braun, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo[1]. Restée trois ans au ministère, Capucine Durieux-Rudigoz a successivement officié en tant que « chargée d’appui opérationnel » et « conseillère discours et sujets transversaux ». Désormais, elle travaillera notamment pour les affaires publiques de la Confédération des buralistes, qui compte parmi les nombreux gros clients de cette influente agence, avec Google, Capgemini, Pernod Ricard, Goldman Sachs, Hermès ou encore Veolia Environnement[2].

Une pratique tolérée par la HATVP

Dans cette configuration, le journal rappelle que cette pratique des « portes tournantes », très courante dans le secteur du tabac, n’est pas illégale.

En effet, si la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) empêche l’ancienne conseillère du ministère de la Santé d’être embauchée par la Confédération des buralistes, elle n’interdit pas à Capucine Durieux-Rudigoz de travailler pour l’agence Image 7. Toutefois, il pourrait être intéressant de savoir si la HATVP a été informée que l’ancienne conseillère serait spécialement affectée pour la Confédération des buralistes.

D’autres cas de portes tournantes ont pu être identifiées ces dernières années. Ainsi, Kevin Reva avait été embauché par Philip Morris France après avoir été assistant parlementaire de Catherine Proccacia. L’ancienne sénatrice Les Républicains, développait un discours favorable au tabac chauffé, et avait été nommée rapporteure d’une mission parlementaire visant à « faire un point sur les aspects scientifiques relatifs aux "alternatives au tabac", en particulier sur leur dangerosité ». De la même manière, Japan Tobacco International avait débauché Marine Sauce, ancienne collaboratrice du sénateur LR François Bonhomme.

Un enjeu de porosité entre la décision publique et le secteur tabac

Si elles ne sont pas jugées illégales, ces pratiques des « portes tournantes » s’opposent directement au principe de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (CCLAT), ratifiée par la France, et qui exige de ses Parties que leurs politiques publiques ne soient pas influencées par les intérêts de l’industrie du tabac. Or, il est fortement probable que la bonne connaissance du ministère de la Santé par l’ancienne conseillère ait en grande partie motivé l’agence de lobbying à embaucher l’ancienne conseillère de l’avenue Duquesne.

Image 7, un allié historique de l’industrie du tabac

L’agence Image 7 est un partenaire de longue date du secteur tabac. En 2014, l’ouvrage Ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques mentionnait déjà que le cabinet de communication et de lobbying travaillait pour le compte de la Confédération des buralistes, mais également pour British American Tobacco, dont le budget pour la seule communication de crise était alors estimé à 30 000 euros par mois[3]. L’association avec les fabricants pouvant passablement écorner la réputation d’une agence, British American Tobacco ne figure toutefois pas dans la liste des clients publiée sur le site internet d’Image 7. Le cabinet est par ailleurs habitué à travailler avec des clients controversés mais lucratifs, comme le soulignait une enquête de Challenges en 2018, indiquant que les agences Publicis, Havas et Image 7 travaillaient pour le compte de l’Arabie saoudite[4].

©Génération Sans Tabac

FT

[1] La Lettre, Quand une ex-conseillère du ministère de la santé passe dans le camp des buralistes, 05/09/2024, (consulté le 11/09/2024)

[2] Image Sept, Clients, (consulté le 11/09/2024)

[3] Eker, Béguinot, Martinet, Ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques de santé publiques, Etat des lieux et recommandations, 2014, (consulté le 11/09/2024)

[4] Médiapart, Publicis, Havas, Image 7: des communicants pour l’Arabie saoudite, 08/11/2018, (consulté le 11/09/2024)

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