Une ancienne directrice de Philip Morris conseille le gouvernement britannique sur les risques de cancer
16 novembre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 14 novembre 2024
Temps de lecture : 4 minutes
Une ancienne directrice du cigarettier Philip Morris International (PMI) s'est vu confier un rôle au sein d'un comité d'experts influents chargés de conseiller le gouvernement britannique sur les risques de cancer, a révélé l’Observer[1].
Ruth Dempsey, ex-directrice des affaires scientifiques et réglementaires, a passé 28 ans chez PMI avant d'être nommée au Comité britannique sur la cancérogénicité des substances chimiques présentes dans les aliments, les produits de consommation et l'environnement (CoC). Avant la nomination de Mme. Dempsey, le CoC a participé à l'examen des e-cigarettes et des produits du tabac à chauffer, deux des produits phares de PMI.
En charge de la réglementation du dispositif de tabac chauffé IQOS
Dempsey a joué un rôle clé dans la promotion des intérêts de l'entreprise dans de nombreux médias. Dans une interview donnée en 2017 dans un journal costaricien, elle indique que les réglementations en vigueur dans certains pays rendaient difficile le lancement du dispositif de tabac chauffé IQOS, et a suggéré que les pays modifient leurs cadres réglementaires pour permettre à PMI de promouvoir les avantages d'IQOS auprès des consommateurs.
Depuis sa prise de fonction en février 2020, Dempsey a continué à être rémunérée par PMI pour des travaux tels que la rédaction d'un document parrainé par le cigarettier sur les stratégies de réglementation des produits du tabac à chauffer, document publié en 2023.
Elle possède également des actions chez le cigarettier et perçoit une retraite de PMI. Sur les médias sociaux, elle continue de s'engager auprès des cadres supérieurs de l'entreprise, notamment en aimant les messages LinkedIn du directeur de la communication et du vice-président des affaires publiques.
Depuis sa nomination au CdC, Dempsey a notamment participé à l'animation d'un atelier sur l'évaluation des risques de cancer devant un public composé notamment de représentants du Health and Safety Executive (organisme chargé de la santé et de la sécurité). Dans le cadre de ses autres activités privées, elle a fait la promotion des huiles essentielles pour « réduire votre charge toxique » par l'intermédiaire de sa société Science Speaks, qui est enregistrée à Lausanne, en Suisse, à proximité du siège de PMI.
Une nomination qui va à l’encontre des obligations de la Convention-Cadre de l’OMS, ratifiée par le Royaume-Uni
La nomination de Ruth Dempsey, non signalée jusqu'à présent, soulève des questions quant au risque d'influence indue et d'accès à des informations privilégiées sur des questions politiques et réglementaires susceptibles d'être utiles à l'industrie du tabac. Sa nouvelle position va notamment à l'encontre des principes de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, ratifiée par le gouvernement britannique, qui vise à limiter les interactions avec l'industrie du tabac afin de protéger les politiques de santé publique de toute interférence. Les directives d’application de l’article 5.3 du traité précisent qu'« il existe un conflit fondamental et irréconciliable entre les intérêts commerciaux de l'industrie du tabac et les intérêts de la politique de santé publique », de sorte que « les fonctionnaires du gouvernement doivent faire preuve de prudence lors des interactions ... dans tous les cas » - et limiter les contacts à ceux qui sont « strictement nécessaires ».
Sophie Braznell, qui surveille les produits du tabac chauffés dans le cadre du groupe de recherche sur la lutte contre le tabagisme de l'université de Bath, a déclaré « En permettant à une ancienne cadre et consultantes du plus grand fabricant de tabac au monde de rejoindre ce comité consultatif, nous mettons en péril son objectivité et son intégrité ».
AE
[1] Shanti Das, David Cox, Revealed: ex-director for tobacco giant advising UK government on cancer risks, The Guardian, publié le 10 novembre 2024, consulté le 12 novembre 2024
Comité national contre le tabagisme |